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Attentats - Lutte contre la radicalisation : de nombreux élus interpellent la Justice

"Aujourd'hui, le maillon faible de la chaîne pénale c'est la justice." Amère constat d'Alexandre Giuglaris, délégué général de l'Institut pour la Justice – un cercle de réflexion regroupant des experts de la justice et du droit – devant la commission sécurité de l'Association des maires d'Ile-de-France (Amif), mercredi 25 novembre (sur le sujet voir aussi ci-contre notre article du 26 novembre). Or il existe "un lien très fort entre la petite délinquance, la grande criminalité et le terrorisme", a-t-il insisté.
Si les maires ont d'emblée assuré de leur mobilisation aux côtés de l'Etat dans la lutte contre le terrorisme après les attentats du 13 novembre, ils sont nombreux à constater une implication de moins en moins forte des représentants de la justice dans les instances locales de prévention de la délinquance, telles que les conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD). Souvent, il est vrai, faute de temps. "Dans ce partenariat, le grand absent malheureusement reste souvent la justice", a ainsi fait remarquer Elodie Sornay, adjointe au maire d'Achères (Yvelines), déléguée à la jeunesse, constatant au passage que "le CLSPD s'essouffle un peu". "Il va falloir que les gens prennent vraiment leurs responsabilités. L'autorité n'est plus là", a bondi Christian Robache, le maire (LR) de Montévrain (Seine-et-Marne).
Alors que selon le Premier ministre, quelque 10.500 personnes sont fichées "S" en France, les maires ont souvent le sentiment de n'être pas suffisamment informés des décisions qui concernent les habitants de leur commune, en dépit de leur dangerosité. "S'il n'y a pas d'harmonisation forte avec le procureur, vous êtes démunis pour répondre (à la population)", a souligné Alexandre Giuglaris, proposant notamment d'instaurer "une sorte de baromètre de la sécurité et de la réponse pénale".

Les maires tiennent "à être informés de ce qui se passe sur leur territoire"

Lors du grand rassemblement des maires au Palais des Congrès, le 18 novembre, le président de l'Association des maires de France (AMF) François Baroin avait demandé au président de la République que les maires soient mieux informés de la présence dans leur commune d'individus "présentant une forte présomption de dangerosité" et associés "au suivi indispensable des foyers de radicalisation et d'endoctrinement que constituent certains lieux de culte". "Tous les maires sont évidemment prêts à mobiliser tous les moyens dont ils disposent, notamment leurs polices municipales, pour apporter leur pierre à cet effort national, à partager les informations qu'ils ont avec les services du gouvernement. Ils tiennent aussi, bien légitimement, à être informés de ce qui se passe sur leur territoire", a renchéri Olivier Dussopt, le député-maire socialiste d'Annonay, également président de l'Association des petites villes de France (APVF), lors des questions au gouvernement le 24 novembre, largement consacrées à la lutte contre le terrorisme. A noter que le récent guide à destination des maires sur la radicalisation élaboré par le SG-CIPD et le Courrier des maires déplore notamment l'association très inégale des maires aux cellules de suivi et de lutte contre la radicalisation mises en place dans chaque département depuis 2014 autour du préfet et du procureur.

Le maire, chef de file dans la prévention ?

Si cette demande d'information vise aussi bien les services de police et de gendarmerie que la justice, c'est bien cette dernière qui a été visée à plusieurs reprises ces derniers jours. Plusieurs voix se sont élevées pour dénoncer les failles dans la politique pénale. "Au Stade de France, au Bataclan, mais aussi lors des drames survenus au mois de janvier dernier, le parcours de ces assaillants français radicalisés est toujours marqué – j'allais dire inexorablement marqué – en amont par des faits de petite délinquance", a ainsi déclaré Bernard Reynès député-maire LR de Châteaurenard (Bouches-du-Rhône), le 24 novembre, lors des questions au gouvernement. Ce qui, selon lui, "témoigne incontestablement d'une faille dans la prise en charge et le suivi de ces jeunes dont certains, faute d'une véritable détection, tombent dans la délinquance de droit commun puis dans l'islamisme radical et le terrorisme". "Quand réaffirmerez-vous le rôle du maire comme chef de file dans la prévention de la délinquance et donc comme acteur majeur de la détection – le plus en amont possible – des dérives radicales chez certains jeunes ?", a-t-il demandé au ministre de l'Intérieur, rappelant que la loi du 5 mars 2007 a fait du maire le pivot de la prévention de la délinquance sur son territoire.

Des téléphones portables dans les quartiers d'isolement

Enumérant les parcours multirécidivistes des terroristes, depuis l'affaire Merah jusqu'au 13 novembre 2015, la députée FN du Vaucluse Marion Maréchal-Le Pen a elle aussi vivement interpellé Christiane Taubira. "Quel magma (…) Je ne reprendrai pas les noms que vous avez cités ni les dates parce que devant une situation si douloureuse, c'est en responsabilité que je fais face et que je n'ajoute pas à la souffrance des Français", s'est limitée à répondre la ministre de la Justice. Dès le lendemain, elle était à nouveau prise à partie. Par David Douillet, député LR des Yvelines, cette fois-ci, expliquant avoir constaté, lors d'une visite de prison, la présence de téléphones portables dans les quartiers d'isolement. "Tout circule dans les prisons, avec bien sûr des complicités extérieures : des couteaux, de la drogue, des téléphones portables. Ces mêmes téléphones portables qu'on peut retrouver jusque dans les quartiers d'isolement, là où sont incarcérés les radicalisés ou les terroristes – un pléonasme", a-t-il dit. Christiane Taubira a répondu que le renseignement en prison avait été "très substantiellement" conforté. "Il était composé de 70 agents, il en compte aujourd'hui 159 et pour l'année prochaine 185. Une quarantaine d'officiers de renseignement ont été déployés dans les établissements pénitentiaires", a-t-elle détaillé. Par ailleurs, 628 brouilleurs ont été installés dans 96 établissements, ainsi que 289 détecteurs de portables, et "il y en aura 346 d'ici la fin de l'année", a-t-elle assuré. S'agissant des brouilleurs, elle a invoqué les difficultés techniques "liées à l'architecture de l'établissement" mais aussi la "problématique de santé sur les personnels, sur les détenus et sur le voisinage selon leur puissance d'émission".
 

 

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