Sport - Modernisation du sport : un rapport affine les contours du futur projet de loi
Avec en ligne de mire pour le début de 2014 une loi de modernisation du sport censée revoir en profondeur les politiques sportives, l'année 2013 aura été riche en travaux et réflexions de toute nature. Le dernier rapport en date émane de la mission d'évaluation de la politique de soutien au sport professionnel et des solidarités avec le sport amateur, publié le 19 novembre. Confiée à trois hauts fonctionnaires issus de l'inspection générale de l’Administration, de l'inspection générale des Finances et de l'inspection général de la Jeunesse et des Sports, cette mission reprend l'essentiel des analyses des derniers rapports parlementaires publiés sur la question (lire nos articles des 15 juillet et 7 novembre 2013 ci-contre). Mais elle va sans doute plus loin en termes de précision dans ses préconisations.
La fragilité économique des clubs professionnels, d'une part, et la difficulté des collectivités à contrôler les subventions qu'elles leur octroient, d'autre part, avaient déjà été pointées. Sur la fragilité économique, la mission interministérielle écrit : "Les structures professionnelles en France sont […] souvent largement dépendantes des financements publics." Et sur les subventions des collectivités aux sociétés sportives, elle dit éprouver "le sentiment que les collectivités ne contrôlent que partiellement le fait que les subventions sont destinées à des missions d’intérêt général". Plus globalement, elle juge que "l’étude des aides (subventions directes et achat de prestations) met en évidence une insuffisante évaluation de leur impact […] qui se traduit souvent par une excessive participation aux dépenses de fonctionnement […]".
Privilégier le BEA
Après l'analyse, la mission élabore des scénarios de réforme dans trois directions principales : gouvernance et régulation du sport professionnel ; solidarité avec le sport amateur et protection de la formation ; intervention des collectivités, développement et modernisation des équipements sportifs. Sur ce dernier thème elle précise que "l’enjeu crucial" est de "réorienter les financements publics vers les investissements d’avenir (formation et équipements), et [de] réduire la part du soutien aux charges salariales (statistiquement constantes aux environs de 60% des dépenses dans les sports collectifs)". Cela pourrait passer par un contrôle plus rigoureux des subventions à travers l'intervention du préfet et la production d'un compte d’emploi analytique ; par le respect des plafonds d'achats de prestations (1,6 million d'euros par an et par club), mais aussi par l'accompagnement des clubs promus ou relégués lorsqu’ils font face à d’importantes charges de restructuration de leur stade.
Plus largement, la double exigence de responsabilisation des clubs, d'une part, et de limitation des interventions publiques, d'autre part, doit conduire, selon les rapporteurs, à élargir la possibilité pour les collectivités d'aider les clubs à investir dans les enceintes sportives. Pour y parvenir, "il serait certainement utile de déplafonner le financement des clubs lorsqu’ils réalisent de lourds investissements pour améliorer leurs installations", précise le rapport, qui ajoute : "Ceci permettrait aux collectivités de privilégier l’utilisation du bail emphytéotique administratif (BEA) plutôt que de s’engager plus que de raison sur la voie parfois hasardeuse de partenariats public-privé, pour des constructions généreusement indexées sur le sommet de la courbe de performance des clubs, dont on commence à voir les risques importants en termes de finances publiques." En outre, pour les rapporteurs, il serait judicieux de rechercher une facturation plus proche du coût réel des équipements publics loués aux clubs.
Les seuils de subventions en question
Ce rapport lève par ailleurs un lièvre fiscal, en demandant une clarification sur la prise en compte de la TVA dans les plafonds de subventions. Il se montre également audacieux en prônant un mécanisme d’amortissement des relégations dans une division inférieure et d’encouragement des montées pour faciliter des transitions "périlleuses". Surtout, il donne chair à la volonté de plus en plus prégnante tant chez les acteurs du sport que chez les élus d'encourager la propriété des équipements sportifs par les clubs. Il propose ainsi d'autoriser les aides publiques ciblées sur la modernisation des infrastructures pour inciter les clubs professionnels à investir dans les enceintes sportives.
Cette dernière piste sera-t-elle ou non suivie d'effet dans le texte de loi à venir ? Il est encore tôt pour le dire. Toutefois, l'équilibre des engagements entre clubs et collectivités devrait à coup sûr figurer en bonne place dans le texte de loi. Dans une réponse ministérielle à l'Assemblée nationale, le 12 novembre dernier, Valérie Fourneyron déclarait : "Il est en effet important que les clubs professionnels soient davantage présents dans la définition, le financement et l'exploitation des enceintes sportives afin de modifier le modèle actuel avec une charge supportée dans sa presque totalité par les collectivités locales." Il reste toutefois au ministère des Sports à doser entre encouragement du transfert de propriété et soutien à l'engagement des clubs dans l'exploitation de leur stade. Il ne pourra, par ailleurs, pas faire l'économie d'une mesure forte en matière de surveillance des subventions, en garantissant par exemple l'effectivité du contrôle (lire aussi encadré ci-dessous). Tout comme les seuils de subventions devront être précisés avec plus de rigueur. Quant aux seuils de redevance pour l'utilisation des équipements publics, si leur montant est actuellement encadré par la loi, il existe des disparités entraînant une distorsion de concurrence entre clubs. Pour autant, la piste d'une fixation plus encadrée se heurte au principe de l'aléa sportif. De la même façon que la distinction des types et seuils de subventions selon les disciplines, permettant d'aider les sports professionnels les moins développés, s'opposerait au principe de libre administration des collectivités. Ainsi s'affine le contenu du futur projet de loi de modernisation du sport, toujours attendu pour le premier semestre 2014.
Jean Damien Lesay
Sport professionnel-collectivités : Claudy Lebreton prône la transparence
Interrogé le 6 novembre dernier au Sénat par la mission commune d'information sur le sport professionnel, Claudy Lebreton, président de l'Assemblée des départements de France (ADF), a plaidé pour plus de transparence dans ce secteur."Il faut veiller à mieux organiser la relation entre l'argent public et le sport professionnel. […] Un principe doit être totalement respecté, celui de la transparence. On ne peut plus accepter qu'un certain nombre de choses se fassent dans l'opacité la plus totale. Cela peut conduire à des aventures. Certaines collectivités s'y sont malheureusement un peu trop aventurées." Et l'élu de citer l'exemple du club de Guingamp, qui avait pour projet de réaliser un centre de formation professionnelle : "On a demandé au club qu'il nous fournisse un budget de fonctionnement et j'ai voulu une transparence totale : nous sommes allés jusqu'à leur demander le montant des salaires des joueurs professionnels du club, en prenant l'engagement que cela resterait confidentiel."
Si pour Claudy Lebreton, "ce n'est pas aux collectivités de financer le sport professionnel", le président de l'ADF reconnaît cependant que "le sport professionnel a incontestablement une influence économique positive sur les territoires."
Enfin, Claudy Lebreton a annoncé que l'ADF allait conduire une étude sur l'intervention des départements dans le sport professionnel. Elle devrait être achevée avant mars 2014.
Les départements interviennent à hauteur d'un milliard d'euros et plus dans le sport. Ils financent notamment stades et grands équipements sportifs. Ils peuvent également participer au financement de centres de formation d'éducateurs ou d'entraîneurs.
J. D. L.