Paris 2024 : un défi pour les secteurs du tourisme et de la culture

La tenue des Jeux olympiques en Île-de-France et dans plusieurs villes françaises sera un évènement marquant de l'année 2024 bien au-delà du sport. Le tourisme et la culture figurent parmi les secteurs les plus impactés, plus ou moins positivement. Revue de détails.

Les Jeux olympiques et paralympiques de Paris, qui se dérouleront respectivement du 26 juillet au 11 août et du 28 août au 8 septembre 2024, dépasseront très largement le cadre du sport. À Paris, ils pourraient attirer jusqu'à 3 millions de visiteurs supplémentaires en 2024. La capitale française franchira alors allègrement la barre des 10 millions de touristes sur l'année et devrait engranger 4 milliards de recettes touristiques supplémentaires (lire notre article du 15 novembre). Ce qui ne va pas sans lancer quelques défis aux secteurs du tourisme et de la culture.

En premier lieu, se pose la question du logement. Pour les hôtels, la cause semble entendue. Ils afficheront complet et multiplieront leur prix par trois ou quatre. Moyennant quoi, il sera impossible de se loger à moins de 400 euros la nuit à Paris. Plus souvent, la nuitée frôlera les 1.000 euros. Cette envolée des prix a même incité l'Andes (Association nationale des élus en charge du sport) à proposer aux collectivités de devenir hébergeurs durant les Jeux (lire notre article du 12 décembre).

Pour les meublés de tourisme, et notamment les meublés non classés de type Airbnb, le rendez-vous olympique constitue également une aubaine… et peut-être un tournant. Une mesure de la dernière loi de finances aligne en effet le régime d'imposition des meublés de tourisme sur celui des locations nues de longue durée (lire notre article du 18 décembre). De quoi remettre en cause, une fois les épreuves terminées, cette pratique critiquée par les élus des zones en tension sur le plan du logement.

La réussite des Jeux en matière de tourisme tiendra aussi dans la qualité de service. À cet effet, la DGCCRF (direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes) vient d'annoncer qu'elle doublera en 2024 le nombre d'établissements contrôlés dans le secteur de l'hôtellerie et de la restauration par rapport à 2023, pour le porter à 10.000.

Transports, taxe de séjour : haro sur les touristes

Autre point de vigilance en termes de qualité d'accueil : les transports. Il faut ici distinguer deux champs : le transport lié aux Jeux et celui pour le reste des activités touristiques. Pour les Jeux, la tension est palpable en cette fin 2023. Une récente passe d'armes entre Anne Hidalgo, maire de Paris, d'un côté, qui estime que les transports "ne seront pas prêts", et Valérie Pécresse, président de la région Île-de-France, de l'autre, qui prétend le contraire, a mis en lumière la part d'incertitude qui demeure sur ce dossier et que la Cour des comptes avait soulignée dans son rapport de juillet 2023. Plus largement, Paris 2024 aura un impact – négatif – pour les usagers occasionnels des transports franciliens, autrement dit, les touristes. Valérie Pécresse a en effet annoncé fin novembre le doublement du prix du ticket de métro et du forfait à la journée du 20 juillet au 8 septembre car elle "refuse que ces surcoûts soient payés par les Franciliennes et les Franciliens".

Les touristes seront mis deux fois à contribution en matière de transports : la loi de finances pour 2024 prévoit en effet le triplement de la taxe de séjour sur les nuits d'hôtel en Île-de-France afin de financer les transports franciliens. Le tout pour "une collecte annuelle de 423 millions d'euros bien au-dessus du besoin de financement de 200 millions d'euros indiqué par IDF Mobilités et le gouvernement", s'insurgent dans un communiqué du 19 décembre l'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie (UMIH) et le groupement national des chaînes hôtelières (GNC).

Effet d'éviction

Le secteur du tourisme sera enfin largement concerné durant la tenue des épreuves par les restrictions de circulation, tant des piétons que des automobilistes. Si celles-ci doivent être activées le temps des compétitions, soit 2h30 avant le début des épreuves et jusqu'à une heure après, ces restrictions pourraient s'étaler sur toute la journée autour de sites touristiques emblématiques comme le Grand Palais, le Champs-de-Mars et le Trocadéro, ce qui en réduira considérablement l'attractivité et l'activité.

Dans le domaine de la culture, Paris 2024 pose des questions différentes. Si la France devrait globalement connaître un afflux de visiteurs, on sait aussi que les grands évènements sportifs provoquent un effet d'éviction pour certains types de touristes. Autrement dit, les amateurs de sport risquent de bouter hors des villes concernées par les épreuves olympiques les amateurs d'art désireux d'éviter les désagréments liés aux Jeux. Une note de l'Office du tourisme et des congrès de Paris anticipe déjà la baisse de fréquentation de certains équipements culturels, comme les musées… ce qui n'empêche pas la ville de Paris de proposer pour la saison 2023/2024 un programme "art et sport", à l'image du Musée des arts décoratifs.

Festival d'annulations

Mais avant de s'inquiéter d'une éventuelle baisse de fréquentation, le secteur s'était alarmé quand, en octobre 2022, le ministre de l'Intérieur avait annoncé que de nombreux festivals programmés à l'été 2024 seraient annulés ou reportés faute d'effectifs de forces de l'ordre suffisants pour assurer leur sécurité, alors que près de 30.000 policiers et gendarmes seront mobilisés en moyenne tous les jours pour les Jeux (lire notre article du 26 octobre 2022).

Finalement, une circulaire est venue fixer les règles (lire notre article du 14 décembre 2022) et seuls les événements culturels, festifs ou sportifs d'ampleur, nécessitant des unités de forces mobiles, devront être annulés ou reportés entre les 18 juillet et le 11 août puis du 24 août au 8 septembre 2024. Les dates des festivals d'Avignon, des Vieilles Charrues ou de l'Interceltique de Lorient ont ainsi été ajustées. D'autres ont été contraints d'annuler leur édition 2024. C'est le cas de Montjoux Festival, à Thonon-les-Bains, de Magnifique Society, à Reims, ou encore de Summer Vibration Festival, dans le Bas-Rhin. En cause : l'attention du public et des ressources (entreprises de sécurité, bénévoles, etc.) occupée par Paris 2024, la concurrence locale qu'aurait entraîné un changement de dates ou encore l'indisponibilité d'un lieu pour cause de passage de la Flamme olympique. À ceux-ci, il faut ajouter les 20% d'organisateurs de festivals de musiques actuelles qui, cet automne, ne savaient toujours pas si leur manifestation aurait lieu en 2024, le tout sur fond d'augmentation des coûts de production (lire notre article du 26 octobre).

Rendez-vous en 2025…

Reste que l'Olympiade culturelle – "programmation artistique et culturelle pluridisciplinaire ambitieuse pour explorer les liens entre l'art et le sport et ajouter aux émotions sportives des émotions culturelles", selon le ministère de la Culture – offrira aux acteurs de la culture des opportunités de produire et de se produire. 534 collectivités se sont engagées et plus de 16.000 événements sont labellisés.

Comme le sport, le tourisme et la culture auront aussi leur héritage des Jeux. Si plusieurs éditions du rendez-vous olympique ont, par le passé, conduit à une baisse de la fréquentation touristique globale durant la période ou l'année de l'évènement, sur le long terme, une augmentation est quasi systématiquement observée, en particulier l'année suivant l'évènement en raison de la forte exposition médiatique dont il a bénéficié. Et ce nouvel afflux, loin d'être attiré par les projecteurs des stades, se tournera vers les sites naturels, les arts et le patrimoine de la France qui devra être prête à l'accueillir.