Loi de finances pour 2024 : ce que les collectivités en retiendront

Publiée au Journal officiel du 30 décembre, la loi de finances pour 2024 a été amputée de quelques-uns de ses articles, par suite de leur censure par le Conseil constitutionnel. Mais les Sages ont validé l'essentiel de ce texte, dont de nombreuses mesures s'appliquent aux collectivités territoriales. Augmentation de 320 millions d'euros de la dotation globale de fonctionnement, création d'une dotation de soutien aux communes pour les aménités rurales, instauration d'un "budget vert" dans les collectivités et groupements de plus de 3.500 habitants, généralisation du compte financier unique, réforme des zones de revitalisation rurale… Petit tour d'horizon des principales d'entre elles.

Au terme de trois mois d'un parcours parlementaire jalonné de recours à la procédure du "49.3", la loi de finances pour 2024 a été publiée au Journal officiel du 30 décembre. Deux jours plus tôt, le Conseil constitutionnel avait validé "l'essentiel" du texte, selon les termes de Bruno Le Maire, ministre de l’Économie et des Finances, et de Thomas Cazenave, ministre délégué chargé des Comptes publics (voir la décision des Sages).

Sur la forme, le Conseil constitutionnel a considéré que le gouvernement a utilisé à l'Assemblée nationale le 49.3 – qui, pour rappel, lui permet d'obtenir l'adoption d'un texte sans vote – selon des modalités conformes à la Constitution. Par ailleurs, sur le fond, il a estimé que les prévisions économiques de l'exécutif, bien qu'optimistes par rapport à celles des économistes, sont "sincères". Plusieurs des mesures contestées par les députés et les sénateurs requérants ont également été validées. Il en est ainsi de la réduction d’impôt de 75% pour les dons et versements effectués d'ici fin 2025 au profit de la Fondation du patrimoine pour la conservation et la restauration des édifices religieux appartenant à des personnes publiques situés dans les communes de moins de 10.000 habitants (article 30). La création à l'article 100 d'une taxe sur l’exploitation des infrastructures de transport de longue distance – dont les communes, les intercommunalités en charge de la voirie et les départements vont percevoir une partie du produit – est également considérée comme conforme à la Constitution. De même, les Sages ne trouvent rien à redire concernant la faculté accordée aux communes et à leurs groupements à fiscalité propre d'exonérer de la taxe sur le foncier bâti les logements achevés depuis plus de dix ans ayant fait l’objet de travaux de rénovation énergétique, ainsi que les constructions de logements neufs satisfaisant à certains critères de performance énergétique et environnementale (art. 143).

Pôles d’appui à la scolarité : le gouvernement devra trouver un autre vecteur

En revanche, le Conseil constitutionnel a estimé que toute une série de dispositions, dont certaines intéressant directement les collectivités, n'avaient pas leur place dans une loi de finances, et les a donc retoquées. La création de pôles d’appui à la scolarité chargés de favoriser la scolarisation des élèves à besoins éducatifs particuliers (art. 233) a ainsi été retoquée. Tout comme la possibilité pour les établissements publics territoriaux (EPT) de la métropole du Grand Paris et les communes qui en sont membres de verser entre eux des fonds de concours pour la réalisation ou le fonctionnement d'un équipement (art. 242). La désignation d'un quatrième vice-président au sein du Conseil national d'évaluation des normes (art. 193) a également été considérée comme un "cavalier".

Certains juristes notent que la Rue Montpensier n'a pas été saisie au sujet d'autres dispositions qui ne semblent pas avoir un caractère financier, comme la remise en cause du transfert automatique au 1er janvier 2024 des pouvoirs de police de la publicité extérieure des maires des communes de moins de 3.500 habitants aux présidents des intercommunalités à fiscalité propre, lorsque celles-ci ne sont pas compétentes en matière de programme local d'urbanisme ou de règlement local de publicité (art. 250). "Non identifiées par le Conseil constitutionnel", ces mesures "ne sont pas censurées", mais elles le "seront sans doute à terme", via une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), estime par exemple l'avocat spécialisé Éric Landot.

