Numérique : le Cese prône la reconnaissance d’un "véritable service public"
Le Conseil économique, social et environnemental (Cese) a adopté l’avis "Services publics, services au public et aménagement des territoires à l’heure du numérique". Il identifie les défis à relever pour faire du numérique un "service public à part entière", "une priorité nationale".
Près de 75% des démarches administratives faites en ligne en 2016. Mais 15% de la population française n'a pas utilisé internet en 2019. Le paradoxe n’a pas manqué d’être rappelé à plusieurs reprises à l’occasion de l'adoption de l’avis du Cese, mercredi 8 juillet 2020, à 168 voix pour et 3 abstentions.
"La révolution numérique a bouleversé la relation aux usagers, offrant des opportunités considérables d’amélioration : abolition des distances, instantanéité, nouveaux services", a résumé le rapporteur de l’avis, Patrick Molinoz, devant une assemblée masquée du Palais d’Iéna. Mais "les promesses du numérique ne sont ni totalement réalisées, ni sans inconvénient : disparité de couverture numérique, équipement inégal des ménages, problématique de l’inclusion", a t-il nuancé. Un propos largement et régulièrement repris, sous forme d’alerte, par le défenseur des Droits, présent lors de la séance plénière du 8 juillet : "La couverture numérique Très Haut Débit encore trop inégale dans les territoires, la capacité des ménages à supporter les coûts d’équipement et d’abonnement, l’importance de l’illectronisme sont en effet autant d’obstacles aux promesses importantes et avérées du numérique", a résumé Jacques Toubon.
Le "grand ministère du Numérique" déjà compromis ?
Afin que ce service public du numérique réponde aux principes de continuité, de mutabilité, d’égalité et de neutralité, le Cese préconise la "création d'un grand ministère du Numérique". Il recommande de "faire du numérique un service public à part entière et d’en faire une priorité nationale". En cela, il rejoint l’esprit du rapport sénatorial du 11 juin qui préconise de faire du numérique "une priorité de la relance". Une recommandation qui pourrait rapidement faire office de voeu pieux sachant que, depuis le remaniement du 6 juillet, le numérique n’a toujours pas de ministère. Dans cette logique, le Cese préconise "la création d'une Agence du numérique et de l'intelligence artificielle, associant le Conseil national du numérique, et regroupant l'Agence du numérique, la délégation interministérielle du numérique (Dinum) et l'Ansii. À voir, d'ici quelques jours, de quelle manière le gouvernement Castex prendra en compte cette recommandation.
Sur le plan des infrastructures, l’avis réclame, sans surprise, "l'accélération du déploiement du THD partout et pour toutes et tous en privilégiant les solutions de fibre à la maison et à l'entreprise (FTTH et FTTO)". Un aspect abordé et rapidement évacué par le secrétaire d’État au numérique, Cédric O, à l’occasion de son audition par le Cese le 19 mai. En outre, selon lui, "la question du déploiement du réseau 4G est la question la plus facile à régler". "Elle sera grosso modo réglée d’ici 2022 comme le gouvernement s’y est engagé", a rassuré Cédric O, évoquant tout de même "un peu de retard" pour déployer les pylônes, du fait du confinement, mais "globalement, le rythme est de 190.000 locaux connectés par jour ouvrés en France".
Inclusion, "grammaire numérique"
Le Cese relève aussi le besoin de faire de l’inclusion numérique une priorité en renforçant notamment la formation initiale et continue. Dans son intervention, Cédric O avait insisté sur "cette grammaire numérique de base". "Il faut former des citoyens dans un monde de plus en plus régi par le code, [...] pour faire en sorte de raccrocher les 13 millions de personnes, du moins au moins la moitié qui peut être formée, et offrir une solution à toutes les autres personnes qui n’ont pas accès."
"Conscient des coûts cachés de la digitalisation", le Cese alerte par ailleurs "sur l’importance de réaliser des études d’impact pour la réussite de la transition numérique". Pour ce faire, il recommande d’évaluer la contribution écologique du numérique, d’instaurer un "baromètre du numérique", de mettre en place le principe de la progressivité et de la non-exclusivité du recours au numérique avec l’instauration d’un "droit de refus" ou encore la garantie du maintien de solutions d’accès non numériques aux services publics. Sur ce point, Cédric O avait appelé à "repenser le service public à partir de l’expérience usagers", en multicanal, à savoir "en ligne, au téléphone, au guichet, en cohérence dans un parcours utilisateur". Selon lui, pour y parvenir, l’élément essentiel "c’est l'introduction de l’identité numérique et la capacité à ce que l’ensemble des démarches puissent se faire de manière dématérialisée".
Dans son intervention pré-enregistrée, le rapporteur Yves Kottelat n’a pas manqué de rappeler combien "la dématérialisation des procédures avec le numérique a entraîné la fermeture de nombreux services et obligé le citoyen à faire ses démarches en ligne avec les problèmes que cela peut engendrer". Raison pour laquelle le Cese a inscrit dans cet avis son souhait de voir définies "des actions de services publics non numérisables", notamment dans les hôpitaux, les maternités, les Ehpad…