Loi Climat et Résilience : ce qu'il faut retenir de la réforme du code minier
La loi Climat et Résilience du 22 août 2021 intègre dans le chapitre III "Protéger les écosystèmes et la diversité biologique" de son titre III "Produire et travailler" une réforme du code minier visant à doter l'Etat des outils juridiques lui permettant notamment de refuser des permis miniers d'exploration ou d'exploitation pour des motifs environnementaux. Cette réforme devra encore être complétée par une série d'ordonnances prévues à l'article 81 de la loi.
Titre III "Produire et travailler"
Chapitre III "Protéger les écosystèmes et la diversité biologique"
Encadrement des travaux miniers et de leur arrêt (art.65). Le texte vise à renforcer l’encadrement des travaux miniers et de leur arrêt, en rénovant les intérêts protégés par le code minier, en soumettant la déclaration d’arrêt de travaux à la participation du public par voie électronique, en étendant pour une durée de 30 ans la police résiduelle des mines et en permettant la recherche en responsabilité des sociétés-mères. Il renforce également le régime des garanties financières pour les activités minières, en assurant une meilleure information des parties prenantes à la déclaration d’arrêt des travaux miniers et en prévoyant la possibilité d’instituer des servitudes d’utilité publique lorsqu’une mine est susceptible de créer des dangers ou des risques très importants pour la santé ou la sécurité des populations ou pour l’environnement.
Sols et sous-sols (art.66). Le texte crée un nouveau titre IV au sein du livre II du code de l’environnement, portant sur les "Sols et sous-sols" et constitué d’un chapitre unique "Principes généraux de la protection des sols et des sous sols" et d’un article unique (L241-1) selon lequel "la politique nationale de prévention et de gestion des sites et sols pollués vise à prévenir et réduire la pollution des sols et des sous sols et à assurer la gestion des pollutions existantes. Elle participe d’une gestion équilibrée et durable des sols et sous sols et tient compte des adaptations nécessaires au changement climatique". Elle est "définie et mise en œuvre conformément aux principes suivants : la prévention et la remédiation des pollutions et la gestion des risques associés ; la spécificité et la proportionnalité, impliquant une appréciation au cas par cas de la situation de chaque site ; l’évaluation du risque fondée sur les usages du site, la connaissance des sources, vecteurs et cibles d’exposition et le respect de valeurs de gestion conformes aux objectifs nationaux de santé publique".
"La prévention et la remédiation de la pollution des sols comprennent des mesures destinées à atténuer les effets des processus de dégradation des sols, à mettre en sécurité des sites dont les sols présentent, en surface ou dans le substratum rocheux, des substances dangereuses et à remettre en état et assainir les sols dégradés de manière à leur restituer un niveau de fonctionnalité au moins compatible avec les intérêts mentionnés à l'article L.511-1 [du code de l'environnement], au regard de leur utilisation effective et de leur utilisation future autorisée. Ces mesures tiennent compte de l’impact d’une exploitation humaine des sols sur la libération et la diffusion dans l’environnement de substances dangereuses présentes naturellement dans ces sols."
Titres miniers (art.67). Le texte modifie les procédures applicables aux titres miniers, avec l’introduction d’une analyse environnementale, économique et sociale (précédant l’octroi, l’extension et la prolongation d’un permis exclusif de recherches ou d’une concession), une procédure de participation du public et des collectivités territoriales, et l’application d’un régime de plein contentieux.
Politique nationale des ressources et usages du sous-sol (art.68). Le texte vise à inscrire dans le code minier les objectifs de la politique nationale des ressources et usages du sous-sol (article L.113-1 à L.113-5 du code minier). Celle-ci "a pour objectif de déterminer, sur la base d’un recensement, élaboré puis mis à jour au moins tous les cinq ans, des substances susceptibles d’être présentes dans le sous-sol, les orientations nationales de gestion et de valorisation des substances mentionnées à l’article L.100 1 et des usages du sous-sol prévus au présent code, pour servir les intérêts économiques, sociaux et environnementaux des territoires et de la Nation. Elle a également pour objectif de fixer des orientations assurant que les approvisionnements en ressources primaires et secondaires en provenance d’un État non-membre de l’Union européenne répondent à des exigences sociales et environnementales équivalentes à celles applicables en France".
Son élaboration devra prendre en compte la stratégie nationale de transition vers l’économie circulaire et le plan de programmation des ressources (prévus à l’article 69 de la loi transition énergétique de 2015) et la programmation pluriannuelle de l’énergie.
L’article 68 impose une compatibilité des schémas départementaux d’orientation minière avec la politique nationale des ressources et des usages du sous-sol. La politique se décline ensuite en une "stratégie, formalisée dans un rapport élaboré, puis mise à jour au moins tous les cinq ans, par l’autorité administrative compétente, avec l’assistance des établissements publics et des instituts de recherche compétents". Avec, en annexe du rapport, une notice décrivant les techniques envisageables pour la recherche et l’exploitation des substances identifiées ainsi que les impacts, en particulier environnementaux et sanitaires, associés et les moyens de les réduire.
