Délégation de compétence - L'urbanisme grignote du terrain au niveau intercommunal
Même s'il est encore très majoritairement traité dans le cadre communal, l'urbanisme suscite l'intérêt croissant des communautés. Déjà compétentes dans l'élaboration des schémas de cohérence territoriale (Scot), elles s'engagent aussi sur le champ de la planification urbaine et sur la gestion du droit du sol, comme l'illustre une étude de l'Assemblée des communautés de France (ADCF) dont les premiers résultats ont été présentés le 28 novembre lors du 10e colloque annuel d'Urba+, l'association des étudiants et diplômés de l'Institut d'urbanisme de Paris.
Menée auprès de 400 communautés, l'enquête de l'ADCF montre d'abord que le rôle de la communauté en matière d'aménagement de l'espace est d'autant plus fort que le territoire concerné est urbain. Si 64% des communautés jugent leur périmètre pertinent pour concevoir et conduire une politique cohérente d'aménagement du territoire, 93% d'entre elles estiment que leur rôle pourrait être plus efficace qu'aujourd'hui. Près de la moitié estiment que ce renforcement de l'efficacité communautaire passerait par la définition d'une stratégie foncière et la mobilisation de moyens mais aussi par une plus forte mobilisation des communes dans la mise en œuvre du projet communautaire.
Impliquées dans l'élaboration des nombreux documents stratégiques (Scot, plans locaux pour l'habitat, chartes de pays, schémas de développement économique pour les plus fréquemment cités), elles sont 58 % à trouver " moyenne " l'articulation entre tous ces documents sectoriels. Principaux griefs exprimés : les documents sont produits isolément et à des rythmes différents, les acteurs concernés et les porteurs politiques diffèrent trop d'un thème à l'autre, les périmètres d'élaboration des documents se chevauchent sans cohérence.
Une grande majorité des communautés (62%) ont élaboré ou sont en train d'élaborer un Scot. Mais 52% ont choisi de le faire au niveau supra-communautaire, dans le cadre d'un syndicat mixte - périmètre jugé très cohérent par 88% de ces communautés - et 10% seulement dans le cadre communautaire. Principale raison invoquée par ces dernières : la volonté politique de conserver la maîtrise directe de l'élaboration du Scot.
Mutualisation de l'instruction des autorisations d'urbanisme
Mais les compétences des communautés ne se limitent pas aux documents stratégiques. Un peu plus de 10% d'entre elles ont aujourd'hui mutualisé l'instruction des autorisations d'urbanisme et 29% envisagent de le faire à court ou moyen terme. La mutualisation est indépendante de la compétence communautaire en matière de plan local d'urbanisme puisque 70% des communautés disposant d'un service d'instruction ne sont pas compétentes en matière de PLU.
Dans 90% des cas, cette mutualisation vise à répondre au désengagement de la DDE. 64% mettent en avant la recherche d'économie d'échelle et/ou de moyens, 49% une volonté de proximité avec les pétitionnaires et davantage de réactivité et 40% la volonté d'augmenter localement l'expertise technique ou juridique. Dans 76% des cas, la mission confiée au service d'instruction intercommunal concerne toutes les autorisations d'urbanisme.
Quant à la compétence PLU, elle figure aujourd'hui dans les statuts de 10% des communautés ayant répondu à l'enquête de l'ADCF. "En croisant ces résultats avec le recensement que nous avons déjà opéré, nous estimons à une centaine le nombre de communautés compétentes en matière de PLU, soit près de 4% de l'ensemble des intercommunalités à fiscalité propre", a précisé Philippe Schmit, responsable de l'action en régions de l'ADCF lors de la présentation de l'étude.
59% des PLU sous maîtrise d'ouvrage communautaire sont réalisés à l'échelle du territoire de la communauté. Si la grande majorité des communautés interrogées jugent que la compétence PLU renforce l'esprit communautaire, 86% estiment aussi que la réalisation intercommunale du PLU multiplie les risques de contentieux. Et si 52% voient dans le PLU intercommunal le gage d'une bonne mise en œuvre des orientations d'aménagement arrêtées par la communauté, 76% des communautés déclarent que le transfert du PLU n'est pas du tout à l'ordre du jour.
Mais comme l'a souligné Nicolas Portier, délégué général de l'ADCF, les grands chantiers du moment - politique de l'habitat avec la mise en oeuvre du droit au logement opposable (Dalo), Grenelle de l'environnement, avec les engagements en matière d'efficacité énergétique, de transports, de lutte contre l'étalement urbain - incitent de plus en plus à s'interroger sur l'articulation des compétences entre communes et communautés en matière d'urbanisme. Pour Thierry Repentin, sénateur de Savoie et membre d'honneur du bureau de l'ADCF, "l'intercommunalité a toujours avancé par cliquets et la compétence urbanisme va d'elle-même s'imposer".
Anne Lenormand