Formation professionnelle - Marché de la formation : attention à ne pas créer des "usines à gaz", préviennent les Urof
Des régions sous l'influence de cabinets d'expertises "mal éclairés", "ignorant tout des réalités de terrain". Le calendrier de la réforme de la décentralisation conduit la fédération nationale des Urof (représentant les organismes de formation) à sortir de sa réserve. Elle dit s'inquiéter des démarches engagées par certains conseils régionaux pour la mise en place de leurs services publics régionaux de la formation professionnelle (SPRFP) dans le cadre d'un Sieg (service d'intérêt économique général). Selon elle, des "usines à gaz" sont en train d'être montées par endroit.
Les régions doivent anticiper le deuxième volet de la réforme de la décentralisation sur la création du SPRFP. Le texte prévoit que la région coordonne l'achat public de formation pour son propre compte ou celui de Pôle emploi, ce qui permettra notamment d'éviter les doublons. Mais surtout, cette partie du texte rédigée par l'ancien ministre délégué à la Formation professionnelle Thierry Repentin donne la possibilité aux régions de créer un Sieg pour les actions de formation en direction de publics en difficulté (jeunes et adultes rencontrant des difficultés particulières d'apprentissage ou d'insertion). En clair, il permet de sortir du Code des marchés publics et de se soustraire aux contraintes des appels d'offres. Le gouvernement a ainsi cherché à se rapprocher du "Paquet Almunia" du 20 décembre 2011 qui a assoupli les règles dans ce domaine en étendant la notion de Sieg à "l'accès et à la réinsertion sur le marché du travail".
Pour ce faire, les régions ont deux cordes à leur arc : la délégation de service public - seule la région Nord-Pas-de-Calais a suivi cette voie - et le mandatement avec octroi de droits spéciaux.
Or pour Michel Clezio, le président de la fédération, certains cabinets conseils ont "remarquablement participé à l'avancée de la réflexion des régions dans la construction des SPRF", quand d'autres "rivalisent d'ingéniosité avec les services juridiques des régions pour bâtir des systèmes censés sécuriser le financement qui repoussent un peu plus les limites de l'abscons". La région Picardie est tout particulièrement visée.
Selon la fédération, qui reconnaît la nécessité de protéger juridiquement les élus, il s'agit avant tout d'un "malentendu". Elle s'appuie sur la jurisprudence Altmark, un arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes de 2003 qui précise que les compensations de service public ne constituent pas des aides d'Etat à condition que quatre critères cumulatifs soient remplis, notamment que la compensation ne dépasse pas ce qui est nécessaire pour couvrir tout ou partie des coûts occasionnés par l'exécution des obligations de service public. "Les huit premières régions qui ont commencé à installer leur SIEG en dehors des contraintes du marché n'ont fait l'objet d'aucune attaque juridique à ce jour", fait valoir Michel Clezio.