Environnement - Lutte contre les algues vertes : le gouvernement satisfait, les écologistes indignés, les agriculteurs sceptiques
Le ministre de l'Agriculture, Bruno Le Maire, et la secrétaire d'Etat chargée de l'Ecologie, Chantal Jouanno, se sont rendus le 19 juillet dans les Côtes-d'Armor pour dresser l'état des lieux de la lutte contre les algues vertes. L'été dernier, un plan gouvernemental avait été lancé suite à la mort d'un cheval sur une plage et au décès suspect d'un chauffeur transportant des algues. "En un an, je considère que des efforts importants ont été accomplis et que des résultats commencent à venir", a affirmé Bruno Le Maire. "D'énormes efforts ont déjà été réalisés sur les nitrates", a assuré Chantal Jouanno en soulignant à titre d'exemple que "le taux de nitrates a baissé" dans le bassin versant de l'Ic.
Les deux ministres ont vu une plage de la station balnéaire de Binic, régulièrement envahie par les algues vertes, nettoyée le matin même. Ils ont ensuite visité l'unité de méthanisation d'une exploitation agricole de Plélo, qui permet de transformer les effluents d'élevages en digestat utilisable comme substituts des engrais minéraux, puis inauguré à Lantic un centre de traitement des algues très critiqué par les écologistes. "Nous dénonçons l'indécence de l'inauguration d'un équipement dont les pouvoirs publics devraient avoir honte", a déclaré Jean-François Piquot, porte-parole d'Eau et Rivières de Bretagne. Pour lui, cette usine de traitement est "le symbole même de l'échec de la lutte contre les algues vertes".
"En cette période de crise où tous les budgets sont réduits, personne ne devrait se glorifier d'avoir dépensé 5 millions d'euros, sortis de la poche du contribuable, pour traiter les algues vertes", ont souligné les associations dans un communiqué. Pour elles, le centre illustre une "dérive regrettable des mentalités qui en vient à présenter comme un progrès la marque la plus inquiétante de l'échec de la politique de l'eau". Elles estiment que la concentration du cheptel en Bretagne est "à la base du problème des algues vertes" dans la région et que, sans transformation profonde, le ramassage était un pis-aller.
Chantal Jouanno s'est réjouie, elle, que ce ramassage se fasse "dans les 24h00", comme préconisé par les autorités sanitaires. Selon elle, le compostage des algues vertes, effectué à hauteur de 50% du tonnage prélevé cette année, se fera à 100% l'an prochain. Concernant la méthanisation, elle a annoncé le lancement de 20 projets "dans les deux prochaines années".
Sur place, les ministres se sont heurtés au scepticisme des agriculteurs. "Les scientifiques disent qu'il faut descendre entre 5 et 10 mg de nitrates dans l'eau pour supprimer les algues vertes. C'est une utopie", s'est exclamé l'un d'eux en s'inquiétant des coûts. "On est dans un marché européen. Nous, on est plus victimes que coupables, on part des boulets aux pieds à cause des mesures environnementales", a dit un autre. Mais pour Bruno Le Maire, "l'environnement et l'agriculture sont deux choses parfaitement conciliables". "Il faut une agriculture durable, acceptée par la société. C'est aussi votre intérêt économique", a-t-il dit en appelant les producteurs à "concilier compétitivité, rentabilité et respect de l'environnement".
Anne Lenormand avec AFP