Lutte contre l’artificialisation des sols : la notion de friche mieux cernée
Au carrefour des enjeux de lutte contre l’artificialisation des sols, de revitalisation urbaine et de réindustrialisation, la friche n’est plus un "no man’s land" juridique. Un décret d’application de la loi Climat et Résilience vient préciser les deux critères cumulatifs introduits à l’article L.111-6 du code de l’urbanisme pour la définir.
Un décret, paru ce 27 décembre, est venu préciser les modalités d’application de la définition de friche en détaillant les deux critères introduits à l’article L.111-26 dans le code de l’urbanisme (CU) par la loi Climat et Résilience (art. 222) au sein du chapitre consacré à la lutte contre l’artificialisation des sols. Plusieurs articles y font référence afin d’encourager la sobriété foncière, notamment dans la planification urbaine (art.194) ou dans l’aménagement opérationnel avec l’expérimentation d’un certificat de projet dédié aux friches (art.212). Et récemment d’autres véhicules législatifs, comme la loi n°2023-175 d’accélération de la production d'énergies renouvelables et la loi n°2023-630 visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de lutte contre l'artificialisation des sols, ont également mobilisé ce levier à la main des collectivités pour déroger aux restrictions définies par la loi Littoral au bénéfice du déploiement des ENR ou élargir le droit de préemption urbain.
Faisceaux d’indices
La définition de friche s’appuie sur les deux critères cumulatifs posés à l’article L.111-26 du CU : le caractère inutilisé du bien ou d’un droit immobilier, bâti ou non bâti, et l’absence de possibilité de réemploi sans aménagement ou travaux préalables.
Le décret (art. D.111-54) indique en particulier des éléments pouvant être pris en compte pour la reconnaissance d’une friche, tels que la présence de locaux ou équipements vacants ou dégradés, une pollution identifiée pour laquelle le responsable a disparu ou est insolvable, ou encore le coût significatif du réemploi. Il s’agit d’appréhender "la diversité et la dimension évolutive des friches", souligne le ministère de la Transition écologique. Sont également précisés les aménagements et travaux préalables à un réemploi d’un tel bien - à savoir les interventions permettant la remise en état, la réhabilitation ou la transformation -, tout en évoquant le cas spécifique de l’urbanisme transitoire. Le texte ajoute que les terrains non bâtis à usage agricole ou forestier ne peuvent être considérés comme des friches au sens de la définition donnée par le CU. "Les terrains à caractère naturel, y compris après avoir fait l'objet d'une renaturation, ne sont pas non plus concernés car ils présentent bien un usage à cette fin sans nécessiter de travaux pour leur réemploi", décrypte la notice.
Par ailleurs, étant donné les recensements de friches qui peuvent être opérés, en particulier dans le cadre des observatoires locaux de l'habitat et du foncier prévus à l'article L.302-1 du code de la construction et de l'habitation, le décret (D.111-55) indique que les inventaires conduits par certains acteurs publics ou des agences d'urbanisme sont réalisés notamment d'après les standards du Conseil national de l'information géolocalisée (CNIG) et contribuent à alimenter un inventaire national.
Le Cerema a développé toute une batterie d’outils numériques. "Cartofriches" a déjà répertorié près de 10.000 friches sur l’ensemble du territoire en intégrant notamment des données remontées par les observatoires locaux. On peut également mentionner "UrbanVitaliz", un dispositif d'aiguillage des collectivités pour débloquer des projets de recyclage de friches.
Au total 1.382 projets lauréats ont été soutenus par le fonds friches (750 millions d’euros sur 2021-2022) dans le cadre du Plan de relance - et désormais du fonds vert - permettant le recyclage de 3.375 ha de friches.
Référence : décret n° 2023-1259 du 26 décembre 2023 précisant les modalités d'application de la définition de la friche dans le code de l’urbanisme, JO du 27 décembre 2023, texte n°45. |