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Outre-mer : le Cese plaide pour un "droit opposable" à l'eau potable

Le Conseil économique, social et environnemental (Cese) a adopté le 25 octobre un avis dans lequel il invite les parlementaires à déposer une proposition de loi pour créer un "droit opposable à l'accès à l'eau potable pour tous", alors que plusieurs territoires ultramarins connaissent de graves problèmes d'approvisionnement.

Par 105 voix pour, 10 contre et 5 absentions, le Conseil économique, social et environnemental (Cese) a adopté ce 25 octobre un avis sur la gestion de l'eau et de l'assainissement dans les outre-mer. Dans ces territoires, "les coupures d’eau, le manque d’infrastructures, les inégalités d’accès… génèrent un très fort mécontentement des usagers", relève le Cese qui estime que "le rétablissement d’un service de qualité est essentiel pour restaurer la confiance".

"Ouvrir un débat de fond" sur le droit d'accès à l'eau potable

"En France, la loi du 30 décembre 2006 dispose 'le droit à chacun d'accéder à l'eau potable dans des conditions économiquement acceptables par tous, pour son alimentation et son hygiène', rappelle-t-il. Or, cette disposition n'est pas appliquée partout en outre-mer, c'est la raison pour laquelle cet avis s'attache, par ses préconisations, à rendre ce droit véritablement opposable. Une proposition de loi ambitieuse permettra d'ouvrir un débat de fond et de contraindre les collectivités territoriales et l'État à se mobiliser davantage", poursuit-il. "La non-exécution de l'avis d'une commission de médiation départementale de l'eau permettra de déposer un recours devant le tribunal administratif", explique-t-il.

Il propose également d'engager un "plan d’action prioritaire pour l’eau" en Guadeloupe, en Guyane et à Mayotte avant 3 ans pour supprimer les interruptions de service ou "tours d’eau" en mobilisant la région, le département et les intercommunalités, sous le contrôle de l’État. Ce plan prévoirait une augmentation des investissements, l'intensification des recherches de fuites et des contrôles des branchements, la création d'infrastructures (captages, stations de pompage, de traitement et d’épuration…), le recours à l’expertise technique proposée par l’État et la réquisition de l’opérateur si les délais ne sont pas tenus. Il préconise aussi de mettre à disposition des rampes d’eau dans les quartiers d’habitation informels "afin de permettre un accès à une eau potable de qualité, dont la distribution est contrôlée et sécurisée, pour éviter les trafics et les violences."

Proposition de mise en place d'un tarif social de l'eau

Alors que les tarifs de l'eau en outre-mer sont les plus élevés au niveau national, avec des prix moyens de l’eau potable qui vont du simple au triple entre La Réunion, où elle est la moins chère, et la Guadeloupe, où elle est la plus chère, le Cese relève aussi le fait qu’"une part importante de la population connaît des difficultés économiques" - l’eau peut ainsi représenter jusqu’à un tiers du budget d’un ménage à Mayotte. "Dans le contexte de forte inflation pénalisant les ménages", le Cese demande un plafonnement général des tarifs de l’eau. Il propose aussi de mettre en place un "tarif social de l’eau" ainsi qu’une mensualisation des prélèvements, afin de mieux répartir la charge financière et de distribuer des "chèques eau" sous condition de ressources, sur la base d’un forfait de 400 litres d’eau par jour, par foyer, soit 150 m³ par an.

Les intercommunalités en première ligne

Parmi ses autres recommandations, le Cese préconise aux intercommunalités de rendre compte de leur gestion de l'eau, au moins deux fois par an, lors de réunions publiques participatives ouvertes à tous. Il recommande également la mise en place de moyens de contrôle et de surveillance des délégataires par les intercommunalités et d'intégrer, à titre consultatif, des représentants de la société civile et des citoyens-usagers tirés au sort à la gouvernance des services publics de l'eau et de l'assainissement. Les chambres régionales et territoriales des comptes devraient également, selon le Cese, réaliser des enquêtes permettant de contrôler la mise en concurrence effective des marchés publics de gestion de l'eau et de l'assainissement, tous les cinq ans.

Le Cese préconise aussi "une juste harmonisation des prix de l’eau et de l’assainissement au sein d’une même intercommunalité", estimant qu'"un prix unique permettra d’établir une meilleure répartition des charges entre usagers et usagères, et entre services". Il plaide aussi pour "une fongibilité des budgets d’eau et d’assainissement des établissements intercommunaux, afin de permettre au gestionnaire d’optimiser les investissements". Les collectivités territoriales devraient aussi selon lui exonérer l’eau du réseau de la taxe d’octroi de mer car "cette taxe ne doit pas pénaliser les usagers et usagères les plus modestes pour la consommation d’un produit de première nécessité".

Pour des plans d’investissement territorialisés d’assainissement

Le Cese soutient également la mise en place de plans d’investissement territorialisés d’assainissement, cofinancés par l’État et les collectivités territoriales concernées au sens de la loi Notre, "afin de préparer la mise en conformité avec les obligations de la directive européenne Eau 2020/2184 du 16 décembre 2020 relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine". "Des stations d’épuration aux normes et adaptées devront être créées dans chaque intercommunalité, poursuit-il. Des filières d’assainissement complètes doivent être mises en place sur l’ensemble des territoires afin de réduire significativement les rejets dans l’environnement." Dans le même ordre d'idées, il préconise aux intercommunalités d’installer des "moyens modernes et écologiques d’assainissement (microstations d’épuration ou filières à filtre planté de végétaux) et de traitement des boues", afin de réduire "très fortement" les rejets dans les milieux naturels et la pollution diffuse. "Les spécificités du filtrage d’épuration des eaux usées en milieu tropical doivent faire l’objet d’études, de recherches et de développements afin d’apporter des solutions adaptées aux besoins", estime-t-il.

Risques liés à l'exposition au chlordécone

En matière de santé environnementale, le Cese souhaite que soient reconnues comme maladies professionnelles "toutes les affections des femmes exposées au chloredécone lors de leur travail sur les exploitations (en particulier les cancers du sein, de l’utérus et les pathologies développées lors de la grossesse)" et appelle à mener une campagne de prévention en direction de l’ensemble de la population, en particulier des femmes. Enfin, pour économiser l'eau potable, le Conseil recommande d’équiper les bâtiments, à commencer par les bâtiments publics, de dispositifs de collecte et de récupération des eaux de pluie, ainsi que de citernes de stockage, pour les usages domestiques non-alimentaires.

 

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