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Développement économique - Mieux coordonner les aides aux entreprises pour "combler la vallée de la mort"

Pressenti pour une mission sur la coordination des acteurs du développement économique sur les territoires, le vice-président de la région Pays de la Loire, Christophe Clergeau, plaide pour donner aux régions un rôle central en matière d'aides aux entreprises, avec un objectif : combler "la vallée de la mort", cette zone comprise entre des tickets de 1 et 5 millions d'euros, très mal couverte par les dispositifs actuels. Pour en finir avec les doublons de l'Etat, il suggère de faire des conseils régionaux les services déconcentrés de la DGE.

Année après année, les rapports s'accumulent pour dénoncer le maquis des aides aux entreprises. 6.000 selon les uns, 7.000 selon d'autres. On ne sait pas bien. Le dernier opuscule, celui de Jean-Jack Queyranne, président de la région Rhône-Alpes, de Jean-Philippe Demaël, directeur général de Somfy, et de l'inspecteur des finances Philippe Jurgensen, remis à Arnaud Montebourg en juin 2013, se cantonnait à un champ restreint de 46,5 milliards d'euros, dont 40 relevaient de l'Etat (avec 660 dispositifs) et 6,5 milliards d'euros des collectivités territoriales, regroupant plusieurs milliers de dispositifs. Certaines estimations montent jusqu'à un total de 65 milliards d'euros. En période de disette budgétaire, il devient urgent de coordonner toutes ces aides éparpillées.
Alors que, le 4 novembre, le Premier ministre a installé un "comité de suivi des aides publiques aux entreprises et des engagements", consacré aux dispositifs de l'Etat (dont le Cice, mais pas uniquement), le ministre de l'Economie et le secrétaire d'Etat à la Simplification et à la Réforme de l'Etat devraient confier une réflexion au vice-président de la région Pays de la Loire, Christophe Clergeau, sur la coordination des acteurs du développement économique sur le territoire. "J'attends ma lettre de mission", a indiqué l'élu, mardi 4 novembre, lors des premières rencontres de la toute nouvelle direction générale des entreprises (DGE), venue remplacer la DGCIS il y a quelques semaines. Des rencontres intitulées "Nouvelle politique industrielle et stratégie d'attractivité territoriale". Christophe Clergeau, qui représentait à cette occasion l'Association des régions de France (ARF), devrait plancher sur "les questions du comment on travaille ensemble sur le territoire, plus efficacement, plus intelligemment", a-t-il précisé.

"Premier rôle à la région"

La simplification du maquis, la mise en cohérence des dispositifs : ce devait déjà être l'un des enjeux des schémas régionaux de développement économique instaurés par la loi Raffarin de 2004. Mais dix ans après, le constat est celui de l'échec. Le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (Notr) attendu au Sénat en décembre reprend cet objectif. Il s'inscrit dans les recommandations de nombreux rapports dont celui de Jean-Jack Queyranne, en confiant le "premier rôle à la région". Le schéma régional (transformé en "schéma régional de développement économique, d'innovation et d'internationalisation") deviendra prescriptif et s'imposera donc aux autres niveaux de collectivités. Il définira les orientations en matière d'aide aux entreprises, de soutien à l'internationalisation, d'aide à l'investissement immobilier des entreprises et d'innovation. Il veillera à "la complémentarité" des actions menées par l'ensemble des collectivités territoriales et "à l'absence de concurrence" entre collectivités pour l'implantation des entreprises. Aujourd'hui, on estime que 15.000 agents travaillent dans le domaine du développement économique à travers l'Hexagone. Dans les Pays de la Loire, on compte "600 développeurs économiques pour accompagner les entreprises", pour un total de 30.000 PME, a indiqué Christophe Clergeau. Soit un rapport de un à cinquante. Avec plus de coordination, "on pourrait aller voir chaque entreprise (…) aujourd'hui, ce n'est pas fait car chaque réseau du développement économique a tendance à toujours aller voir les mêmes". Bref, les collectivités se marchent sur les pieds.

