Archives

Notre-Dames-des-Landes : le rapport de médiation met en balance les deux voies de sortie

Sans trancher le débat, le rapport de médiation remis ce 13 décembre n'écarte pas l'option d'un réaménagement de l'actuel aéroport nantais, solution contestée jusqu’ici, en raison de "sa faisabilité même", par les partisans d'un transfert sur le site de Notre-Dame-des-Landes. 

Les trois médiateurs mandatés par le gouvernement pour s'atteler au dossier controversé du projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes (Loire-Atlantique) ont remis ce 13 décembre à Matignon leur rapport d'une soixantaine de pages fruit de six mois d’investigations. Désignés le 1er juin, Gérard Feldzer, ancien pilote de ligne proche de Nicolas Hulot, Michel Badré, ancien président de la formation d’Autorité environnementale du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD), membre du Conseil économique, social et environnemental (Cese), et Anne Boquet, préfète, avaient la difficile mission de permettre à la nouvelle majorité de sortir par le haut de ce dossier polémique qui a empoisonné le quinquennat du président Hollande.

"Réaliser Notre-Dame-des-Landes ou procéder à un réaménagement complet de l’aéroport actuel de Nantes Atlantique"

Le Premier ministre, Edouard Philippe, a ainsi salué le travail accompli par ces trois médiateurs, qui ont "écouté et rencontré au cours de leurs travaux plus de 300 personnes" et commandé "un certain nombre d’expertises indépendantes nouvelles". Ce rapport a permis "d’identifier des sujets qui n’avaient pas suffisamment fait l’objet d’analyses", a-t-il souligné, tout en relevant que "les besoins liés au développement du transport aérien dans le Grand Ouest justifient la réalisation d’une plate-forme qui sera dimensionnée sur les hypothèses connues, c’est-à-dire le doublement du trafic aérien d’ici 2040". "Mais là où jusqu’à présent le raisonnement qui était privilégié consistait à se poser la question Notre-Dame-des-Landes ou rien", le rapport invite désormais à réfléchir sur un choix qui se formalise ainsi : "Réaliser Notre-Dame-des-Landes ou procéder à un réaménagement complet de l’aéroport actuel de Nantes Atlantique", résume le Premier ministre. 

Défaillance du processus démocratique

Comme s’y est engagé Emmanuel Macron, Edouard Philippe a également confirmé lors de son intervention qu’une décision "claire et assumée" serait prise "au plus tard en janvier", de façon à permettre "un retour à la normale sur les questions d’ordre public légitimement attendu par l’ensemble des habitants de la région". L’installation d’occupants sans titre sur certains terrains de la zone d’aménagement différée (ZAD) et l’organisation en Loire-Atlantique d’une consultation locale n’ont fait que cristalliser le sentiment d’impuissance de l’Etat à prendre une décision "qui n’a que trop tardé", considèrent les experts. Quel que soit le projet retenu, sa mise en œuvre devra en conséquence s’appuyer "sur un projet collectif de territoire". Définir un contrat de territoire, sur le modèle des "contrats de transition écologique" (CTE) pourrait être l’occasion "de cicatriser les plaies des conflits passés, en construisant avec les acteurs locaux un projet dynamique (…)", estime la mission. De son côté, le président du groupe LR au Sénat, Bruno Retailleau, partisan de la construction de l'équipement aéroportuaire, a mis en garde le gouvernement sur un recul qui encouragerait "ceux qui veulent casser", rappelant que 180 décisions de justice avaient été favorables au projet et qu'une consultation avait donné 55% de oui.

Deux options en débat

Contrairement au projet de Notre-Dame-des-Landes, "objet d’une documentation abondante et précise" - notamment dans le dossier de la Déclaration d’utilité publique (DUP) de 2008 -, rappelle la mission, l’option de réaménagement de l’aéroport actuel "avait été beaucoup moins étudiée jusqu’ici". Le rapport y consacre donc une partie importante de ses analyses, permettant d’apporter des réponses sur les points controversés de la faisabilité de cet aménagement. Si les options sont toutes deux "raisonnablement envisageables", la mission confirme "l’absence de solution parfaite". Chaque option paraît en effet "marquée par au moins un handicap significatif sur un critère particulier". L'aménagement de Nantes-Atlantique laisse notamment subsister des nuisances sonores significatives, "sans pour autant les accroître ni restreindre les zones constructibles". L’augmentation annoncée des trafics aériens serait en outre, d’après le Muséum national d’histoire naturelle, "sans effet significatif dommageable sur le site remarquable du lac de Grand Lieu".
Quant au projet de Notre-Dame-des-Landes, "s’il écarte des zones urbanisées les nuisances aéroportuaires", il accroît en revanche "significativement l’artificialisation des espaces agricoles et naturels ainsi que l’étalement urbain" (disparition immédiate d’environ 1.000 ha de surface agricole). L’atteinte des objectifs de compensation des impacts sur les milieux aquatiques reste par ailleurs incertaine. 

Du simple au double

En termes d’emploi et de développement économique, l’impact serait "globalement équivalent" sur la base d'un trafic aérien évalué à l’horizon 2040 à 9 millions de passagers. Alors que le site de Notre-Dame-des-Landes "semble plus favorable aux entreprises du nord de la Loire et de la Bretagne, plus nombreuses, celui de Nantes-Atlantique apparaît plus intéressant pour le sud de la Loire et la Vendée, et présente des avantages significatifs pour Airbus12 et les entreprises associées à son activité". Mais la comparaison financière entre les deux options est sans appel : le réaménagement de l'aéroport nantais est compris dans une fourchette de 365 à 460 millions d'euros, contre 730 millions d'euros pour l’option du transfert à Notre-Dame-des-Landes. Les besoins de réfection de la piste de l’aéroport actuel pour accueillir les trafics prévus "seraient significatifs, mais beaucoup moins importants et moins coûteux que ce qui était annoncé jusqu’ici", font valoir les experts. L’écart pour l’Etat et les collectivités serait donc "de l’ordre de 250 à 350 millions d'euros en faveur de l’option de Nantes-Atlantique, hors prise en compte d’une éventuelle indemnisation du titulaire du contrat de concession  [liant l’Etat à Aéroports du Grand Ouest]". Ce chiffre ne tient pas non plus compte d’un coût différentiel des opérations de rétablissement de l’ordre public entre les deux options. Le chantier de Notre-Dame-des-Landes imposerait par ailleurs des aménagements transitoires à Nantes-Atlantique jusqu’à la mise en service du nouvel aéroport.