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Mission Cazeneuve : les recettes des collectivités "rebondiraient" de 3,6 milliards d'euros en 2021

Le gouvernement présente ce 10 juin le troisième projet de loi de finances rectificative pour 2020. Un texte dans lequel est notamment inscrit le plan d'urgence pour les collectivités locales dont les finances sont fragilisées par la crise. Au cours d'une conférence de presse, le député Jean-René Cazeneuve - qui a participé à la préparation de ce plan - a expliqué les objectifs et donné des détails sur ce plan. Il a par ailleurs fait part de ses estimations sur l'évolution des finances locales. Avec une nouvelle rassurante : les recettes renoueraient avec la croissance l'an prochain.

Le plan de soutien en faveur des finances publiques locales que le Premier ministre a dévoilé le 29 mai (voir notre article) est "ambitieux" et "absolument inédit", a estimé ce mardi 9 juin le député Jean-René Cazeneuve, en charge d'une mission sur l'impact de la crise sur les finances des collectivités territoriales. Ce dispositif "complet et innovant" va procurer aux élus locaux de la "lisibilité" sur leurs ressources, a-t-il déclaré lors d'une visioconférence avec des journalistes.
Selon ce plan qui figurera dans le troisième projet de loi de finances rectificative (PLFR3) - lequel doit être présenté ce mercredi en conseil des ministres -, les communes, intercommunalités à fiscalité propre et syndicats intercommunaux bénéficieront en 2020 au minimum du niveau moyen de leurs recettes fiscales et domaniales sur la période 2017-2019. La totalité des recettes fiscales, y compris le versement mobilité, sont incluses dans le dispositif. Au total, ce "filet de sécurité" couvre 88% des recettes des structures concernées, a précisé le président de la délégation de l'Assemblée nationale consacrée aux collectivités territoriales et à la décentralisation. Toutefois, avec un calcul fondé sur une moyenne des trois dernières années, "seules les collectivités qui ont les pertes les plus importantes" seront compensées, a-t-il ajouté.

Transports : la question de la perte des recettes tarifaires

En outre, le compte spécifique qui réunira l'ensemble des dépenses des collectivités territoriales liées au Covid-19 permettra de "soulager la section de fonctionnement" de ces dernières : les charges seront étalées sur trois ans, avec une "possibilité d'emprunter en années 2 et 3". La clause de sauvegarde et le "compte Covid" permettront, selon le député, d'atténuer cette année la baisse de la capacité d'autofinancement des collectivités territoriales, qui est déterminante pour l'investissement public local. Les collectivités disposent de trois leviers pour investir, a-t-il dit : l'épargne, les dotations d'investissement et le fonds de compensation de la TVA et l'emprunt. "Il faut jouer sur les trois leviers", a estimé Jean-René Cazeneuve. En rappelant que le gouvernement a décidé de porter de 0,6 à 1,6 milliard d'euros en 2020 la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) pour "booster" les dépenses d'équipement des collectivités.
Pour les départements, le plan prévoit une "possibilité d'avance au titre des droits de mutation à titre onéreux" (DMTO). Un dispositif qui pourrait atteindre un montant de 2,7 milliards d'euros. Une batterie de mesures spécifiques aux collectivités d'outre-mer a également été décidée.
Le député n'exclut pas que d'autres mesures d'urgence soient prises en faveur de collectivités rencontrant des difficultés spécifiques. En outre, il estime que les recettes tarifaires des autorités organisatrices de la mobilité (AOM), qui ne sont pas prises en compte dans le cadre de la clause de sauvegarde en faveur du bloc communal, peuvent être "un sujet" au cours de la discussion parlementaire du PLFR3. Il avance d'ores et déjà une piste : la comptabilisation dans chacun des comptes "Covid" des aides des collectivités permettant aux AOM de rester à l'équilibre budgétaire.