Combler "la vallée de la mort"

Avec l'Etat, les relations ne sont pas beaucoup mieux coordonnées. Il existe une grosse différence dans les montants accordés, les "tickets" des aides. Les interventions de l'Etat dépassent généralement les 5 millions d'euros, celles des collectivités, notamment des régions, atteignent péniblement le million d'euros. Mais entre les deux, les entreprises traversent ce que l'on appelle "la vallée de la mort". Grâce aux collectivités, les entreprises parviennent généralement à trouver des financements pour accompagner leur lancement. Mais passé ce seuil du million d'euros, c'est le vide. "Nous plaidons pour qu'il y ait plus de décision de la région. Il faut combler cette vallée de la mort. Cela veut dire avoir des outils de capital investissement dans les régions copilotés avec Bpifrance", a proposé Christophe Clergeau. De leur côté, les entreprises demandent aussi de la stabilité au niveau réglementaire. L'exemple du photovoltaïque qui a pris de plein fouet le moratoire de 2010 : le nombre d'emplois de la filière est passé de 32.500 en 2010 à 18.000 aujourd'hui. "L'industrie solaire a une croissance annuelle de 30%. La France perd une opportunité de développement et de création d'emplois gigantissime", a fustigé Frédéric Conchy, le président fondateur d'Exosun, spécialisée dans le déploiement de grandes centrales solaires très présentes à l'international. Fondée en 2007, cette entreprise girondine a non seulement franchi la vallée de la mort mais aussi le trou d'air du moratoire. En 2012, elle parvenait à lever 12 millions d'euros, en partie grâce à "une augmentation du capital de l'Etat français dans le cadre du programme d'investissements d'avenir, par l'intermédiaire de l'Ademe". Ce que ce chef d'entreprise demande à l'Etat c'est "de ne pas faire le yoyo".

Services déconcentrés de la DGE

Christophe Clergeau, est plus sévère. Selon lui, le budget 2015 en cours de discussion au Parlement représente une "alerte majeure". Un "choc de déstabilisation de l'ensemble des outils d'accompagnement du développement économique dans le pays". Baisse des crédits d'animation des pôles de compétitivité, retrait massif du réseau consulaire, baisses des dotations des collectivités "sans coordination ni concertation"… Tout cela "risque d'amener en quelques mois à l'effondrement des outils d'accompagnement du développement économique", a-t-il prévenu. "Si on veut s'en sortir par le haut, nous plaidons pour une nouvelle répartition et un nouveau contrat entre l'Etat et les régions […] L'Etat doit différencier sa politique d'intervention territoriale, il doit plus aider les régions en difficulté quitte à moins aider les régions riches. On est prêts à l'accepter", a-t-il poursuivi, louant notamment les plans Lorraine et Bretagne mis en place par le gouvernement. "Ce sont de bonnes politiques nationales qui correspondent au rôle d'aménagement du territoire et de rééquilibrage de l'Etat", a-t-il reconnu. Mais, constatant la "grande misère de l'Etat en région" - exception faite des commissaires au redressement productif -, il a proposé de faire des conseils régionaux "les services déconcentrés de la DGE", en matière économique "dans le cadre d'une relation partenariale et contractuelle", à l'image des conseils généraux qui gèrent le RSA pour le compte de l'Etat.
Comme exemple de cette complémentarité recherchée, l'élu a cité le nouveau site www.guichet-entreprise.fr créé l'an dernier pour permettre aux créateurs d'entreprise de "s'y retrouver parmi près de 65 milliards d'euros de financements publics répartis dans près de 7.000 dispositifs". "Je ne connais pas un chef d'entreprise qui sache se débrouiller seul avec cet outil", a ironisé Christophe Clergeau.
Enfin, dernier exemple des doublons stériles entre Etat et région : "L'Etat a un projet de coffre-fort électronique. Nous en avons un aussi. Deux coffres-forts ? Les chefs d'entreprises vont exploser en plein vol", a-t-il relevé.

 

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