Mesures de soutien aux collectivités en 2020 : un coût final très en deçà des estimations
Dans le cadre du "Printemps de l'évaluation", les députés Jean-René Cazeneuve (LREM) et Christophe Jerretie (Modem) ont dressé un bilan des mesures exceptionnelles que le Parlement a prises l'an dernier – à travers les lois de finances rectificatives du 30 juillet et du 30 novembre 2020, dites LFR 3 et LFR 4 – pour soutenir les collectivités territoriales. Selon le rapport, qui vient d'être mis en ligne, le coût des différents dispositifs (filet de sécurité des recettes du bloc communal, avances remboursables de DMTO au profit des départements…) s'avère bien moindre que les montants estimés au départ. Les députés évaluent aussi l'efficacité des aides que les collectivités ont été autorisées par la loi à instituer pour apporter de l'air aux entreprises en difficulté.
Le rapport que Jean-René Cazeneuve et Christophe Jerretie ont élaboré pour la commission des finances de l'Assemblée nationale passe en revue les dispositifs de soutien aux collectivités qui figurent dans les deux derniers collectifs budgétaires de 2020. Leur bilan complète les données encore partielles qui avaient été publiées au cours du printemps.
Le filet de sécurité des recettes fiscales et des produits issus de l'utilisation du domaine perçus en 2020 a bénéficié à 4.168 communes et 51 EPCI à fiscalité propre. Avec le dispositif, les communes et intercommunalités ont eu la garantie d'obtenir en 2020 au minimum le montant moyen de leurs recettes fiscales et domaniales de la période 2017-2019. Les communes classées stations de tourisme en ont été les grandes bénéficiaires : près de la moitié (48% exactement) des 192,8 millions d'euros consacrés à la mesure leur ont été affectés. C'est donc un coût très inférieur aux 750 millions d'euros envisagés initialement. "Comme les associations d’élus du bloc communal", les rapporteurs "saluent la simplicité et le caractère sécurisant du dispositif qui obéit à des règles claires".
574,8 millions d’euros, soit 60% de la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) dite "exceptionnelle" (950 millions d'euros) ont été engagés à la fin de l'année 2020, au profit de 3.358 projets. Ceux-ci ont bénéficié d'un taux de subvention moyen de 24,5%. 278,2 millions d'euros (soit 46% du total) ont été alloués à des projets en faveur de la transition écologique (majoritairement rénovation énergétique des bâtiments publics). Les projets en lien avec la résilience sanitaire (maisons de santé, travaux sur les réseaux d’assainissement, mise aux normes des équipements sanitaires) se sont vu affecter un total de 115,5 millions d'euros (20%). En troisième position, les projets visant à soutenir la préservation du patrimoine public historique et culturel ont bénéficié de 107,5 millions d’euros (19%).
Selon la DGCL, la totalité des crédits de la DSIL exceptionnelle sera engagée d’ici l’été 2021, "avec six mois d’avance sur la date butoir du 31 décembre 2021". Ainsi, "tous les crédits auront été engagés en moins d’un an (août 2020-juillet 2021)", se félicitent les rapporteurs. Ils "saluent la réactivité des services préfectoraux et des communes alors que les conseils municipaux venaient juste d’être installés".
Au sein du secteur public local, les départements ont été d'abord considérés comme les collectivités les plus fragilisées par la crise : les associations d'élus estimaient que les droits de mutation à titre onéreux (DMTO), qui constituent 20% de leurs recettes, connaîtraient une chute de 25% en 2020. Dans ce contexte, le Parlement a voté la mise en place des avances remboursables sur le produit des DMTO. Étaient éligibles les départements dont le montant de DMTO estimé pour 2020 était inférieur au produit des DMTO perçu en moyenne entre 2017 et 2019. Sur les 80 départements rendus éligibles au regard de cette règle, 40 ont demandé en septembre dernier le bénéfice de l'avance, pour un montant de 394,3 millions d'euros d'autorisations d'engagement.
Mais, le bilan de l'année 2020 montre que les DMTO n'ont baissé en moyenne que d'1,6% en 2020. La DGCL estime que huit départements seulement seraient finalement éligibles au dispositif, pour un montant de 119 millions d’euros. Les autres départements ayant bénéficié d’une avance en 2020 devaient faire l’objet d’une "reprise" à compter de mai 2021. Six départements ont d’ores et déjà remboursé l’avance pour un montant total de 75 millions d’euros, précisent aussi les rapporteurs.
