Numérique pour l'éducation : l'État en appelle à un nouveau partenariat avec les collectivités
La stratégie "Numérique pour l’éducation 2023-2027" du ministère de l'Éducation nationale énonce deux priorités : renforcer les compétences des élèves et préparer aux métiers d’avenir. La collaboration des collectivités est sollicitée sur plusieurs aspects.
Pap Ndiaye, ministre de l’Éducation nationale, entend passer à la vitesse supérieure en matière de numérique. Et sa stratégie du "Numérique pour l’éducation 2023-2027", présentée à l’occasion d’un déplacement à Poitiers le 27 janvier 2023, devra s'appuyer sur une "politique publique partagée" et largement renouvelée avec les collectivités territoriales.
L'ambition d'abord. Le document de présentation du ministère de l'Éducation nationale ne laisse aucune place au doute. La route est clairement tracée : "Le renforcement des compétences numériques des élèves est aujourd’hui un impératif" ; "l'école doit […] pleinement préparer aux compétences du XXIe siècle et aux métiers d’avenir".
Dans le détail, le ministre entend "développer la citoyenneté numérique des élèves". Tous les collégiens bénéficieront chaque année d’une action d’éducation aux médias et à l’information. Une action qui devra également toucher "une majorité d’élèves à l’école élémentaire et au lycée". En outre, les élèves de 6e seront sensibilisés au bon usage et aux risques des outils numériques et des réseaux sociaux.
Un "compte ressource" pour les enseignants
Le renforcement des compétences numériques des élèves passera, à l’école, par la formation des professeurs aux algorithmes et à la programmation sans écran. Au collège, l’objectif sera de permettre à chaque élève de comprendre le fonctionnement des outils et dispositifs numériques (algorithmes, intelligence artificielle, etc.), de savoir les utiliser de manière responsable et de disposer de premières compétences en codage. Au lycée général et technologique, il s'agira d’accroître l’attractivité des formations menant aux études ou aux métiers du numérique, particulièrement en direction des filles "très clairement sous-représentées" dans ces filières. Au lycée professionnel, la création et la modernisation des diplômes ainsi que la refonte de la carte des formations seront accélérées. Un objectif chiffré est avancé : former 400.000 à 500.000 professionnels du numérique supplémentaires d'ici 2027.
On note dans ce tableau la présence d'un axe complémentaire : la création d'un "compte ressources" qui doit permettre aux enseignants d’acheter des ressources numériques et outils pédagogiques sur les sites en ligne de partenaires. Selon le ministère, les modalités opérationnelles de ce compte devront "assurer un processus d’achat déconcentré, simplifié et auditable par le comptable, dans un esprit proche de celui qui a conduit à la mise en place du pass culture". Le "compte ressources" sera expérimenté à partir de 2024 dans des départements qui deviendront de nouveaux territoires numériques éducatifs (TNE). À terme, chaque compte sera alimenté par l’État et les collectivités volontaires.
Compléter la gouvernance
Pour atteindre tous ces objectifs, le ministère de l'Éducation nationale met en avant une condition sine qua non : renouveler le partenariat avec les collectivités territoriales, qui "fournissent les moyens matériels, comme des infrastructures, des terminaux, en assurent l’installation et la maintenance, et financent de plus en plus souvent des ressources pédagogiques". Ce partenariat renouvelé devra tenir compte des évolutions technologiques, qu'il s'agisse de "l’omniprésence des solutions hébergées dans le cloud", du matériel ou de l’émergence des ENT (espaces numériques de travail). De plus, il doit être noué à différentes échelles : académies et régions, directions académiques et départements, intercommunalités, bassins et communes.
D'où un premier axe : compléter la gouvernance du numérique pour l’éducation, tant au niveau national que local. Nationalement ou, comme le précise le ministère, "à un niveau politique", il sera question d'"échanger sur les grandes orientations à prendre et [de] s’assurer de l’alignement des actions". Localement, on déclinera "avec sens et cohérence" les orientations stratégiques nationales.
Si ce renforcement de la gouvernance du numérique pour l’éducation "doit avant tout s’appuyer sur la gouvernance existante entre l’État et les collectivités territoriales", le ministère suggère toutefois qu'elle puisse, "au besoin", prendre la forme de nouvelles instances. Il annonce même, en plus des deux "réunions politiques au niveau national" en 2023, que deux académies pilotes expérimenteront la nouvelle gouvernance locale.
Tableau de bord et équipement-type
Les collectivités sont encore sollicitées sur un axe fort de la future gouvernance du numérique pour l'éducation : la production et le partage d'indicateurs "à des fins de pilotage et d'évaluation." Des indicateurs qui nécessiteront "des informations fiables et régulières, à la dimension des territoires, et transposables à la maille nationale", et portant "a minima" sur les équipements, l’usage des services ou des ressources et les formations des enseignants. Selon le ministère, les représentants des collectivités figureront parmi les premiers bénéficiaires de ce "tableau de bord du numérique éducatif" dont la première version, construite en partenariat avec les acteurs volontaires, est annoncée d’ici la rentrée 2023.
Enfin, au-delà de la gouvernance à proprement parler, les collectivités sont également invitées à définir un équipement individuel type pour les collégiens et lycéens. Si un socle numérique de base a déjà été arrêté pour les équipements collectifs des établissements scolaires en 2021, les équipements individuels des élèves ne bénéficient pas encore d'une telle définition. Or, avance le ministère, "il est attesté qu’un élève qui dispose d’un équipement individuel développe plus facilement son aisance et ses compétences numériques". Deux référentiels, un pour le collège, l'autre pour le lycée, seront élaborés "en concertation avec les collectivités territoriales et les enseignants, et en cohérence avec les usages ou les finalités pédagogiques recherchées", et ce, pour la rentrée 2024.
En matière de numérique pour l'éducation, le cap stratégique pour l'horizon 2023-2027 est donc fixé par l'État. Toutefois, étant donné l'importance des compétences qui sont les leurs en la matière et au vu de leurs contraintes budgétaires, il y a fort à parier que les collectivités seront tentées de suggérer quelque modification de l'itinéraire…