Modernisation des schémas d’aménagement et de gestion des eaux : le décret est paru
Dans les tuyaux depuis l’étude évaluative menée en 2022 pour les 30 ans d’existence des schémas d’aménagement et de gestion des eaux (Sage), la réforme attendue de ces outils de planification locale et des instances qui les pilotent - les commissions locales de l’eau (CLE) - prend corps dans un décret, paru ce 4 décembre. Le texte, qui améliore notamment leur intégration dans les outils d’aménagement des territoires, ne contient que des avancées timides sur la réduction des prélèvements.
Pour donner suite au plan Eau, le ministère de la Transition écologique a lancé une réforme relative à l’élaboration et la mise en œuvre des schémas d’aménagement et de gestion des eaux (Sage), outils de planification locale mis en place par la loi sur l’eau de 1992, et dont la gouvernance est assurée par les commissions locale de l’eau (CLE). Le décret, paru ce 4 décembre, en est la traduction. L’objectif affiché est double : prévoir davantage d’agilité dans les procédures d’élaboration et de révision du Sage et dans le fonctionnement des CLE, et d’autre part garantir l’opérationnalité du Sage, notamment en améliorant son intégration dans les outils d’aménagement des territoires.
La nécessité de cette réforme a été confirmée par le plan Eau présenté par Emmanuel Macron le 30 mars 2023. Mais sa genèse remonte à l’évaluation de la politique publique relative aux Sage achevée un an auparavant, en mars 2022, et à une délibération du Comité national de l’eau (CNE), d’octobre 2022, formulant des orientations d’évolution et des recommandations afin de moderniser le fonctionnement des CLE ainsi que l’élaboration et la mise en œuvre des Sage.
Manque d’ambition…
Près d’une centaine de contributions globalement favorables ont été formulées lors de la mise en consultation publique du texte fin mars (lire notre article), malgré "un manque d’ambition souligné". La synthèse de consultation fait également état de réserves, en particulier issues du monde agricole, et de demandes de clarification.
Cette réforme se fait à cadre législatif "constant" et ne touche que le volet réglementaire d’une vingtaine de dispositions issues des codes de l’environnement et de l’urbanisme. Une quinzaine d’acteurs - dont France Nature Environnement (FNE) - aurait souhaité que les modifications soient complétées par des dispositions législatives pour traduire complètement les mesures envisagées par la délibération du CNE. Parmi les apports du décret, le renforcement de l’articulation des politiques de l’eau et des outils d’aménagement du territoire est cependant salué. Pour le réseau Amorce, il est également nécessaire de renforcer les liens entre les documents de la planification de l’eau et ceux de l’agriculture (plan régional de l’agriculture durable et projet alimentaire territorial). Et cela suppose aussi d’en passer par une réforme législative. Amorce a d'ailleurs élaboré un texte présenté à plusieurs parlementaires de tous bords pour les inciter à s'en saisir afin d'embrasser tous les enjeux quantitatifs et qualitatifs de la préservation de la ressource (lire notre article du 15 mars 2024).
… en particulier sur le volet quantitatif…
Dans le contexte de mise en oeuvre du plan Eau, une ambition plus importante était également attendue sur les aspects quantitatifs de la ressource, et notamment l’intégration à l’échelle du sous-bassin versant de l’objectif de réduction des prélèvements obligatoires.
Du côté du monde agricole, le texte apparaît au contraire à rebours des récentes promesses de simplification de la réglementation. Et l’opposition est marquée à l’intégration par le décret de trajectoires de prélèvements au sein du plan d'aménagement et de gestion durable de la ressource en eau et des milieux aquatiques (PAGD) contenu dans le Sage (R.212-46 du code de l’environnement modifié). Lors des échanges du groupe de travail relatif à la réforme, il était question d’intégrer des objectifs chiffrés de prélèvements (un retrait salué par la FNSEA). Amorce demandait d’aller un cran plus loin via une trajectoire et des objectifs de répartition de la ressource entre usages définis au sein du PAGD.
La révision de cet article prévoit également l’intégration d’un document dans le PAGD identifiant les objectifs et les dispositions du règlement du Sage susceptibles d'avoir une incidence sur les orientations des documents d’urbanisme. Beaucoup de Sage ont déjà produit des guides et notes d’enjeux pour éclairer les collectivités rédigeant les documents d’urbanisme, il s’agit donc de généraliser cette pratique à tous les Sage.
Autre sujet de discorde avec les agriculteurs : l’élargissement des règles du Sage pour lesquelles le non-respect est puni de l’amende prévue pour les contraventions de 5e classe.
… et la protection des zones humides
Parmi les contributions, on constate "la volonté d’une ambition plus forte" concernant la protection des zones humides. S’agissant de la réalisation des cartographies des zones humides et leur intégration dans les règlements des PLUi, autres apports du décret, le monde agricole a souligné le "manque de précision" des cartographies des zones humides réalisées actuellement par les Sage et rappelé la responsabilité incombant aux porteurs de projets concernant l’identification des zones humides sur les projets d’aménagement. Plusieurs contributions des CLE craignent que "la non-exhaustivité des cartographies vienne fragiliser les dispositions prévues par la loi sur l’eau de 1992 et induise une perte de protection des zones humides non cartographiées, bien que relevant de la responsabilité des porteurs de projets".
D’aucuns regrettent "l’absence de mention de règles de Sage pour d’autres types de zonage (zone de sauvegarde des eaux souterraines, périmètre de protection réglementaire des captages, zones de répartition des eaux…)".
Quelques points saillants
Simple possibilité jusqu’ici, le décret prévoit désormais que la CLE "confie" son secrétariat ainsi que des études et analyses nécessaires à l'élaboration du Sage et le suivi de sa mise en œuvre à une collectivité territoriale, à un établissement public territorial de bassin ou à un groupement de collectivités territoriales ou, à défaut, à une association de communes regroupant au moins deux tiers des communes situées dans le périmètre du schéma. Le texte ouvre également la possibilité - dans le cadre des procédures d’élaboration, de modification et de révision du Sage - de faire établir l’état des lieux par des acteurs autres que le président de la CLE, tel que le préfet. Le décret ajoute les Sage au porter-à-connaissance réalisé par l’autorité préfectorale à destination des rédacteurs des documents d’urbanisme. Enfin, il introduit deux niveaux de révision du Sage, dont une procédure "partielle", dans les cas où l'économie générale du Sage n'est pas remise en cause.
Référence : décret n° 2024-1098 du 2 décembre 2024 relatif aux schémas d'aménagement et de gestion des eaux, JO du 4 décembre 2024, texte n°32. |