DGF : + 320 millions d'euros

Au total, la loi de finances pour 2024 porte de très nombreuses dispositions concernant le secteur public local. La dotation globale de fonctionnement (DGF) augmentera de 320 millions d'euros en 2024 (exactement comme en 2023), pour atteindre 27,24 milliards d'euros (art. 130). La hausse bénéficie pour l'essentiel aux communes (art. 240) : 140 millions d'euros sont affectés à la dotation de solidarité urbaine (DSU) et 150 millions d’euros à la dotation de solidarité rurale (DSR).

La loi institue "par prélèvement sur les recettes de l’État", une dotation en faveur des communes nouvelles regroupant, l’année suivant leur création, une population inférieure ou égale à 150.000 habitants (art. 134).

L'article 151 accorde aux élus locaux un peu de souplesse pour augmenter les taux de taxe d'habitation sur les résidences secondaires. En outre, la prise en compte de l'actualisation sexennale des valeurs locatives des locaux professionnels – qui servent au calcul de la taxe foncière dont doivent s'acquitter les propriétaires de ces locaux – est repoussée à 2026 (art. 152). Pour rappel, la loi de finances pour 2023 avait déjà acté un décalage de deux ans de cette mesure, qui, initialement, devait entrer en vigueur dès 2023 (voir notre article du 28 novembre).

Le bénéfice de la dotation particulière élus locaux (DPEL) est lui élargi à toutes les communes de moins de 1.000 habitants, alors qu’aujourd’hui environ 3.000 communes dont la population est inférieure à ce seuil en sont exclues, du fait de l’existence d’une condition de potentiel financier. Ce critère est supprimé en 2024 (art. 247). La dotation, qui sert à financer les indemnités de fonctions des élus locaux est de ce fait augmentée de 15 millions d'euros pour atteindre 123,5 millions d'euros.

La dotation de soutien aux communes pour les aménités rurales (ancienne dotation "biodiversité" et "aménités rurales") est élargie quant à elle à l’ensemble des communes rurales dont une partie du territoire est couverte par une aire protégée ou jouxte une aire marine protégée (art. 243). De plus, son montant passe de 41,6 millions d'euros en 2023, à 100 millions d'euros en 2024.

Budget vert, dette verte…

Par ailleurs, la loi de finances instaure l'obligation pour les collectivités et les groupements de plus de 3.500 habitants de se doter d'un "budget vert" (art. 191), c'est-à-dire un document budgétaire présentant l’impact environnemental de leurs dépenses. A partir de l'exercice 2024, ce document présentera dans les collectivités concernées "les dépenses d’investissement qui, au sein du budget, contribuent négativement ou positivement, à tout ou partie des objectifs de transition écologique de la France", selon les parlementaires Renaissance à l'origine de la mesure.

Les collectivités de plus de 3.500 habitants ont aussi désormais la possibilité "d’identifier et isoler" la part de leur endettement consacrée à financer des investissements concourant à des objectifs environnementaux (art. 192), ce que l'on appelle couramment la "dette verte".

La loi de finances pour 2024 prévoit par ailleurs la généralisation progressive, d'ici 2027, à l'ensemble du secteur public local du compte financier unique (CFU), qui fait l'objet cette année d'une expérimentation par près de 1.800 collectivités (art. 205). Pour rappel, en se substituant au compte administratif de l’ordonnateur et au compte de gestion du comptable public, le CFU permet de regrouper en un document unique l’exécution budgétaire et comptable d’une collectivité sur un exercice.

France Ruralités Revitalisation

S'agissant des départements, l'État accorde un soutien financier de 53 millions d'euros en 2024 à ceux qui sont "confrontés à une forte dégradation de leur situation financière", permettant de doubler le montant du fonds de sauvegarde (53 millions d'euros) constitué par la mise en réserve en 2022 et 2023 de recettes départementales de TVA (art. 131 et 252).

La loi de finances pour 2024 prévoit aussi, entre autres, la garantie d’un plancher pour la TVA perçue en remplacement de la CVAE : le niveau de compensation ne pourra pas être inférieur à ce qui a été transféré en 2023. Les départements ont été "écoutés et relativement entendus", déclare l'association qui les représente, Départements de France, dans un communiqué.