Le législateur demande également que "les caractéristiques principales des demandes de titres miniers en cours d’instruction, les titres miniers et les autres autorisations minières en cours de validité ainsi qu’une carte présentant leur périmètre sur le territoire national so[ie]nt mis à la disposition du public sous forme électronique, dans un standard ouvert librement réutilisable et exploitable". Et donne la possibilité au préfet de département d’instaurer "une commission de suivi de site" une fois la demande de titre minier déposée.
Lutte contre l'orpaillage illégal en Guyane. Plusieurs articles de la loi visent à renforcer la lutte contre l’orpaillage illégal en Guyane. L’article 69 entend ainsi élargir les possibilités d’habilitation des inspecteurs de l’environnement, des agents de l’Office national des forêts (ONF) et des agents des réserves naturelles nationales (RNN) à constater les infractions au code minier ; l’article 70 vise à relever le montant de certaines amendes pénales et à rehausser la durée d’emprisonnement punissant des infractions prévues par le code minier ; l’article 71 vise à permettre l’application par le juge judiciaire de la peine d’interdiction du territoire français à l’encontre de certaines infractions prévues par le code minier ; l’article 72 vise à modifier la possibilité de différer le départ de la garde à vue ou de la retenue douanière ; l’article 77 tend à confier aux auxiliaires de police judiciaire, des pouvoirs en termes de contrôles, de vérifications et de relevés d’identité, sous le contrôle du procureur de la République ; l’article 78 tend à définir une nouvelle infraction prévue par le code minier, permettant de réprimer le transport fluvial non autorisé de matériel utilisé pour l’exploitation aurifère ; l’article 79 vise à instituer un registre destiné à enregistrer la production et le transfert de l’or sous toutes ses formes.
Dommages environnementaux (art.73). A compter de sa promulgation, la loi ajoute les activités régies par le code minier relevant du régime légal des mines ou du régime légal des stockages souterrains dans la liste des activités qui doivent prévenir ou réparer les dommages qu’elles causent à l’environnement (article 162-1 du code de l'environnement).
Prévention du risque sismique (art.74). Le texte vise à accompagner les demandes d’autorisation de travaux de recherches ou d’exploitation relatives aux gîtes géothermiques d’un mémoire précisant les mesures mises en œuvre ou celles envisagées pour connaître la géologie du sous-sol et limiter le risque de sismicité.
Police des mines exercée par l'Etat (art.75). Le texte codifie l’objet de la police des mines et son exercice par l’État et les inspecteurs de l’environnement (article L.171 1 du code minier). Celui-ci stipule que "l'’État exerce une police des mines, qui a pour objet de contrôler et d’inspecter les activités de recherches et d’exploitation minières ainsi que de prévenir et de faire cesser les dommages et les nuisances qui leur sont imputables, d’assurer la bonne exploitation du gisement et de faire respecter les exigences et les intérêts mentionnés à l’article L.161 1 et les obligations mentionnées à l’article L.161 2 et par les textes pris pour leur application. Pour l’exercice de cette police, l’autorité administrative s’appuie sur les inspecteurs de l’environnement bénéficiant des attributions mentionnées au 2° du II de l’article L.172 1 du code de l’environnement."
Transfert d'équipements de surveillance (art.76). Cet article vise à permettre le transfert d’équipements de surveillance et de prévention des risques de l’État vers le nouvel explorateur ou exploitant d’un site minier, ainsi que des responsabilités liées.
Reconversion des concessions d'hydrocarbures (art.80). Le texte procède à la recodification de l’obligation, pour les exploitants de concessions d’hydrocarbures, de présenter un dossier de reconversion de ces concessions, cinq ans avant leur fin.
