Mandats locaux et parlementaires : le Sénat veut restaurer les règles du cumul

Le Sénat a présenté le 7 mai les propositions de son groupe de travail transpartisan sur la réforme des institutions. Au menu : renforcement des pouvoirs du Parlement, extension du recours au référendum, mais aussi retour du cumul entre un mandat parlementaire et une fonction exécutive locale. La Haute Assemblée prône un retour intégral aux règles qui étaient en vigueur avant 2017. 

Le Sénat a formulé le 7 mai vingt propositions "d'évolution institutionnelle" qui seront remises à l'exécutif et à la présidente de l'Assemblée nationale. Cette contribution à la réforme institutionnelle voulue par le président de la République est l'aboutissement d'une dizaine de réunions - entre l'automne 2023 et le début de ce printemps - d'un groupe de travail composé des représentants de l'ensemble des forces politiques du Sénat. 

"L'objectif est de rechercher les voies et moyens d'une meilleure proximité avec les citoyens, d'un renforcement du mandat et d'un rééquilibrage des pouvoirs entre l'exécutif et le Parlement", a déclaré le président du Sénat, Gérard Larcher, lors d'une conférence de presse, à laquelle ont pris part les responsables des groupes politiques du Sénat.

Parmi les propositions qui ont été retenues à la majorité des suffrages, un tiers concernent les institutions locales. Nul doute que la "chambre des territoires" n'a pas oublié sa vocation. 

Dix ans après la promulgation de la loi mettant fin au cumul d'un mandat parlementaire avec une fonction exécutive locale, les sénateurs expriment le souhait d'un retour intégral aux règles de cumul qui prévalaient avant cette réforme phare du quinquennat de François Hollande. Dans le même temps, ils prônent le rétablissement de la limitation du cumul des indemnités de parlementaire et d'élu local (pas plus d'une fois et demie le montant de l’indemnité parlementaire de base).

"Ligne rouge" pour les socialistes

Mais cette position est surtout celle du groupe dominant, Les Républicains. Ouverts à un assouplissement des règles, leurs alliés de l'Union centriste la jugent "très large", probablement trop.

À gauche, la proposition n'a guère de partisans. Le Rassemblement démocratique et social européen (RDSE) se dit "défavorable au retour à la situation antérieure" à la loi de 2014. De leur côté, les sénateurs du groupe Écologiste Solidarité et Territoires s'y opposent "fermement". Les socialistes y sont également très hostiles, le président du groupe, Patrick Kanner, ayant évoqué une "ligne rouge", lors de la conférence de presse.

La réforme de 2014 "ne semble pas sans lien avec l'accroissement du sentiment de déconnexion entre les Français et leurs représentants", le "risque de perte d’autonomie" de certains parlementaires à l’égard de l’exécutif, et "une forme de dévaluation du mandat parlementaire, moins attractif qu’auparavant", lit-on dans le rapport du groupe de travail.

Protection fonctionnelle élargie à tous les élus

On observera que les sénateurs ont durci leur position sur la question du cumul entre un mandat parlementaire et des fonctions exécutives locales. En effet, la proposition de loi organique des groupes LR et Union centriste, adoptée par le Sénat en octobre 2021, promouvait un retour partiel à ce cumul, en l'ouvrant par exemple, à l'échelle communale, à l'ensemble des adjoints au maire, mais aussi aux maires des communes de seulement moins de 10.000 habitants. La proposition de loi avait été examinée le mois suivant par l'Assemblée nationale, où elle avait été rejetée.

Soucieux de renforcer le recours à la démocratie directe, les sénateurs préconisent aussi la possibilité pour les maires d'"expérimenter de nouvelles modalités de consultations locales", celles-ci étant trop encadrées à leurs yeux.

Abordant les conditions d'exercice des mandats locaux, le Sénat pousse pour une "clarification" des règles concernant la prise illégale d’intérêts et un renforcement de la protection fonctionnelle des élus locaux. En cas de violences, menaces ou outrages, "l'ensemble des membres des organes délibérants - qu'ils soient membres de la majorité ou non -" doivent bénéficier automatiquement de la protection due par la collectivité, estiment les sénateurs. De telles mesures figurent déjà dans la proposition de loi portant création d'un statut de l'élu local, que le Sénat a adoptée le 7 mars dernier (voir notre article).

Déclarations d'intérêts et de patrimoine

La Haute assemblée préconise aussi l'introduction de précisions qui amélioreraient les règles visant à prévenir les conflits d'intérêts pour les élus locaux. Par ailleurs, elle recommande un délai de quatre mois à partir de leur entrée en fonction – au lieu de deux mois aujourd'hui – pour le dépôt des déclarations d'intérêts. Pour les déclarations de patrimoine des élus locaux, le Sénat prône plus de simplicité par la mise en place d'une déclaration pré-remplie (comme pour la déclaration des revenus des Français).

Des propositions relatives à l’outre-mer, où les chantiers institutionnels sont potentiellement nombreux, feront l’objet d'un prochain rapport du Sénat.