Culture - Même locaux, les musées n'échappent pas à la tutelle de l'Etat
Une affaire récente vient opportunément rappeler que les musées des collectivités territoriales - reconnus par le label "musées de France" - sont loin d'être exemptés de toute tutelle de la part de l'Etat. Celle-ci peut aller jusqu'à une substitution du préfet aux autorités locales, lorsque la préservation des collections du musée en question est menacée.
Un pouvoir de substitution prévu par le Code du patrimoine
En l'occurrence, la commune de Retournac (Haute-Loire, 2.800 habitants) dispose, depuis 1994, d'un Musée des manufactures de dentelles. La commune a en effet racheté les bâtiments d'une entreprise en liquidation, qui possédait plus de 450.000 pièces, dont 100.000 modèles différents. Une collection complétée lors du rachat d'une autre entreprise disparue en 1997, qui a permis d'ajouter 400.000 objets, dont de nombreuses machines. Les locaux de cette seconde entreprise abritent aujourd'hui le musée, tandis que ceux de la première accueille les réserves.
Pour des raisons qui ne sont pas explicitées dans l'avis du Haut Conseil des musées de France, la commune n'a pas assuré l'entretien du bâtiment consacré aux réserves. Or l'article L.452-2 du Code du patrimoine est sans ambiguïté : "Lorsque la conservation ou la sécurité d'un bien faisant partie d'une collection d'un musée de France est mise en péril et que le propriétaire de cette collection ne veut ou ne peut prendre immédiatement les mesures jugées nécessaires par l'Etat, l'autorité administrative peut, par décision motivée, prise après avis du Haut Conseil des musées de France, mettre en demeure le propriétaire de prendre toutes dispositions pour remédier à cette situation. Si le propriétaire s'abstient de donner suite à cette mise en demeure, l'autorité administrative peut, dans les mêmes conditions, ordonner les mesures conservatoires utiles et notamment le transfert provisoire du bien dans un lieu offrant les garanties voulues". En cas d'urgence, les mesures peuvent même être décidées sans l'avis du Haut conseil, sous réserve de l'informer sans délai des décisions prises.
Rétablir "le clos et le couvert" sur les collections
Dans son avis publié au Journal officiel du 26 juin, le Haut Conseil rappelle que les services de l'Etat ont accompli plusieurs démarches auprès de la commune pour sécuriser les collections, avec des missions et rapports successifs du service des musées de France (2010), de l'Inspection générale des patrimoines et de la mission Sécurité, Sûreté et Accessibilité de la direction générale des patrimoines (2013) et du Centre de recherche et de restauration des musées de France (2014)...
Par un courrier du préfet de Haute-Loire le 18 février 2016, l'Etat a notifié à la commune la nécessité de prendre des mesures immédiates en "rétablissant le clos et le couvert sur ces collections". La commune n'ayant pas répondu à ce courrier (à la date de l'avis), le Haut Conseil considère que si, dans le délai légal de deux mois après réception de la notification préfectorale, la commune de Retournac n'y a toujours pas répondu ni pris les mesures jugées nécessaires par l'Etat, "il y aura lieu d'engager l'exécution des dispositions prévues par l'article L.452-2 du Code du patrimoine". Il autorise le préfet à mettre en demeure la commune "puis, le cas échéant, si aucune suite n'est donnée à cette mise en demeure, à ordonner toutes les mesures conservatoires utiles".
Jean-Noël Escudié / PCA
Références : avis du Haut Conseil des musées de France du 31 mars 2016 (Journal officiel du 26 juin 2016).