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Interview - Michel Savin : "Le poids de la gestion des enceintes du sport professionnel n'est plus supportable pour les collectivités"

Il y a un an, la loi visant à préserver l'éthique du sport, à renforcer la régulation et la transparence du sport professionnel et à améliorer la compétitivité des clubs, porté par le secrétaire d'Etat aux Sports Thierry Braillard, était adoptée. Parmi ses mesures-phares, la possibilité donnée aux collectivités de garantir les emprunts des porteurs de projets privés en matière de grands équipements sportifs n'a pas encore produit ses effets. Au contraire, on voit se multiplier les baux emphytéotiques administratifs (BEA) entre collectivités et clubs pour tenter de résoudre les problèmes d'investissements et de gestion des équipements du sport professionnel. Et si tout restait à faire dans ce domaine ? Eléments de réponse avec Michel Savin, sénateur de l'Isère et président du groupe d'études sur les pratiques sportives et grands événements sportifs de la Haute Assemblée.

Localtis : Après la ville Paris, qui a confié au Paris-Saint-Germain la gestion du Parc des princes dans le cadre d'un BEA en marge de l'Euro 2016, Caen, Angers et Metz ont fait de même récemment pour leurs stades de football. N'est-ce pas finalement la solution la plus réaliste pour qu'une commune transfère la charge d'un grand équipement à un club professionnel ?

Michel Savin : Le BEA est une bonne solution lorsqu'une collectivité veut effectivement transférer à un club professionnel la gestion d'un équipement. L'objectif est bien que la charge de la gestion ne soit plus portée par la collectivité. Dans les débats que nous avons eus au Sénat à l'occasion de la loi de mars 2017, il y avait ces deux possibilités : soit faciliter le rachat d'une enceinte existante ou la construction d'un nouvel équipement, soit faciliter la gestion par le club de façon à décharger la collectivité d'un poids important qui n'est plus supportable.

La mesure de la loi du 1er mars 2017 prévoyant la garantie d'emprunt par les collectivités pour les équipements privés ne semble avoir séduit qu'un seul projet à ce jour, celui de la salle Rhénus à Strasbourg, mais qui ne se fera finalement pas sous cette forme car le foncier reste propriété de la ville. Etait-ce le bon levier ?

J'ai moi-même voulu mettre en débat la possibilité de limiter à 50% la part des collectivités dans la construction d'enceintes destinées au sport professionnel [amendement adopté au Sénat puis rejetée à l'Assemblée, ndlr]. Il faut peut-être remonter ce pourcentage pour faire émerger des projets. Si on devait amender le texte de mars 2017, avec une participation des collectivités limitée à 70 ou 80%, il faudrait avoir la garantie que la gestion ne soit pas portée par la collectivité. La réfection d'une pelouse, par exemple, c'est 1,5 million d'euros. Est-ce qu'on comptabilise cela sur les gros travaux ? Est-ce à la collectivité de porter cet investissement ou au gestionnaire privé qui est chargé de la gestion du stade ? Il y a des investissements sur la maintenance et l'entretien qui doivent être portés par le gestionnaire. Ensuite, comme pour toute propriété, le propriétaire a la responsabilité des gros travaux, notamment en termes de sécurité. Il faut donc bien définir le cahier des charges dès le démarrage de façon à éviter de mettre les collectivités devant le fait accompli face au financement de certains travaux. Car quand ce n'est pas prévu à l'avance, c'est presque toujours supporté par la collectivité et ce n'est pas normal.

Les clubs ne semblent pourtant pas pressés d'investir dans les infrastructures et se satisfont de la situation actuelle…

Cela est peut-être vrai, mais au vu de la situation financière des collectivités locales, d'une part, et des enjeux que peuvent représenter les droits TV du football, d'autre part, on voit bien que l'enceinte est un apport important en termes de ressources pour les clubs. Tant que ceux-ci avaient la possibilité de solliciter les collectivités pour équilibrer leurs comptes ou pallier à certaines difficultés, ils le faisaient. Aujourd'hui, ce n'est plus possible. Par obligation, les clubs devront faire en sorte d'assurer la pérennité de leur fonctionnement en valorisant leur outil de travail qu'est le stade.

Vous avez récemment déposé une proposition parlementaire de résolution visant à faire participer financièrement les fédérations sportives et leurs ligues professionnelles à la mise aux normes des installations sportives. Quels autres textes comptez-vous présenter prochainement pour faire avancer le dossier des rapports entre collectivités et sport professionnel ?

Dans le cadre du groupe d'études sur les pratiques sportives et grands événements sportifs du Sénat, nous allons mener de nouvelles auditions dans les prochains mois pour définir des propositions dans la perspective du projet de loi sur la gouvernance du sport, qui devrait être présenté au Parlement fin 2018 ou début 2019. Parmi les thèmes, nous discuterons du plafond de subvention alloué aux clubs professionnels par les collectivités territoriales, de la façon dont on peut faciliter le rachat des enceintes ou encore des contours du BEA en termes d'engagement des uns et des autres.