Environnement - Nitrates : un arrêté finalise la révision de la procédure de délimitation des zones vulnérables
Alors que la Commission européenne a rendu public le 9 mars son quatrième rapport provisoire sur la mise en œuvre de la directive-cadre sur l'eau et de la directive Inondations dans l'ensemble de l'Union (voir encadré), un arrêté, publié au Journal officiel du 11 mars, vise à poursuivre les efforts entrepris par la France pour assurer une meilleure transposition de la directive 91/676/CEE dite directive Nitrates. Pour rappel, dans le cadre de l'exécution de l'arrêt en manquement de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) du 13 juin 2013, la France s'est engagée à réviser les zones vulnérables adoptées en 2012 en appliquant tous les critères fixés par la directive, d'ici le début 2015. Une nouvelle fois condamnée par la CJUE en septembre dernier, la France a souhaité donné une "base juridique solide à cette révision". Pour ce faire, un décret du 5 février 2015 a d'ores et déjà modifié les modalités de désignation et de délimitation des zones vulnérables en vue de protéger les eaux contre les polluants d'origine agricole, en procédant notamment au remplacement des consultations départementales par des consultations régionales et à la mise en place d'une procédure d'urgence, en cas de nécessité. Ce texte, qui reprend les définitions de pollution par les nitrates et d'eutrophisation, est entré en vigueur le 6 février à l'exception de la procédure de désignation des zones vulnérables, qui s'appliquera à compter du 15 mars prochain.
Adaptation à la réalité de terrain
Le présent arrêté précise les critères de désignation des zones vulnérables, en particulier l'utilisation du percentile 90 et le seuil de 18 mg/l pour identifier les eaux douces superficielles susceptibles d'être eutrophisées. Il indique ainsi que la teneur en nitrates à retenir pour définir les eaux atteintes par la pollution ou susceptibles de l'être correspond au percentile 90 et précise son mode de calcul selon le nombre de mesures réalisées (plus ou moins de dix). Il détermine également le mode de calcul pour la tendance significative à la baisse et notamment le laps de temps à retenir au minimum entre les deux dernières campagnes de surveillance. Enfin, il précise le lien entre la masse d'eau et le territoire communal pour délimiter les zones vulnérables. La prise en compte des limites des bassins versant alimentant les masses d'eau superficielles évite de classer tout le territoire communal, relève le ministère de l'Ecologie.
Philie Marcangelo-Leos / Victoires-Editions
Référence : arrêté du 5 mars 2015 précisant les critères et méthodes d'évaluation de la teneur en nitrates des eaux et de caractérisation de l'enrichissement de l'eau en composés azotés susceptibles de provoquer une eutrophisation et les modalités de désignation et de délimitation des zones vulnérables définies aux articles R. 211-75, R. 211-76 et R. 211-77 du code de l'environnement, JO du 11 mars 2015, p. 4414.
Directive-cadre sur l'eau : Quel est le bilan du quatrième rapport?
Le constat est sans appel : "en dépit de progrès réels, il est probable que près de la moitié des eaux de surface de l'Union ne parviendront pas à un bon état écologique en 2015, l'un des objectifs clés de la législation de l'Union sur l'eau". Dans son quatrième rapport sur la mise en œuvre de la directive-cadre sur l'eau et de la directive Inondations, publié le 9 mars, la Commission européenne pointe en particulier les lacunes en matière de suivi de l'état chimique des eaux de surface relevant ainsi que "plus de 40% des masses d'eau de l'Union ont un statut chimique inconnu". Parmi les problèmes existants figurent un excès de prélèvements à des fins d'irrigation - en particulier autour de la Méditerranée et de la mer Noire -, mais surtout la pollution considérable par les nutriments provenant de l'agriculture. Même constat du côté de l'Agence européenne de l'environnement (AEE) qui vient de présenter l'édition 2015 de son rapport annuel. L'AEE y confirme que l'agriculture demeure en Europe la première cause de la dégradation des ressources en eau, que ce soit sur le plan qualitatif (nitrates) ou quantitatif (prélèvements pour l'irrigation). La mauvaise planification de l'énergie hydraulique ou encore la protection contre les inondations représentent également de réelles préoccupations. Or, paradoxalement la Commission relève un sous-emploi des fonds de l'Union, par exemple pour soutenir le traitement des eaux résiduaires ou la réduction des risques d'inondation. Cette analyse s'accompagne d'une série de recommandations destinées à encourager, entre autres, "l'amélioration de la tarification de l'eau, les contrôles sur les prélèvements d'eau, les installations industrielles, ainsi que l'adoption de mesures relatives à la pollution par l'agriculture". La Commission invite en particulier la France à fournir une méthodologie plus consolidée pour la justification d'exemptions à l'accomplissement d'objectifs environnementaux. Mais il lui incombe surtout de rattraper les écarts restants pour réduire les niveaux actuels de contamination des rivières et des eaux souterraines par les pesticides, en fixant des mesures ciblées à l'agriculture et en abordant la pollution par des substances nutritives (l'azote et le phosphore). Les mesures de restauration sont elles aussi à amplifier (amélioration de la qualité de l'eau, protection contre les inondations, conservation d'habitats, etc.).
L'ensemble des recommandations de la Commission sera présenté par le commissaire Vella les 23 et 24 mars à Bruxelles lors de la quatrième Conférence européenne sur l'eau. Une façon de contribuer à la Journée mondiale de l'eau, prévue le 22 mars, consacrée cette année à l'eau et au développement durable.
P. M.-L. / Victoires-Editions