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Sécurité - Mesure de la délinquance : le nouveau service ministériel est installé

Pour couper court au soupçon de manipulation des chiffres qui entoure chaque ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve a installé un nouveau service statistique ministériel, le 1er septembre.

Le nouvel outil statistique de mesure de la délinquance a été officiellement installé par le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, le 1er septembre. Composé de statisticiens professionnels, ce service statistique ministériel (SSM) est dirigé par un inspecteur général de l'Insee, François Clanché.
Le chantier avait été lancé en 2012 par Manuel Valls, alors ministre de l'Intérieur, pour mettre fin à la "politique du chiffre" mise en place selon lui sous Nicolas Sarkozy et à la manipulation de ces chiffres dont chaque gouvernement est suspecté. 
Ce service constitue la "clé de voute de la réforme" en cours, selon un communiqué du ministère de l'Intérieur. Une réforme "ambitieuse" qui va permettre de "disposer d'instruments rendant compte fidèlement et en toute transparence des conditions de sécurité dans lesquelles vivent nos concitoyens, et permettant d'orienter de façon pertinente l'activité des services de police et des unités gendarmerie". Elle s'est déjà traduite par un nouveau tableau de bord "plus opérationnel et plus représentatif de la réalité contemporaine des phénomènes de délinquance et de nuisance". Composé de 14 agrégats, ce tableau tient par exemple compte des incivilités ou des violences intrafamiliales (voir ci-contre notre article du 21 janvier 2013). "Le déploiement de nouveaux logiciels de collecte des faits constatés par la police et la gendarmerie, plus fiables et plus rigoureux, sera achevé à la fin de l'année 2014", indique le ministère.
A travers ce corps inédit, il s'agira "de garantir à tous un accès transparent à des données incontestables, comme peuvent l'être par exemple les statistiques économiques".

Aberration historique

La création d'un service statistique ministériel avait été préconisée par l'IGA et l'inspection générale de l'Insee dans un rapport de juin 2013 et par un rapport des députés Jean-Yves Le Bouillonnec (SRC, Val-de-Marne) et Didier Quentin (UMP, Charente-Maritime) en avril 2013. Dans leur rapport les deux députés avaient estimé que "l'absence, au sein du ministère de l'Intérieur, d'un service statistique ministériel dédié aux politiques de sécurité" constituait une "aberration historique". Paradoxalement, la création d'un Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP) en 2014 avait justement été présentée comme un gage d'indépendance. L'ONDRP s'évertue depuis des années à donner une vision de la réalité de la délinquance, en estimant, à travers des enquêtes de victimation, la part du "chiffre noir", c'est-à-dire, celle qui n'apparaît par dans les statistiques officielles car non déclarée ou non interceptée. Mais les députés s'étaient montrés sévères dans leur jugement, considérant que cet observatoire ne constituait pas le service statistique attendu et qu'il était à la fois trop proche de Beauvau et pas suffisamment du ministère de la Justice.
Pour marquer ce changement, le ministre a proposé a proposé aux présidents de la Commission des lois de l'Assemblée Nationale et du Sénat de venir "chaque semestre" devant les parlementaires – accompagné du responsable du service de statistiques ministériel, du directeur général de la police nationale et du directeur général de la gendarmerie nationale – "pour leur présenter les données de la délinquance et leur analyse, croisée avec l'enquête annuelle de référence conduite par l'Insee dans le domaine de la sécurité". Une grand-messe à laquelle l'ONDRP n'est pas officiellement associé. Ses missions vont devoir être redéfinies.