Equilibre des finances publiques - Monopole des lois de finances sur les mesures fiscales : feu vert des députés après le vote d'un compromis
Les députés reconnaissent qu'au cours de ces dernières années, ils ont eu tendance à voter des mesures fiscales coûteuses pour les finances publiques, et ce dans beaucoup de textes divers. A l'appui de ce constat et dans le but de mieux maîtriser les dépenses publiques, le projet de loi constitutionnelle relatif à l'équilibre des finances publiques - adopté en première lecture ce 10 mai en fin d'après-midi avec les seules voix de la majorité, par 321 voix contre 229 - prévoit de réserver à l'examen des lois de finances (initiales ou rectificatives) et lois de financement de la sécurité sociale la discussion parlementaire de toute mesure de nature fiscale. Concrètement, une proposition ou un projet de loi serait débattu dans le courant de l'année, comme aujourd'hui, mais ses dispositions de nature fiscale intégreraient nécessairement la loi de finances, le collectif budgétaire ou la loi de financement de la sécurité sociale. Cette règle s'appliquerait aux dispositions fiscales touchant aux ressources des collectivités, y compris lorsqu'il s'agit de traiter de la création ou de l'extension des compétences des collectivités, comme l'ont décidé les députés à l'article 11 du projet de loi.
L'élaboration des lois de finances et de financement de la sécurité sociale serait elle-même plus contrainte, puisqu'elle devrait respecter la trajectoire de recettes et de dépenses fixée pour trois ans par une loi-cadre.
De manière quasi unanime, les députés se sont élevés contre la réduction du droit d'initiative parlementaire qui serait la conséquence de ces mesures. Tentée de les rejeter, la majorité y a finalement renoncé, pensant trouver un compromis dans un amendement du président de la commission des lois, Jean-Luc Warsmann. Avec cet amendement, les parlementaires pourront continuer à déposer des propositions de loi ou d’amendements contenant des mesures fiscales. Mais le gouvernement ou le président de l'assemblée concernée pourra, "à tout moment de la procédure législative", déclarer le texte ou l'amendement irrecevable en vertu de l'article 41 de la Constitution. Aujourd'hui déjà, cette disposition constitutionnelle confère au président de l'assemblée saisie ou au gouvernement la faculté de juger irrecevable tel ou tel amendement parlementaire s'il est d'ordre réglementaire et non législatif. Comme l'a proposé le président de la commission des lois de l'Assemblée, avec le soutien du gouvernement et du président du groupe UMP, le champ de l'article 41 serait donc étendu à la protection du monopole des lois de finances et de financement de la sécurité sociale.
"Parlementarisme rationalisé"
Pour le président de la commission des lois, l'amendement apporte "un peu de sécurité juridique et un peu de (...) marge de manœuvre" au Parlement. C'est ce qu'a mis en doute le président de la commission des finances, Jérôme Cahuzac, pour qui, avec cette mesure, "le parlementarisme rationalisé voulu en 1958 évoluera vers une forme plus sévère". De plus, l'amendement Warsmann ne "garantira en rien la maîtrise de la dépense publique", a affirmé Jérôme Cahuzac, dans la mesure où se sont les lois de finances et de financement de la sécurité sociale qui ont pour l'essentiel creusé le déficit public de ces dernières années. Dans son rapport pour la commission de lois, Jean-Luc Warsmann le reconnaissait d'ailleurs : "Sur l'ensemble des mesures nouvelles relatives aux recettes fiscales de l'Etat adoptées entre 2000 et 2009, l'impact budgétaire des mesures prises dans des lois non financières est inférieur à 16%."
Le président (PS) de la commission des finances a apporté son soutien, tout comme des députés de tous les rangs, à un amendement du rapporteur général du budget, Gilles Carrez, tendant à créer des "lois de prélèvements obligatoires". Ces lois d'un genre nouveau contiendraient les dispositions fiscales des lois ordinaires et leur discussion interviendrait sans attendre l'examen de la loi de finances. Après un long débat, l'amendement a finalement été repoussé, Jean-Luc Warsmann le qualifiant d'"autoroute de contournement des lois-cadres" et d'"usine à gaz".
L'opposition a annoncé qu'elle voterait contre le projet de loi, ce qui compromet son adoption. En effet, le gouvernement aura besoin d'une majorité des trois cinquièmes des parlementaires pour l'adoption définitive de ce texte constitutionnel par le Congrès réuni à Versailles.