Maîtrise des dépenses des collectivités : le retour des "contrats de Cahors" ?
La commission pour l'avenir des finances publiques, présidée par Jean Arthuis, vient de rendre sa copie au Premier ministre. Pour maîtriser la dette, elle préconise "d'intensifier dans la durée" les efforts sur les dépenses publiques. Cela se traduirait par la fixation d'objectifs de dépenses. Les contrats pluriannuels visant à limiter les dépenses des collectivités seraient réactivés, avec un champ d'application élargi.
Comment stabiliser une dette publique qui atteint 120% du PIB, puis la faire refluer ? Excluant des options telles que l'annulation des emprunts, la dette perpétuelle, ou encore une hausse des impôts, la commission pour l'avenir des finances publiques préconise de freiner durablement l'évolution des dépenses publiques en deçà de celle des recettes. Toutefois, la commission, qui a remis ce 18 mars son rapport au Premier ministre (donc le même jour que le rapport annuel de la Cour des comptes... sur lequel Localtis reviendra dans sa prochaine édition), écarte toute "austérité". Elle souligne que les investissements – notamment ceux en faveur de l'environnement et de l'éducation, qui sont susceptibles de générer la croissance de demain – devront être préservés. En outre, les dépenses d'urgence et de soutien "concentrées sur les secteurs les plus touchés" doivent demeurer tant que la sortie de la crise n'a pas été atteinte, indique cette commission constituée de dix personnalités (Laurence Parisot, Marisol Touraine, Augustin de Romanet, Raoul Briet…) et présidée par l'ancien ministre de l'Économie, Jean Arthuis.
Cette stratégie se matérialiserait au début de chaque quinquennat par le vote d'une loi de programmation des finances publiques définissant la trajectoire des impôts et la norme des dépenses pour les cinq années du mandat. Elle serait préparée notamment dans le cadre d'une conférence nationale des finances publiques "associant les collectivités locales, les partenaires sociaux, des citoyens".
Contrats pluriannuels
La norme de dépense définie par le Parlement serait précisée pour chaque secteur public (État, sécurité sociale et collectivités territoriales) de façon spécifique. Elle s'imposerait aux acteurs publics par le moyen de contrats. On se souvient que l'exécutif avait choisi cette voie dès le début de l'actuel quinquennat, afin de parvenir à une maîtrise des dépenses des collectivités locales. Cette stratégie s'était concrétisée par les "contrats de Cahors", signés (ou non) au premier semestre 2018 avec 322 grandes collectivités ou intercommunalités. Mais le Parlement avait suspendu leur application dès mars 2020 afin de donner aux collectivités toute liberté pour faire face aux dépenses liées à la crise sanitaire.
C'est logiquement que la commission propose de reconduire ces contrats, qui visaient à limiter les dépenses de fonctionnement des budgets principaux des budgets locaux les plus élevés. Le champ d'application des futurs contrats serait étendu : "Les contrats ainsi conclus devront concerner le plus grand nombre de collectivités possible selon un périmètre large (par exemple extension aux budgets annexes et syndicats des collectivités, pour limiter les points de fuite)", écrit la commission. Celle-ci précise qu'il serait tenu compte "des spécificités de certaines collectivités".
"Compteur des écarts"
Une institution budgétaire indépendante vérifierait que les objectifs définis par la loi de programmation sont respectés, notamment au moyen d'un "compteur des écarts" décliné pour chaque catégorie d'administration publique. En cas de constat d'un écart, le gouvernement devrait en expliquer les raisons et présenter les mesures de correction envisagées.
"Pour réussir des réformes structurelles (…) il faudra lever un certain nombre de verrous", estime la commission. Qui entre autres obstacles, cite "notre organisation parfois trop centralisatrice" et "la superposition des strates politiques et administratives". Pour les experts, la France "présente un nombre très élevé de gestionnaires publics (…) du fait de l’existence d’un très grand nombre de collectivités territoriales". Elle évalue qu'avec une collectivité territoriale pour 1.900 habitants, la France a en moyenne cinq fois moins d’habitants par collectivité que la moyenne de l’OCDE.
Réformer la fiscalité
Malgré la réduction de 10 milliards d'euros en 2021 de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) et de la cotisation foncière des entreprises (CFE), la commission estime que le poids des impôts dits de production est toujours élevé. "Une réflexion sur notre fiscalité devrait avoir pour objectif d’améliorer les facteurs de compétitivité en vue de développer les industries du futur et la relocalisation d’activités et d’emplois", propose-t-elle.
Avec une croissance forte et "à condition de faire plus d’efforts sur les dépenses", la France "peut envisager de stabiliser sa dette puis de la faire décroître à compter de 2030". En revanche, si aucune mesure n'est prise, la France s'expose au risque d'une forte remontée des taux d'intérêt qui "asphyxierait" les finances publiques, prévient la commission.
Jean Castex a indiqué dans un communiqué, que "ce rapport alimentera les travaux du gouvernement sur la stratégie de politique budgétaire post-crise ainsi que les réflexions en cours avec le Parlement sur la rénovation du cadre de gouvernance de nos finances publiques".