La loi de finances introduit par ailleurs une réforme des zones de revitalisation rurale (ZRR), celles-ci devenant le dispositif France Ruralités Revitalisation (voir notre article du 30 novembre). Ce dernier sera issu de la fusion de trois zonages : les ZRR, mais aussi les bassins d’emploi à redynamiser (BER) et les zones de revitalisation des commerces en milieu rural (Zorcomir).

Dans le domaine du logement (voir aussi dans l'édition de ce jour notre article consacré aux dispositions logement de la loi), on retiendra notamment que la fiscalité des meublés de tourisme est désormais alignée sur celle de la location de long terme, comme le demandaient de nombreux élus de territoires connaissant des tensions du marché locatif (voir notre article du 18 décembre). Ainsi, l’avantage fiscal qui permettait aux locations touristiques d’exclure 71% de leur chiffre d’affaires annuel de leur base imposable est remis en cause (art. 45).

"Soutien" des collectivités à hauteur de 1,75 milliard d'euros

Cette loi de finances augmente à 2,5 milliards d'euros en 2024 (contre 2 milliards l'an dernier) le fonds vert destiné à soutenir les investissements des collectivités et de leurs groupements en faveur de la transition écologique. En prévoyant au sein de cette enveloppe un montant de 500 millions d'euros pour le plan de rénovation énergétique et de renaturation des établissements scolaires.

Selon Bercy, les "différents versements de l’État aux communes, aux intercommunalités, aux départements et aux régions" croissent en 2024 "de plus de 1,75 milliard d’euros".

Toutes ces mesures et bien d'autres feront l'objet prochainement d'un décryptage complet qui sera publié par la Banque postale, a-t-on appris auprès de l'établissement bancaire.

Une première pièce du puzzle des finances publiques locales avait été posée peu avant Noël, avec la publication – le 19 décembre – de la loi de programmation des finances publiques 2023-2027. Un texte qui au terme d'un parcours chaotique d'une quinzaine de mois, prévoit que "les collectivités territoriales contribuent à l'effort de réduction du déficit public et de maîtrise de la dépense publique, selon des modalités à l'élaboration desquelles elles sont associées". Mais, avec un objectif d'évolution des dépenses réelles de fonctionnement qui n'est pas contraignant.

 

  • Environnement, transports, énergie : les autres mesures à retenir pour les collectivités

Plans de prévention des risques technologiques (art.17). La date limite de prise en compte des dépenses éligibles au crédit d'impôt dont peuvent bénéficier les propriétaires de logements situés dans le périmètre d'un plan de prévention des risques technologiques (PPRT) est repoussée du 31 décembre 2023 au 31 décembre 2026. Le délai pour la réalisation des travaux après l’approbation du PPRT est également reporté de huit à onze ans. Dans le cas où les PPRT ont été approuvés avant le 1er janvier 2016, la loi repousse aussi la date limite à laquelle les travaux doivent être réalisés du 1er janvier 2024 au 1er janvier 2027.

Vélos (art. 37). La réduction d’impôt pour mise à disposition d’une flotte de vélos est prolongée jusqu’au 31 décembre 2027 et l’affectation du produit du droit départemental de passage sur les ouvrages d’art reliant les îles au continent est étendue au financement de l’aménagement et de l’entretien de pistes cyclables en site propre en revêtement ni cimenté ni bitumé.

Véhicules lourds (art. 40). Le texte introduit un dispositif de déduction fiscale sur les coûts liés au "retrofit" de véhicules lourds (transformation des véhicules à motorisation thermique en véhicules à motorisation électrique à batterie ou à pile à combustible à hydrogène). La déduction s’applique aux véhicules dont le poids total autorisé en charge est supérieur ou égal à 2,6 tonnes et dont la transformation est engagée à compter du 1er janvier 2024 et jusqu’au 31 décembre 2030.

Prêt à taux zéro mobilité (article 41). L’expérimentation du PTZ-m, créé par l’article 107 de la loi Climat et Résilience de 2021 pour faciliter, sous conditions de ressources, l’acquisition d’un véhicule "propre" (moins de 50 gCO2/km) est prolongée d'un an, jusqu'au 31 décembre 2025. Les modalités de mise en œuvre de cette expérimentation seront définies par un simple décret et non plus un décret en Conseil d’État.

