L'ordonnance ouvrant l'accès des données des voitures "connectées" publiée
Une ordonnance parue au Journal officiel ce 15 avril ouvre l'accès aux données des véhicules terrestres à moteur à plusieurs acteurs – gestionnaires d'infrastructures routières, autorités organisatrices de la mobilité, forces de police et de gendarmerie, services d'incendie et de secours, constructeurs automobiles… –, en les compartimentant toutefois en fonction des finalités poursuivies. Dans tous les cas, ces données seront anonymisées et ne pourront être utilisées comme preuve de la commission d'infractions au code de la route. En cas d'accident impliquant des véhicules à délégation de conduite, assureurs et organismes d'enquête techniques auront également accès à certaines données.
Prévue par l'article 32 de la loi d'orientation des mobilités (LOM), l'habilitation du gouvernement à prendre par voie d'ordonnance des dispositions relatives à l'accès des données des véhicules avait été discutée au Parlement, et l'article 13 initial du projet de loi plus que substantiellement amendé. En commission, les sénateurs l'avaient même initialement supprimée, jugeant le "champ d'habilitation trop large" et la "rédaction trop imprécise". La sénatrice Françoise Gatel avait ainsi tout à la fois alerté sur "l'atteinte à la vie privée des automobilistes [qui] pourra être considérable" et déploré que "l'habilitation ne prévoit pas de ménager un accès à certaines données aux gestionnaires d'infrastructures ni aux autorités organisatrices de la mobilité". Autant de corrections qui ont été intégrées par cette ordonnance n° 2021-442 du 14 avril 2021 relative à l'accès aux données des véhicules, qui introduit concrètement un nouveau chapitre IV au titre Ier du livre V de la première partie de la partie législative du code des transports, dédié aux "données du véhicule" et composé de huit articles qui déterminent les contours de la transmission, par le constructeur, des données produites par les systèmes intégrés à un véhicule terrestre à moteur.
Prévenir les accidents
Les gestionnaires d'infrastructures routières, les forces de police et de gendarmerie et les services d'incendie et de secours pourront être destinataires des données "strictement nécessaires à la détection d'accidents, d'incidents ou de conditions génératrices d'accidents situés dans l'environnement de conduite du véhicule, à l'exclusion des données destinées aux systèmes de communications aux centres d'appels d'urgence", et ce "aux fins de prévention des accidents, en vue d'apporter des réponses rapides aux risques identifiés, ou d'amélioration de l'intervention en cas d'accident, dans le cadre exclusif de l'exécution de leurs missions de service public".
Le tout sous réserve, le cas échéant, de l'acceptation de conditions financières qui "ne peuvent couvrir que les coûts de transmission et de traitement des données spécifiques à la détection des accidents et incidents ou conditions de circulation génératrices d'accidents, localisés dans l'environnement de conduite du véhicule".
Ces données, anonymisées "par un procédé garantissant la suppression irréversible du lien entre lesdites données et le numéro de série ou tout identifiant du véhicule, de son conducteur, propriétaire ou locataire", excluent en outre "tout support permettant d'identifier les personnes ou véhicules dans l'environnement de conduite du véhicule". Elles ne pourront notamment être utilisées ni comme preuve de la commission d'infractions au code de la route, ni aux fins de fourniture commerciale d'informations aux usagers de la route.
Évaluer l'état de l'infrastructure routière
Pourront également être transmises aux gestionnaires d'infrastructures routières les données permettant l'observation de l'infrastructure routière, de son état et de son équipement dans l'environnement de conduite du véhicule, limitées à ce qui est strictement nécessaire pour caractériser l'état de l'infrastructure et de ses équipements, et aux fins exclusives de connaissance et de cartographie de l'infrastructure routière et de son équipement, en vue de garantir ses conditions de sécurité. Là encore, sous réserve, le cas échéant, de l'acceptation des conditions financières qui ne peuvent couvrir que les coûts de collecte, de transmission et de traitement des données spécifiques à la caractérisation de l'état de l'infrastructure et de ses équipements localisés dans l'environnement de conduite du véhicule. Ces données devront là encore être anonymisées et ne pourront notamment être utilisées ni comme preuve de la commission d'infractions au code de la route, ni aux fins de fourniture commerciale d'informations aux usagers de la route sur l'état de l'infrastructure routière ou de son équipement.