Ordonnances complétant la réforme du code minier (art.81). Le gouvernement est autorisé à légiférer par ordonnances, dans un délai de quinze mois à compter de la promulgation de la loi, sur une série de mesures. Une dizaine d'objectifs sont visés :
- "transformer les fondements juridiques et les objectifs du modèle minier français en précisant les modalités de mise en œuvre de la politique nationale des ressources et des usages du sous-sol et en définissant les modalités de fonctionnement du registre national minier, numérique et cartographique" ;
- "améliorer la prise en compte des enjeux environnementaux liés aux activités minières à tous les stades" et "rénover la participation du public et des collectivités territoriales". Pour cela, il est prévu de réviser "les conditions d’octroi, de prolongation ou de refus des demandes de titres miniers, de recherches ou d’exploitation, afin, notamment, de pouvoir refuser une demande de titre en cas de doute sérieux sur la possibilité de conduire l’exploration ou l’exploitation du gisement sans porter une atteinte grave aux intérêts protégés au titre de la réglementation minière" ; de renforcer "les modalités d’information et de participation des collectivités territoriales et, dans le respect du principe de proportionnalité, du public aux différentes étapes de la procédure, de l’instruction des demandes en matière minière à la fin de l’exploitation" ; d'imposer "la réalisation d’une analyse environnementale, économique et sociale préalablement à la prise des décisions relatives aux demandes de titres miniers ; de prévoir "la possibilité d’assortir les décisions sur les demandes de titres miniers de prescriptions environnementales, économiques et sociales ; de faire relever, "avec les adaptations nécessaires, l’autorisation d’ouverture de travaux miniers du régime de l’autorisation environnementale prévue au code de l’environnement" ; de réviser "l’objet, les modalités et les sanctions de la police des mines afin, notamment, de rendre applicables aux travaux miniers soumis à autorisation environnementale les sanctions administratives prévues au même code" et de préciser les obligations incombant aux exploitants ; de modifier et simplifier les procédures de retrait d’un titre minier afin, notamment, de prévenir les situations dans lesquelles le responsable d’un site minier est inconnu, a disparu ou est défaillant ;
- moderniser le droit minier en révisant la terminologie des titres et autorisations miniers ainsi que les modalités d’instruction des demandes ; en clarifiant les cas et les modalités de mise en concurrence des demandeurs relevant du régime légal des mines, sans mettre en cause la dispense reconnue à l’inventeur d’un gisement déclaré avant l’expiration de son titre ; en adaptant le régime juridique applicable à la géothermie, notamment en ce qui concerne son articulation avec le stockage d’énergie et les exigences en matière d’études exploratoires ; en précisant les régimes légaux des stockages souterrains et des mines afin, notamment, de définir les modalités de leur extension à d’autres substances, comme l’hydrogène ; en révisant les régimes juridiques applicables aux autorisations et aux permis d’exploitation ainsi qu’aux procédures d’arrêt des travaux dans les collectivités d’outre mer, notamment en ce qui concerne les projets miniers de petite taille, et en révisant l’encadrement juridique des projets miniers comportant l’utilisation du domaine public ou privé de l’État – "ces révisions ont notamment pour objectif de réduire les délais d’instruction sans réduire le niveau de protection de l’environnement", souligne le texte ; en modifiant les modalités de passage des substances de carrières dans la catégorie des substances de mines ;
- adopter des mesures destinées à mieux encadrer l’activité minière en matière d’or, en révisant les dispositions relatives au schéma départemental d’orientation minière de Guyane, pour prévoir notamment son élaboration conjointe par le président de la collectivité territoriale de Guyane et le représentant de l’État dans le département, et en renforçant l’association des communautés d’habitants aux décisions sur les demandes de titres ou d’autorisations miniers en Guyane ; en révisant les obligations auxquelles sont tenus les opérateurs en matière de traçabilité de l’or ; en prenant toutes dispositions de nature à faciliter la réhabilitation des sites ayant été le siège d’activités illégales d’orpaillage ;
- clarifier les dispositions du code minier, en révisant et harmonisant les modalités de prorogation des droits miniers ; en précisant les effets attachés au droit d’inventeur ; en permettant la fusion des titres miniers d’exploitation de mines ; en modifiant l’autorité compétente pour l’octroi et la prolongation des titres d’exploitation ou pour leur rejet explicite ; en complétant la définition des substances connexes et en permettant l’extension des titres miniers à ces substances ; en précisant le cadre juridique s’appliquant à la recherche et à l’exploitation des granulats marins et substances de mines dans les fonds marins du domaine public, notamment pour garantir un haut niveau de protection des écosystèmes marins et en assurer une meilleure connaissance scientifique ; en abrogeant l’article L. 144 4 du même code relatif aux concessions anciennement à durée illimitée ;
- prendre les dispositions relatives à l’outre mer permettant l’extension de l’application, l’adaptation et la coordination, sous réserve de la compétence de la loi organique, des dispositions résultant des ordonnances prises sur le fondement de la présente loi ou de toute autre disposition législative relevant de la compétence de l’État en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, dans les îles Wallis et Futuna et dans les Terres australes et antarctiques françaises, sous réserve, en ce qui concerne le district de Terre-Adélie, de la mise en œuvre du protocole, relatif à la protection de l’environnement dans l’Antarctique signé à Madrid le 4 octobre 1991, au traité sur l’Antarctique conclu à Washington le 1er décembre 1959 ; l’adaptation et la coordination de ces mêmes dispositions pour leur application en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion, à Mayotte, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon ;
- permettre l’application des dispositions résultant des ordonnances prises sur le fondement de la présente habilitation aux demandes, initiales et concurrentes, présentées avant leur publication ;
- préciser et renforcer le dispositif d’indemnisation et de réparation des dommages miniers, notamment en définissant la notion de dommage causé par les activités régies par le code minier, en conservant la possibilité pour l’explorateur ou l’exploitant minier de s’exonérer de sa responsabilité en cas de cause étrangère et l’obligation pour l’État de se porter garant de la réparation des dommages causés par l’activité minière en cas de disparition ou de défaillance du responsable ;
- prendre les mesures de mise en cohérence, de coordination, de réorganisation, notamment de renumérotation, et de correction des erreurs matérielles nécessaires au sein des codes concernés par la présente habilitation.
Un projet de loi de ratification devra être déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de chacune des ordonnances prévues. Puis la mise en œuvre de ces ordonnances devra faire l’objet d’une présentation par le gouvernement, au plus tard un an après leur publication, devant les commissions permanentes compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat.