Mobilité des forces de sécurité : les policiers municipaux ne veulent pas d'un sens unique
Le CSFPT s'est prononcé contre deux projets de décret facilitant le détachement de gendarmes et policiers nationaux dans la police municipale. Opposés à une mesure dépourvue de réciprocité, les syndicats de policiers municipaux ne se font toutefois pas d'illusion : les décrets seront bel et bien publiés.
Le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale (CSFPT) vient de désapprouver, le 1er juillet dernier, deux projets de décret visant à faciliter le détachement de gendarmes et policiers nationaux dans la police municipale :
- le premier en réduisant la durée de leur formation initiale et en alignant la chronologie de la délivrance de l'agrément du procureur de la République et du préfet pour les agents accueillis en détachement sur celle applicable aux agents issus du concours ;
- le second en permettant au Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) d'adapter le contenu des enseignements théoriques et techniques qui leur seront dispensés (disposition qui pourrait également bénéficier à des territoriaux).
Victoire au goût amer
Les représentants syndicaux se sont majoritairement prononcés contre les deux projets de décret. Mais ils estiment que les deux avis consultatifs du CSFPT ne devraient pas avoir d'incidence sur la suite. La section Police municipale de la Fédération autonome de la fonction publique territoriale (FA-FPT) ne se fait "pas d'illusion : le gouvernement publiera ces deux décrets en l'état", dont "le seul objectif" est selon elle "de fermer la catégorie B aux territoriaux pour l'offrir sur un plateau à l'État". Une conséquence, peut-être ; "le seul objectif", sans doute pas.
Les deux projets de textes ne sont en effet que la conséquence d'une disposition – introduite par amendement parlementaire – de la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique qui dispense "de tout ou partie de la formation initiale d'application" les agents nommés au sein des cadres d'emplois de la police municipale "à raison de la reconnaissance de leurs expériences professionnelles antérieures". Ils s'inscrivent dans une démarche plus large visant à favoriser la mobilité des agents publics.
Ses auteurs – les deux rapporteurs du texte au Sénat, Catherine Di Folco et Loïc Hervé – entendaient ainsi mettre fin à des situations jugées selon eux "incongrues" où, "en particulier", les fonctionnaires de la police nationale ou les militaires de la gendarmerie, intégrés par voie de détachement au sein des cadres de la police municipale, ne pouvaient bénéficier d'une dérogation à cette obligation de formation de six mois organisée par le CNFPT. Les deux sénateurs assimilaient donc les activités des un et des autres.
Il y a police et police
Une hérésie, selon Fabien Golfier, secrétaire national de la FA-FPT chargé de la police municipale, pour lequel "un policier municipal ne sera jamais un gendarme ou un policier national sans formation et l’inverse n’est pas non plus possible tellement nos métiers qui semblent si similaires, sont pourtant si différents". À l'appui de la démonstration, le syndicat souligne et déplore "qu'aucune réciprocité" n'est d'ailleurs prévue pour les policiers municipaux qui entendraient poursuivre leurs carrières en police nationale et en gendarmerie. Deux corps qui "n'autorisent pas la mobilité par voie de détachement des policiers municipaux pour les rejoindre", rappelle la FA-FPT. L'inverse étant vrai depuis un décret du 17 novembre 2006 – dont les deux projets de deux textes viennent donc assouplir les dispositions – qui a connu un franc succès. Régulièrement, les syndicats de policiers municipaux dénoncent cet "exode" de gendarmes et de policiers nationaux vers la police municipale (représentant 70% des détachements selon le CSFPT), qui n'est pas sans susciter difficultés et tensions sur le terrain (V. notre article). La CGT dénonce une "discrimination à l'embauche". "Une collectivité préférera recruter un agent dispensé des six mois de formation initiale pour des raisons économiques et opérationnelles. Il sera facteur de déséquilibre entre les territoires puisque seules les villes riches auront les moyens de se payer des forces de sécurité pleinement qualifiées", plaide le syndicat, cité par l'agence AEF.
La FA-FPT regrette en outre que les projets de texte "exclu[ent] les agents de la fonction publique territoriale qui pourraient également eux aussi prétendre à des dispenses, tels les gardes champêtres ou les agents de surveillance de la voie publique (ASVP), ayant suivi des formations au CNFPT et lauréat du concours interne". Elle redoute enfin que ces détachements, en catégorie B – "quel policier national ou gendarme acceptera de se voir reclasser en catégorie C ?", interroge Fabien Golfier – ne tarissent les recrutements d'agents dans cette catégorie, au risque que les collectivités voient "leur masse salariale exploser", et entraînent dans le même temps "un désintérêt pour la catégorie C, ces agents n'ayant plus aucun espoir d'être promus en B faute de place". La DGCL a promis un bilan fin 2021.