Marseille, un grand port qui souffre d'un pilotage insuffisant, selon la Cour des comptes
Dans un rapport publié lundi 13 février, la Cour des comptes alerte sur la situation du grand port maritime de Marseille (GPMM). Elle pointe notamment des difficultés de développement et l'"absence de pilotage" de l'Etat, premier co-financeur du port.
Absence de contrat pluriannuel "pourtant prévu par la loi", cadrage "très formel" et "pas effectif" de la masse salariale, "aucun" projet de développement réalisé en cinq ans : dans un rapport particulier sur le grand port maritime de Marseille (GPMM) publié lundi 13 février, la Cour des comptes décrit un grand port laissé à la dérive et observe que "cette absence de pilotage est d'autant plus regrettable que l'Etat reste le premier cofinanceur du GPMM".
La juridiction financière, qui s'était alarmée en 2011 des "difficultés graves et récurrentes" du premier port français, dresse toutefois un constat moins pessimiste aujourd'hui : le nombre de jours de grève a chuté et, par conséquent, "la fiabilité du port s'est améliorée". Mais "l'organisation interne (...) a peu évolué" et cette "inertie" est "aggravée par le poids du syndicat majoritaire (la CGT, ndlr) qui se positionne en co-gestionnaire sur certains dossiers", estiment les auteurs du rapport. Ainsi, la CGT "s'oppose à toute réduction des effectifs dans certains services", alors que "la réduction des effectifs" via le "non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux" est "le seul levier dont dispose le GPMM pour maîtriser sa masse salariale", alourdie par des "accords locaux plus favorables" que dans les autres ports.
Endettement "inquiétant"
Si la situation financière du GPMM s'est "fortement dégradée" jusqu'en 2014, les résultats de l'exercice 2015 traduisent une "amélioration sensible", relèvent les magistrats de la rue Cambon. Mais ils se demandent si elle se confirmera dans les années à venir. L'augmentation des dépenses de personnel depuis 2012, même si elle ne s'est pas poursuivie en 2015, constitue selon eux un "point de vigilance". La capacité d'autofinancement s'est dégradée à 25 millions d'euros et pour les magistrats de la Cour, l'endettement est "inquiétant", les dettes financières représentant près de 190 millions d'euros en 2015.
Le GPMM souffre aussi d'une "absence de maîtrise des leviers nécessaires à son développement", note le rapport. Les prévisions d'investissements de son premier projet stratégique n'ont pas été réalisées, de nombreux projets ayant été reportés. La Cour juge nécessaire de rationaliser les investissements, "dans le double objectif d'améliorer l'attractivité du port et de préserver l'état des infrastructures, dont certaines sont vieillissantes". Elle estime également que les co-financements des collectivités territoriales doivent progresser, tout comme les financements communautaires. "Les collectivités territoriales contribuent financièrement aux investissements du GPM à hauteur de 10% globalement mais leur part varie selon les secteurs : d'environ 20% pour les conteneurs logistiques à seulement 2% pour le secteur routier, passager et interface ville port, relèvent les auteurs du rapport. Les montants sont éparpillés parmi une quarantaine de projets."
En outre, "certains investissements indispensables à une plus grande fluidité du passage portuaire, critère essentiel pour les armateurs, tardent à se concrétiser, soulignent-ils. Le projet de raccordement entre le Rhône et la darse 2 des bassins Ouest, qui revêt une portée stratégique, ne figure plus au contrat de plan Etat-région. Son tracé n'est toujours pas défini." "La part prépondérante du routier et l'enclavement des bassins Ouest ne sont pas de nature à attirer des trafics massifiés de conteneurs, ajoutent-ils. L'action du port est d'autant plus contrainte qu'il n'a aucune prise sur ces aménagements structurants pour l'amélioration de ses dessertes et le développement de l'intermodalité."
Stratégie d'aménagement à revoir
Autre difficulté relevée par la Cour : "Le port ne s'est pas encore pleinement emparé de sa compétence d'aménageur." "La stratégie d'aménagement doit être repensée de manière globale, en préservant le potentiel foncier du port, préconise-t-elle. Sur les bassins Ouest, la faible densification du domaine, la dispersion des surfaces disponibles, la sous-occupation de certaines emprises plaident en faveur d'une reconquête foncière et d'une optimisation des implantations. Par ailleurs, le zonage doit être mise en cohérence avec les enjeux de biodiversité et être revu afin d'accélérer les implantations."
La Cour des comptes formule onze recommandations à la direction du port de Marseille, dont une conjointe à l'administration du ministère de l'Economie, invitée à "établir un plan d'actions contribuant à la maîtrise de l'évolution de la masse salariale". Elle demande aussi d'améliorer le pilotage des investissements et de produire un document de politique domaniale.