Maîtrise des finances publiques : les collectivités seront-elles vraiment ménagées ?

Les objectifs du programme de stabilité rendu public ce 26 avril, seront inscrits dans "une loi de programmation des finances publiques, qui "devrait" être débattue en "juillet" à l'Assemblée nationale. Le gouvernement soutient que la stratégie retenue exige un effort moindre des collectivités, par rapport à celui de l'Etat. Mais certains élus locaux demeurent prudents, soulignant que les économies futures de l'Etat pourraient impacter les finances locales.  

La Première ministre l'a annoncé le 26 avril, lors de sa conférence de presse sur la feuille de route du gouvernement : "Il y aura une loi de programmation des finances publiques, qui devrait être débattue à l'Assemblée (…) au cours du mois de juillet." Sans en dire plus sur ce texte qui doit fixer la trajectoire des finances publiques jusqu'à la fin du quinquennat.

Prenant la parole quelques heures plus tard, au cours d'une réunion de la commission des finances de l'Assemblée nationale, Jean-René Cazeneuve (Renaissance), rapporteur général du budget, n'a pas été plus loquace. A l'échéance fixée par l'exécutif, l'Assemblée nationale examinera "une loi de programmation des finances publiques actualisée par rapport au projet du gouvernement déposé en septembre dernier", a-t-il dit. En appelant à l'adoption de ce texte qui conditionne, selon lui, le versement par l'Union européenne d'aides à la France ("11 milliards d'euros" rien qu'"en 2023"), dans le cadre du plan de relance européen.

Fin des sanctions pour les "mauvais élèves"

Le projet de loi doit prendre en compte la nouvelle trajectoire que le ministre de l'Economie et des Finances, Bruno Le Maire, et son collègue en charge des Comptes publics, Gabriel Attal, ont présentée à la presse le 20 avril, afin d'"accélérer le désendettement de la France" (voir notre article du même jour). Laquelle prévoit notamment que l'évolution des dépenses des collectivités locales - il n'est pas précisé si ce sont les seules dépenses de fonctionnement, mais cette hypothèse semble la plus probable - devra être inférieure de 0,5% à l'inflation sur la période allant de 2023 à 2027. Sur la base des hypothèses en termes d'inflation qui sont retenues par le gouvernement, la dépense publique locale pourrait ainsi progresser de 10,6% sur la période, alors que les prix à la consommation augmenteraient de 13%. En incluant celles qui ont été engagées en 2022, les dépenses des collectivités croîtront de "35 milliards d'euros" d'ici à fin 2027, a précisé Bruno Le Maire, mercredi, aux députés de la commission des finances. Pour l'hôte de Bercy, "la cure d'austérité" dénoncée par la Nupes n'est absolument pas à l'ordre du jour – que ce soit d'ailleurs pour le monde public local ou pour les sphères étatique et sociale.

En cas de dépassement de l'objectif fixé, les collectivités locales et leurs groupements ne seront pas sanctionnés. C'est l'une des évolutions notoires incluses dans le programme de stabilité (Pstab) que le gouvernement s'apprête à transmettre à la Commission européenne. Le document, qui a fait l'objet, le 26 avril, d'une communication en conseil des ministres et a été rendu public dans la foulée, est sans ambiguïté : "Les collectivités locales seront de nouveau associées à l’effort de modération de la dépense publique, selon des modalités qui seront déterminées en concertation avec les différents acteurs, sans rétablissement du mécanisme de sanction de la précédente loi de programmation des finances publiques". La Première ministre l'avait en fait annoncé dès son discours lors du congrès des maires de France, le 24 novembre. "Notre intention n’est pas de maintenir un mécanisme de sanction", avait-elle dit ce jour-là. "Nous ne voulons pas de nouveaux contrats de Cahors", avait-elle ajouté en évoquant les dispositifs qui avaient limité les dépenses de fonctionnement des plus grandes collectivités et intercommunalités entre 2018 et le début de la crise liée au Covid-19.

Tour de vis pour le budget de l'Etat

Le programme de stabilité, dans sa version de ce printemps, apporte une autre modification importante : l'évolution des dépenses de l'Etat devra être inférieure de 0,8% à l'inflation jusqu'à la fin de 2027. L'Etat serait ainsi soumis à un régime plus strict que celui envisagé l'an dernier par le gouvernement (d'abord -0,4%, puis -0,5%). "Le ralentissement des dépenses de l'Etat sera en moyenne, en volume, par an, supérieur au ralentissement de la dépense des collectivités locales", a insisté Bruno Le Maire lors de son audition par la commission des finances de l'Assemblée nationale. En rappelant que les élus locaux, "à juste titre, s'étaient émus que les exigences pour l'Etat soient inférieures, dans le précédent 'Pstab', à ce qu'elles étaient pour les collectivités locales".

L'objectif serait bien de contenir les dépenses totales de l'Etat de 0,8% en dessous de l'inflation. Mais, ceci, en prenant en compte le projet de loi de programmation militaire pour les années 2024 à 2030, qui prévoit une mobilisation de 400 milliards d’euros courants de crédits budgétaires, a estimé au cours de la même réunion Eric Coquerel, président (LFI) de la commission des finances de l'Assemblée nationale. Les seules dépenses de l'Etat qui ne sont pas d'ordre militaire devraient donc augmenter significativement moins vite que l'inflation. Selon les prévisions de Pierre Moscovici, premier président de la Cour des comptes - que l'élu a mentionnées - l'écart avec l'indice des prix à la consommation devrait être en réalité de 1,4% pour celles-ci.

Les économies de l'Etat affecteront-elles les finances locales ?

En comparaison, la perspective promise aux collectivités locales - des dépenses de fonctionnement pouvant augmenter à un rythme inférieur de 0,5% à l'inflation - apparaît bien plus douce. Mais les choses pourraient en réalité se corser, selon certains élus locaux. C'est notamment l'avis de Sébastien Miossec, président de Quimperlé communauté, interrogé par Localtis. Les arbitrages que le gouvernement fera connaître dans le cadre de la revue des dépenses publiques pourraient occasionner des "contraintes supplémentaires" pour les collectivités. Après le précédent de la période 2013-2017, le président délégué d'Intercommunalités de France n'exclut pas totalement un scénario noir de baisse de la dotation globale de fonctionnement (DGF). Mais le gouvernement a bien d'autres cordes à son arc. Il pourrait décider, par exemple, de faire des économies par des "reports de charges" vers les collectivités, notamment via "des transferts de responsabilités sans compensation financière", indique-t-il. L'élu participait, ce 27 avril à Bercy, à la seconde réunion d'un cycle de concertation entre les associations d'élus locaux et le ministère sur les finances locales (sur ce sujet, voir notre article du 14 avril).

Selon Sébastien Miossec, le gouvernement doit, au contraire, "se montrer rassurant". Il faut notamment "que l'Etat s'engage fermement à ne pas réduire le panier fiscal et de ressources des collectivités et qu'il accompagne celles-ci sur le terrain", souligne-t-il. C'est à ces conditions, indique-t-il, que le secteur local pourra "faire face au mur d'investissements dans la transition écologique". Un message qu'il a transmis aux représentants de Bercy.

 

Pour aller plus loin

Voir aussi

Abonnez-vous à Localtis !

Recevez le détail de notre édition quotidienne ou notre synthèse hebdomadaire sur l’actualité des politiques publiques. Merci de confirmer votre abonnement dans le mail que vous recevrez suite à votre inscription.

Découvrir Localtis