Régions : "chefs de file de la relance"

Le dispositif d'urgence constitue le "premier étage de la fusée", a souligné Jean-René Cazeneuve, qui remettra son rapport final fin juin ou début juillet. Il a appelé de ses vœux un "vaste plan de relance", avec en son cœur les collectivités territoriales. Les régions, dont les ressources feront en juin l'objet de discussions avec le gouvernement, "sont idéalement placées pour être chefs de file sur ce plan de relance", a estimé l'élu du Gers.
Interrogé sur les questions fiscales de long terme, Jean-René Cazeneuve s'est montré préoccupé par l'inadaptation des recettes que perçoivent les départements et les dépenses que ceux-ci ont à supporter. Le Parlement n'a pas prévu "les à-coups" que connaissent notamment les droits de mutation à titre onéreux (DMTO). Le député en mission propose donc que les départements aient l'obligation de "mettre en réserve" une partie de ces recettes lorsque le marché de l'immobilier est dynamique. Cette cagnotte serait utilisée quand la conjoncture devient difficile.
Le "Monsieur Collectivités territoriales" de la majorité n'a pas écarté la piste d'une réduction des impôts de production qui est demandée par le patronat, mais que les élus locaux considèrent comme "une ligne rouge". "Peut-être va-t-il falloir baisser une partie de l'imposition sur les entreprises, pour leur permettre d'être compétitives et relancer l'économie de notre pays", a-t-il dit, alors qu'auparavant il avait catégoriquement exclu une telle mesure. Il a cependant réaffirmé que les collectivités territoriales doivent "absolument être compensées à l'euro près" et de manière "pérenne".
Sur l'idée d'affecter une partie de la contribution climat énergie aux collectivités en charge du plan climat, une revendication notamment de France Urbaine et d'Amorce, Jean-René Cazeneuve s'est montré très réservé. "Les impôts fléchés créent de la complexité", a-t-il dit, en mettant en avant cependant la nécessité de faire du numérique, de la transition énergétique et de la mobilité douce des "priorités".

Epargne nette amputée de 20%

Selon la mission conduite par Jean-René Cazeneuve, les pertes fiscales et tarifaires des collectivités territoriales s'élèveraient à 7,5 milliards d'euros en 2020, soit 3 à 4% de leurs recettes réelles de fonctionnement, mais 20% de leur épargne nette. Les DMTO accuseraient cette année une baisse de 25% et le versement mobilité de 20%. La taxe de séjour serait encore plus affectée, avec une amputation de 40%. Mais la taxe sur le foncier bâti (qui cette année encore sera partagée entre les communes, les intercommunalités et les départements) devrait croître de 2,6%. Du fait de la crise, les collectivités voient aussi leurs dépenses augmenter de 22 euros par habitant en moyenne. Mais, après la prise en compte des économies qui sont réalisées, ces dépenses sont ramenées à 8 à 10 euros par habitant.
Dans le détail, les communes et leurs groupements pourraient connaître cette année une perte fiscale nette de 1,2 milliard d'euros, à laquelle s'ajouterait une perte de recettes tarifaires de 1,9 milliard. Le total des pertes du secteur communal s'élèverait donc à 3,1 milliards d'euros. Un montant un peu moins élevé que celui des pertes subies par les départements (3,2 milliards). Pour les régions, le trou serait de l'ordre de 1,1 milliard en 2020. Mais les mécanismes de garantie prévus par le législateur, notamment sur le transfert de la taxe sur les carburants et sur la TVA, pourraient le réduire de 500 millions d'euros.
En 2021, les collectivités territoriales vont connaître globalement un "rebond" de leurs recettes que Jean-René Cazeneuve évalue à 3,6 milliards d'euros par rapport à 2020. La CFE, la CVAE, la Tascom (qui concerne les surfaces de vente de plus de 400 m2) et la taxe d'aménagement devraient être orientées à la baisse l'an prochain, parce que leur produit est perçu avec un décalage. Mais leur assiette (28 milliards d'euros) ne représente que 20% des recettes fiscales des collectivités locales. Dans le détail, les départements bénéficieraient en 2021 d'un rebond de 2 milliards d'euros de leurs recettes et le bloc communal de 1,6 milliard d'euros. En revanche, très dépendantes de la CVAE, les régions verraient l'an prochain leurs ressources stagner, voire un peu diminuer. Le projet de loi de finances pour 2021 pourrait donc prévoir un mécanisme de garantie des ressources régionales, selon Jean-René Cazeneuve.