Taxe poids lourds (art. 98). Défini par l’ordonnance n° 2023-661 du 26 juillet 2023 prise en application de l’article 137 de la loi Climat et Résilience, le dispositif législatif qui permet à certaines collectivités locales (au premier rang desquels la collectivité européenne d’Alsace) d’instaurer une taxe poids lourds est modifié par la loi de finances pour 2024. Celle-ci prévoit notamment une exonération pour les poids lourds utilisés dans le cadre des activités liées à la collecte en porte-à-porte et à l’élimination des déchets ménagers, dans un rayon maximal de 100 km autour du lieu d’établissement de l’entreprise ; une exonération facultative pour les poids lourds spécialisés utilisés pour le transport de fonds ; une exonération facultative pour les poids lourds utilisés pour le transport de marchandises dans un rayon maximal de 100 km autour du lieu d’établissement de l’entreprise, propulsé au gaz naturel, au gaz liquéfié ou à l’électricité, dont la masse maximale autorisée, remorque ou semi-remorque comprise, ne dépasse pas 7,5 tonnes ; diverses modifications relatives à l’amende perçue en cas d’absence de paiement de la taxe ou de paiement insuffisant ou tardif.

Infrastructures de transport de longue distance (art.100). Une taxe de 4,6% est instaurée sur l’exploitation des infrastructures de transport de longue distance. En sont redevables les seuls exploitants d’infrastructures de transport de longue distance dont le niveau de rentabilité moyen excède un seuil de 10%. L’ensemble des secteurs de transport sont inclus dans l’assiette de la taxe (routier, ferroviaire, guidé, maritime, aérien) mais "en pratique, l’application du critère de rentabilité et la prise en compte des seuls revenus d’exploitation supérieurs à 120 millions d’euros auront pour conséquence de faire peser la taxe sur les seules sociétés concessionnaires d’autoroutes et les grands aérodromes (Paris-Charles de Gaulle, Orly, Lyon, Marseille et Nice)", a souligné le rapporteur général du budget Jean-René Cazeneuve, dans son rapport de nouvelle lecture à l'Assemblée. Estimé à 600 millions d’euros en 2024, le produit de la taxe sera affecté en intégralité à l'Agence de financement des infrastructures de transport (Afitf) afin de financer les investissements prévus dans le cadre du "plan d’avenir dans les transports".

Réforme des redevances des agences de l’eau (art.101). La loi prévoit une réforme des redevances des agences de l’eau, à compter du 1er janvier 2025. Mais l'ambition de cette réforme, destinée à l'origine à financer le plan eau du gouvernement tout en rééquilibrant la charge pesant sur les différents usagers (secteur de l’énergie, agriculture, industrie, consommateurs d'eau potable) a été revue à la baisse. La hausse de la redevance pour pollution diffuse portant sur les pesticides a ainsi été supprimée de la version finale du texte, de même que les tarifs planchers de la redevance pour prélèvement sur la ressource en eau en cas d’irrigation gravitaire et non gravitaire. Les volumes d’eau potable servant à l’abreuvement des animaux ont aussi été exclus de l’assiette servant à déterminer la redevance sur la consommation d’eau potable. A été maintenue en revanche la création, en substitution des actuelles redevances pour pollution d’origine domestique et pour modernisation des réseaux de collecte, d’une redevance sur la consommation d’eau potable et de deux redevances pour la performance des réseaux d’eau potable et des systèmes d’assainissement collectif.

TGAP (articles 102, 103 et 104).  La loi crée une taxe générale sur les activités polluantes (TGAP)) pour la réception de déchets radioactifs métalliques, dont le tarif augmentera de manière progressive de 2024 à 2027, tout en abaissant en parallèle la fiscalité sur les installations nucléaires de traitement ou de stockage définitif des déchets. Il sera possible d’être exempté de cette TGAP lorsque les déchets radioactifs en question font l’objet d’une valorisation. L’article 103 exonère de TGAP les réceptions de déchets en provenance d’un dépôt situé à moins de 100 mètres du trait de côte dans une zone soumise à érosion ou dans une zone de submersion marine potentielle. Il s’inscrit dans le cadre du plan national de résorption des décharges littorales historiques présentant un risque de déversement dans la mer. L’article 104 prévoit une exonération de TGAP sur les déchets en outre-mer.
Anne Lenormand / Localtis

 

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