Organiser des élections dans la "précipitation", un défi pour les communes
Festivités et mariages annulés, flamme olympique détournée, vacances décalées : pour de nombreuses communes, se préparer aux élections législatives en à peine trois semaines représente un défi logistique, qui n'évite pas quelques dommages collatéraux.
Laurence, 50 ans, avait prévu depuis avril 2023 de se marier le 29 juin à la salle des fêtes de La Guerche-sur-l'Aubois (Cher). Mais en début de semaine, la mairie de cette commune de 3.300 habitants annonce aux futurs mariés l'annulation de leur location, leur proposant à la place un chapiteau sur le stade de foot, précise la quinquagénaire. "Je m'en fous totalement des élections et que cela ait des répercussions comme celle-là, je suis choquée", fustige Laurence, qui ne décolère pas et compte porter plainte contre la mairie. Le couple s'est replié "par dépit", dans une salle "plus petite", à "40 kilomètres". "Il faut reloger les gens, cela engendre des frais supplémentaires", peste la future mariée, qui doit prévenir la centaine d'invités.
À L'Isle-Saint-Georges, village de 500 habitants au sud de Bordeaux, le seul bureau de vote se trouve dans la salle des fêtes, déjà louée sur les deux week-ends des élections. Le choix a été de le déplacer dans la ludothèque. "Il va falloir déménager certaines choses, tous les jouets, transporter les tables, il faut un accès pour les personnes à mobilité réduite, il faut penser à tout ça en si peu de temps... Pour nous, c'est un très, très gros changement", prévoit la maire, Stéphanie Daubanes.
Du côté de Bonneval (Eure-et-Loir), il va falloir combiner le second tour des élections avec le passage de la flamme olympique. Les trois bureaux de vote de la commune de 5.000 habitants se trouvent tous dans la salle des fêtes, à proximité du parcours. "La préfecture ne souhaitant pas déplacer les bureaux de vote par peur des recours, nous avons changé le parcours de la flamme olympique. La deuxième partie du parcours va donc être totalement différente de ce qui avait été officialisé et sera raccourcie d'environ 400 mètres", selon le maire, Éric Jubert.
Défi logistique en vue aussi pour les traditionnelles Fêtes de Bayonne, l'un des plus grands rassemblements populaires d'Europe. Elles débuteront seulement trois jours après le second tour, avec la nécessité de jongler entre déploiement des bureaux de vote et préparatifs des festivités, qui ont attiré environ 1,3 million de personnes en 2023.
L'annonce des élections législatives "dans la précipitation" contraint les municipalités à une "organisation très compliquée", reconnaît Gaspard de Tastes, directeur de cabinet du maire (PS) de Lormont, dans la banlieue de Bordeaux. Dans cette commune de 22.000 habitants qui compte 14 bureaux de vote, "une dizaine d'agents ont dû décaler leurs vacances, dont la responsable du service élections", explique-t-il à l'AFP, chiffrant l'organisation de chaque tour de scrutin à 20.000 euros de "dépenses non prévues" pour la commune. "C'est déjà difficile à organiser mais là c'est imprévu, donc encore plus dur, et sur une période où on a des manifestations partout", comme des kermesses d'écoles et fêtes d'associations, note-t-il. "On est fatigué de devoir assumer en urgence. J'ai 150 associations à qui je vais devoir dire que les événements prévus ne seront pas possibles."
"Humainement, on a tout un travail qui tombe par terre", tempête Véronique Miquelly, maire DVD d'Auriol, commune de 11.500 habitants des Bouches-du-Rhône, qui réclame "une aide financière" pour payer les heures supplémentaires des agents.
Dans les villes, la question du manque d'assesseurs pourrait aussi se poser sur fond de congés estivaux. "C'est davantage un sujet urbain", confirme l'Association des maires ruraux de France (AMRF). Bordeaux, qui recherche 500 personnes environ, a lancé mercredi un appel aux bonnes volontés par communiqué de presse. "Dans la ruralité, on est toujours habitué à se débrouiller tout seul", souligne Guy Clua, président du conseil scientifique de l'AMRF et élu municipal à Saint-Laurent, près d'Agen (Lot-et-Garonne). "Entre les conseillers municipaux et la population, on n'aura aucun problème pour tenir les bureaux de vote. Ça demande une mobilisation mais nous sommes les bénévoles de la République !", lance-t-il.