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Lutte contre l'exclusion - Mobilisation contre une possible restriction de la protection des étrangers malades

Le dossier de la réforme de l'aide médicale Etat (AME) connaît un nouvel épisode avec la révélation, par le quotidien Les Echos, d'un projet de circulaire restreignant les possibilités de maintien sur le territoire des étrangers gravement malades. En 1997, la France a été en effet un des rares pays de l'espace Schengen à reconnaître l'état de santé comme l'un des critères d'accès à l'obtention d'un titre de séjour. En pratique, une personne gravement malade en situation irrégulière, mais résidant en France depuis plus d'un an, peut bénéficier d'un titre de séjour pour être soignée en France, dès lors qu'elle ne pourrait pas l'être dans son pays d'origine (par manque d'offres de soins dans ce pays ou par manque de ressources financières de l'intéressé).
Le projet de circulaire, élaboré à l'initiative du ministère de l'Intérieur, remet en cause ces critères à travers une double interprétation. D'une part, lorsqu'une capacité de soins correspondant à la situation du demandeur "existe dans la capitale ou dans au moins une ville" du pays d'origine, l'absence d'offre de soins ne pourrait plus être évoquée. D'autre part, le manque de ressources financières pour être soigné dans le pays d'origine ne serait plus pris en considération. De plus, l'appréciation de l'offre de soins dans le pays d'origine se ferait sur la base d'un document unique, élaboré à partir d'un questionnaire adressé en mai dernier à 26 ambassades de France. Selon les résultats de ce questionnaire, l'offre de soins serait ainsi considérée comme exhaustive en Colombie, au Maroc, aux Philippines, en Roumanie, en Russie et en Tunisie, ce qui exclurait d'office les ressortissants de ces pays de la régularisation pour raison de santé.
Une quinzaine d'associations - dont Médecins du Monde, Aides, Solidarité Sida, la Cimade... - ont adressé le 9 novembre 2006 une lettre ouverte au président de la République. Elles lui demandent notamment "d'intervenir auprès du gouvernement pour que ne soit pas émise cette circulaire et de réaffirmer ainsi les engagements de la France concernant le droit des malades". Selon un rapport de l'Inspection générale des affaires sociales de septembre 2006 consacré aux avis rendus par les médecins inspecteurs de santé publique (Misp) sur le maintien des étrangers malades sur le territoire, 6.307 cartes de séjour d'un an (hors renouvellements) ont été délivrées l'an dernier à des étrangers malades. Et les rapporteurs se demandaient déjà "si le Misp est devenu l'auxiliaire de la politique restrictive menée par l'Intérieur"...

 

Jean-Noël Escudié / PCA