Sécurité - Manuel Valls veut mettre fin au "chiffre unique" de la délinquance
Dans son discours-cadre du 19 septembre, le ministre de l'Intérieur a dit vouloir rompre avec la "politique du chiffre" de l'ère Sarkozy, annonçant une grande réforme de l'appareil statistique vieux de quarante ans et souvent décrié. "Il faut sortir de l'instrumentalisation politique et médiatique permanente de données", a-t-il déclaré devant les directeurs départementaux de police (DDSP) et les commandants de groupements de gendarmerie réunis à l'Ecole militaire.
S'attaquer au "chiffre unique" qui totalise des infractions qui n'ont souvent qu'un lointain rapport (homicides, vols, escroqueries...) est un vieux serpent de mer du ministère de l'Intérieur. C'est déjà ce qui avait motivé Nicolas Sarkozy en créant, en 2004, l'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP), longtemps présidé par le criminologue Alain Bauer, proche de Manuel Valls et grand pourfendeur du "chiffre magique". De fait, l'ONDRP s'est évertué depuis sa création à affiner les statistiques de la délinquance reposant sur les plaintes et à donner une perception du "chiffre noir", c'est-à-dire la part non déclarée de la délinquance, à travers des enquêtes de victimation.
Le chiffre unique a permis aux ministres successifs de se prévaloir d'une baisse de la délinquance, alors que la baisse sensible des atteintes aux biens ces dernières années masquait la progression non moins forte des violences aux personnes. Et au début de l'année, l'ancien ministre de l'Intérieur Claude Guéant avait lui-même annoncé vouloir s'attaquer à ce chantier... qui reviendra finalement à Manuel Valls. Ce dernier a promis une révision des indicateurs au 1er janvier 2013, sur la base d'un avant-projet de tableau d'indicateurs réalisé par la DGPN (police) et la DGGN (gendarmerie). Ce tableau de bord pourrait notamment comporter un indicateur sur les conflits intra-familiaux "qui n'étaient pas isolés des autres actes de violence", a précisé le ministre. Mais l'outil ne sera validé qu'après une "large concertation" associant l'ONDRP bien sûr, mais aussi l'Insee, les commissions des lois de l'Assemblée et du Sénat, les inspections générales et des chercheurs spécialisés. Ces indicateurs seront complétés par les faits recensés dans les mains courantes des commissariats et gendarmeries (c'est-à-dire tous les faits enregistrés mais qui ne font pas l'objet d'une procédure). Le ministre de l'Intérieur a également annoncé l'extension des pré-plaintes en ligne à tous les départements à partir du 1er janvier... Là encore, il s'agit de mettre en œuvre ce qui était déjà décidé. Les pré-plaintes étaient expérimentées dans deux départements, les Yvelines et la Charente-Maritime depuis 2008. Un arrêté du 30 novembre 2011 avait autorisé leur extension à tout le territoire. Manuel Valls se veut lucide : dans un premier temps, l'ensemble de ces réformes (indicateurs et pré-plaintes) "peut se traduire par une augmentation des statistiques". "J'assume de fait les conséquences de ce travail [qui] rendra plus clair la réalité", a-t-il dit. Son déplacement à Marseille, vendredi 21 septembre, pour l'installation du nouveau préfet de police des Bouches-du-Rhône, Jean-Paul Bonnetain, lui a donné l'occasion de préciser ses intentions : "Je ne veux pas m'enfermer dans un calendrier, mais je veux des résultats. Pas des chiffres."