La loi de finances rectificative du 30 novembre 2020 (LFR 4) a prolongé la durée du fonds de stabilisation des départements destiné à venir en aide aux départements connaissant les difficultés financières les plus grandes. 18 départements ont bénéficié ainsi l'an dernier de 115 millions d'euros. Parmi eux, trois départements (la Réunion, la Seine-Saint-Denis et le Nord) ont capté à eux seuls 55% des crédits de ce fonds. On notera que 85 millions d'euros de crédits votés au titre du dispositif pour 2020 font l'objet d'un report de 2020 sur 2021.
Les régions de Guadeloupe et de la Réunion, les collectivités territoriales de Guyane et de Martinique ainsi que le département de Mayotte ont bénéficié d'une dotation compensant la perte de certaines recettes (en particulier l'octroi de mer) en 2020, résultant des effets de la crise sanitaire et économique. Son coût serait d’environ 27,2 millions d’euros (contre une estimation initiale de 68 millions d’euros). La dotation accordée à la collectivité territoriale de Corse en compensation de la perte de certaines recettes qui lui sont spécifiques aurait coûté pour sa part environ 1,4 million d'euros.
Le remboursement de la moitié du coût des masques que les collectivités ont commandés pour leurs populations entre le 13 avril et le 1er juin 2020 représente un coût total de 212 millions d'euros pour le budget de l'État. Les rapporteurs se disent "surpris du coût particulièrement élevé de la mesure" et font remarquer que son financement "apparaît comme tardif" et "nécessitera encore des ouvertures de crédits en 2021".
Les députés concluent à la complémentarité des dispositifs de soutien. Ceux-ci "ont permis aux collectivités d’être rassurées sur le maintien de leurs recettes et de leur capacité à continuer à investir", considèrent-ils.
En parallèle des mesures de soutien aux finances du secteur public local, le Parlement a voulu doter les collectivités d'une capacité supplémentaire à venir en aide aux entreprises sinistrées, ce dont les députés rendent compte également.
188 communes et 461 intercommunalités à fiscalité propre (soit près de deux intercommunalités sur cinq) ont mis en oeuvre l'an dernier le dégrèvement exceptionnel de cotisation foncière des entreprises (CFE). Le but était d'alléger des deux tiers le montant de l'imposition due - au titre de 2020 - par les secteurs les plus affectés par la crise. La mesure a bénéficié à 97.705 établissements ayant un chiffre d'affaires annuel inférieur à 150 millions d'euros hors taxes. Les restaurants représentent 45% d'entre eux, l’hébergement (hôtels ou résidences de tourisme) 14% et les débits de boissons 10%. La mesure inscrite dans la loi de finances du 30 juillet 2020 (LFR3) a donc été déployée largement. D'où un coût assez élevé (102,3 millions d'euros dont 52,6 millions pour l'État et 49,7 millions pour les collectivités). Or, son impact a été souvent "limité". Certes, des secteurs ont bénéficié de dégrèvements importants (les salles de spectacle par exemple pour 11.200 euros en moyenne). Mais selon le cabinet Klopfer que les rapporteurs ont interrogé, "la plupart des entreprises concernées", qui s'acquittent de la cotisation minimum, n'ont économisé grâce à la mesure qu'une somme de 165 euros.
L'exonération facultative de la taxe de séjour pour 2020 n'a pas rencontré le succès du dégrèvement de CFE. Au total, 22 communes et 27 EPCI à fiscalité propre ont pris une délibération mettant en œuvre cette mesure sur leur territoire. Or, environ 1.800 communes et EPCI perçoivent la taxe de séjour et pouvaient potentiellement adopter son exonération pour 2020. "Il semble qu’une grande majorité de collectivités concernées a considéré que l’exonération de la taxe de séjour ne constituait pas un levier suffisant susceptible d’attirer les touristes", avancent les rapporteurs. Ils estiment également qu'elles "ont préféré conserver cette recette déjà fortement impactée par le premier confinement au printemps 2020". Le produit de la taxe de séjour a en effet reculé de près de 28% en 2020, s’établissant à 363,8 millions d’euros, contre 503 millions en 2019. 64% des collectivités ayant instauré une taxe de séjour ont connu une baisse de leur produit, 19 % ayant supporté une baisse de plus de 50%.