Citoyenneté - Nouvelles formes d'engagement : une "cassure" entre deux jeunesses ?
L'Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire (Injep) tenait le 14 décembre ses rencontres 2017 intitulées "Les nouvelles jeunesses de la démocratie : une revitalisation de la participation citoyenne ?"
Le 14 décembre, les participants aux rencontres de l'Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire (Injep) – principalement des professionnels et élus de collectivités et d'associations – se sont vu présenter certains résultats de la deuxième édition du baromètre DJEPVA sur la jeunesse, réalisé par le Credoc en collaboration avec l'Injep (1) et publiée le 23 novembre 2017. Menée auprès de 4.500 jeunes de 18 à 30 ans de métropole et d'outre-mer, l'enquête vise à proposer aux acteurs de la jeunesse des "indicateurs récurrents sur les conditions de vie, les modes de vie, aspirations et attentes des jeunes". Les thèmes de la participation citoyenne, de l'engagement associatif et du service civique y occupent une place importante.
Les difficultés de mobilité (voir notre article du 23 novembre 2017), ainsi que la connaissance des dispositifs sociaux font également l'objet d'approfondissements. 14 fiches régionales ont en outre été élaborées dans le cadre de ces travaux.
Une "soif générale de reconnaissance"
"Plus d'un jeune sur deux a le sentiment en 2017 que son avis ne compte pas" au sein des espaces dans lesquels il évolue, a rapporté Thibaut de Saint Pol, directeur de l'Injep. "Ce sentiment de manque d’écoute doit être lu à l’aune de la 'soif générale de reconnaissance' qui s’est diffusée dans la société au cours des dernières décennies", peut-on lire dans la publication. Autre résultat mis en avant : un tiers des jeunes s'engageraient bénévolement dans une association ou une autre organisation (religieuse, politique, syndicale…), un quart de façon régulière.
"On est donc loin du discours sur le désengagement des jeunes", a commenté Thibaut de Saint Pol. Le niveau de participation serait globalement stable dans le temps. Toutefois, selon le rapport, "la participation des jeunes à la vie associative reste conditionnée - à l’image de celle de leurs ainés - par leur insertion dans la société, qui favorise en retour la capacité à s’engager et à faire entendre sa voix".
Le rôle des "intermédiaires" pour accompagner l'engagement des jeunes les moins favorisés
Pour Loïc Blondiaux, professeur de science politique à l'université Paris I Panthéon-Sorbonne, si le "malaise démocratique" est exacerbé chez les jeunes, il se traduirait, pour une partie d'entre eux, par de nouvelles modalités d'engagement - mobilisation sur une cause, organisations "horizontales" plébiscitées par opposition aux institutions représentatives, valorisation de la "contribution" et non plus tellement du "statut", etc. Représentées à la tribune ce 14 décembre, les organisations Warn!, Générations Cobayes, Ticket for Change ou encore Voxe.org illustrent bien ces nouvelles façons de s'engager. L'universitaire pointe un "risque de cassure" entre ces jeunes, éduqués et "très agiles", et ceux qui ne se sentiraient ni représentés par les systèmes politiques traditionnels ni concernés par les nouveaux outils de mobilisation, tels que les civic tech. "La disparition des intermédiaires constitue un risque majeur pour nos démocraties", a-t-il alerté.
L'approche d'intégration dans un collectif déjà constitué (versus invitation à s'affirmer dans un réseau d'individus et à co-inventer un mouvement) et de transmission de valeurs et de compétences est davantage celle des associations d'éducation populaire, telles que la JOC (Jeunesse ouvrière chrétienne), le MRJC (Mouvement rural de jeunesse chrétienne) et Animafac - trois associations également représentées lors de ces journées. "J'ai pu trouver ma place, c'est ce qui m'a donné envie d'avancer dans mon engagement", a ainsi témoigné Emelyn Weber, militante JOC portant aujourd'hui la voix de son mouvement au Conseil économique, social et environnemental.
Dans le département de Haute-Garonne, les jeunes interrogés sur leurs valeurs
Les jeunes veulent "du présentiel, de la rencontre", a renchéri Pascal Jarry, directeur de la mission démocratie participative / égalité femmes-hommes au Conseil départemental de la Haute-Garonne. Le département a réalisé son propre "Baromètre jeunesse" auprès d'un public plus large - des jeunes de 11 à 29 ans et des adultes de 30 à 75 ans invités à donner leur regard sur la jeunesse. L'objectif : "inscrire les questions de jeunesse à l'agenda politique départemental", en les appréhendant de façon globale - au-delà de "l'ADN solidarité" du département - et en tenant compte de la diversité des profils et des territoires. Les résultats, qui portent notamment sur les valeurs des jeunes, leur sens de l'engagement et leur vision de l'avenir, alimenteront la "stratégie jeunesses" du département.
(1) Deuxième édition d'un baromètre réalisé à la demande de la Direction de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative (ministère de l'Education nationale). Crédoc (Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie), Baromètre DJEPVA sur la jeunesse 2017, Lucie Brice, Radmila Datsenko, Nelly Guisse, Sandra Hoibian et Sophie Lautié en collaboration avec l’INJEP, Injep Notes&rapports/Rapport d’étude, novembre 2017.