Observer le trafic
Pourront également être transmises aux gestionnaires d'infrastructures routières et aux autorités organisatrices de la mobilité les données permettant l'observation des conditions d'écoulement du trafic routier, aux fins de connaissance du trafic routier, sous réserve, le cas échéant, de l'acceptation des conditions financières qui ne peuvent couvrir que les coûts de collecte, de transmission et de traitement des données spécifiques à la caractérisation des conditions de trafic.
Ces données devront être anonymisées et ne pourront notamment être utilisées ni comme preuve de la commission d'infractions au code de la route, ni aux fins de fourniture commerciale d'informations aux usagers des transports sur les conditions de trafic.
Analyser les accidents et déterminer les responsabilités en présence de véhicules à délégation de conduite
En cas d'accident de la route :
- les organismes chargés de l'enquête technique ont accès aux données des dispositifs d'enregistrement des données d'état de délégation de conduite, pour la seule finalité de l'étude et de l'analyse des accidents, sous réserve, le cas échéant, de l'acceptation des conditions financières qui ne peuvent couvrir que les coûts de collecte et de transmission des données spécifiques à la caractérisation de l'état de l'activation de la délégation de conduite ;
- les entreprises d'assurance qui garantissent les véhicules impliqués dans l'accident (ou le cas échéant le fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages ) ont accès aux données des dispositifs d'enregistrement des données d'état de délégation de conduite relatives aux conditions d'activation, de désactivation et de reprise en main du système de conduite automatisé, aux fins de déterminer les indemnisations nécessaires, sous réserve, le cas échéant, de l'acceptation des conditions financières qui ne peuvent couvrir que les coûts de collecte et de transmission des données spécifiques à la caractérisation de l'état de l'activation de la délégation de conduite (accès gratuit pour le FGAO).
Corriger les défauts des systèmes embarqués
Le texte dispose également que le constructeur peut procéder à la correction par voie télématique des défauts des systèmes, composants ou entités techniques pouvant affecter l'ensemble d'une série de véhicules et susceptibles de compromettre, de façon grave, la sécurité du véhicule, des occupants ou des autres usagers de la route en portant atteinte aux intérêts vitaux des personnes. Aux fins d'identification de ces défauts, il peut accéder aux données du véhicule caractérisant le fonctionnement de ces systèmes, composants ou entités techniques.
De même, le constructeur d'un véhicule terrestre à moteur à délégation de conduite, ou de l'un de ses équipements, peut accéder aux données, recueillies par le système d'automatisation du véhicule pendant sa circulation, qui sont nécessaires au renforcement de la sécurité des systèmes de délégation de conduite. Lorsque ces données permettent de reconstituer des scénarios caractérisant des situations de conduite susceptible d'entraîner des blessures graves aux occupants du véhicule ou aux autres usagers de la route, ces scénarios sont mis à la disposition, par le constructeur, des organismes désignés par le ministre chargé des transports pour élaborer les scénarios de conduite utilisés pour la réception des véhicules. Les données recueillies, anonymisées, ne peuvent pas être utilisées comme preuve de la commission d'infraction au code de la route.
Enfin, le constructeur est tenu de notifier à l'autorité nationale de réception des véhicules, sans délai après en avoir pris connaissance, les attaques par voie électronique qui sont susceptibles de porter atteinte aux systèmes d'information contribuant au fonctionnement ou à la sécurité du véhicule.
Références : rapport au Président de la République relatif à l'ordonnance n° 2021-442 du 14 avril 2021 relative à l'accès aux données des véhicules, JO du 15 avril 2021, texte n°33 ; ordonnance n° 2021-442 du 14 avril 2021 relative à l'accès aux données des véhicules, JO du 15 avril 2021, texte n°34 |