Les cours d'eau en France ne bénéficient pas des mêmes niveaux de protection, selon une cartographie de l'Inrae

Des chercheurs de l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae) ont élaboré la première carte nationale des cours d'eau, qui révéle des inégalités entre départements dans l'application de cette définition. Ils estiment ainsi qu'environ un quart des tronçons hydrographiques ne sont plus qualifiés de cours d'eau, alors qu'ils sont porteurs d'enjeux importants en termes de biodiversité, notamment.

Depuis 2015, la définition légale du cours d'eau repose sur trois critères : posséder un lit d'origine naturelle, être alimenté par une source autre que les seules précipitations et avoir un débit suffisant une majeure partie de l'année. À partir de cette définition, les départements ont été chargés d'établir une cartographie de leur territoire en se fondant également sur des données topographiques de l'Institut national de l'information géographique et forestière (IGN) et sur des expertises complémentaires. 

Pour évaluer la représentation des cours d'eau en France et mieux comprendre les implications de la définition actuelle sur la protection des écosystèmes d'eau douce, des chercheurs de l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae) ont élaboré la première carte nationale des cours d'eau, qui comprend plus de 2 millions de tronçons totalisant 680.000 km et couvrant 93% de la France métropolitaine (hors Corse). Ils ont comparé cette carte avec les données de l'IGN. Résultat de ces travaux, publiés ce 19 septembre dans la revue Environmental Science & Technology : environ un quart des tronçons hydrographiques qui apparaissaient sur les anciennes cartographies du réseau fluvial a été qualifié de non-cours d'eau.

Ruisseaux intermittents et ruisseaux de tête de bassin souvent disqualifiés

Les ruisseaux intermittents (qui cessent de couler et/ou s’assèchent une partie de l’année) et les ruisseaux les plus en amont des bassins versants, considérés comme essentiels pour la qualité de l’eau et la bonne santé des écosystèmes, sont les plus exposés aux disqualifications. Les chercheurs estiment ainsi, par analyse cartographique, que les ruisseaux intermittents représentent 60% de la longueur du réseau hydrographique cartographié mais constituent environ 80% des tronçons hydrographiques disqualifiés comme non-cours d’eau. Pour les ruisseaux les plus en amont selon les cartes de l’IGN, les chiffres sont de 42% et 56%, respectivement.

Différences entre départements

Les chercheurs ont également observé des différences de classification entre les départements et au sein des départements. 18 départements ont construit une cartographie dans laquelle la longueur totale des cours d’eau était plus importante que dans la base de données de l’IGN en recensant de nouveaux cours d’eau, tandis que 15 autres départements ont disqualifié au moins 50% de la longueur totale du réseau hydrographique en non-cours d’eau.

"Ces variations entre départements et par rapport aux bases de données peuvent s’expliquer par des interprétations différentes de la définition de cours d’eau, notamment sur la notion de débit suffisant, par une hétérogénéité des moyens d’expertises et par l’implication des parties prenantes locales dans le processus de cartographie", relève l'étude. Les chercheurs ont par ailleurs relevé 1.500 cas de discontinuité dans la cartographie, avec par exemple un cours d’eau entouré de non-cours d’eau et inversement.

Pour l'Inrae, cette étude souligne la complexité de l’évaluation et de la qualification en cours d’eau des tronçons hydrographiques en France et la nécessité d’une mise en cohérence à l’échelle nationale, qui plus est dans le contexte du changement climatique où de nombreux ruisseaux pourraient s’assécher une partie de l’année.

 

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