Loi 3DS : les conditions de l’expérimentation sur l’aménagement commercial en consultation
Malgré ses aspects "kafkaïens", le projet de décret relatif aux modalités de mise en oeuvre d’une expérimentation en matière de procédure de délivrance des autorisations d’exploitation commerciale, soumis à consultation du public, poursuit un objectif de simplification en accroissant les prérogatives des collectivités territoriales en la matière.
La loi 3DS comporte toute une série de mesures visant à renforcer l’attractivité des opérations de revitalisation de territoire (ORT) pour redynamiser les centres-villes. L’une d’elles (article 97) prévoit, à titre expérimental, d’accroître les prérogatives des collectivités territoriales en confiant l’instruction et la délivrance des autorisations d’exploitation commerciale à l’autorité compétente en matière d’urbanisme (maire ou président de l’EPCI), autrement dit sans que soit saisie la commission départementale d'aménagement commercial (CDAC) et sans que les services déconcentrés de l'Etat instruisent la demande. Les modalités d’application en sont renvoyées à un décret que le ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires vient à peine de soumettre à consultation publique, et ce jusqu’au 28 mars prochain. Le texte est encore dans les clous, sachant que les EPCI concernés doivent en théorie décider de mettre en place cette expérimentation dans les trois ans à compter de la promulgation de la loi 3DS (soit jusqu’au 22 février 2025). Et les collectivités qui souhaiteraient se lancer pourront bénéficier d’un "appui procédural" du programme Action cœur de ville, comme l’a indiqué son directeur, Rollon Mouchel-Blaisot (lire notre article du 20 février 2023).
Renforcer la stratégie locale d’aménagement commercial
Un pas avait déjà été franchi avec la loi Elan qui confirme le rôle des schémas de cohérence territoriale (ScoT) et des plans locaux d’urbanisme (PLU) dans la stratégie d’aménagement commercial. "Ces évolutions sont toutefois lentes, dans la mesure où elles nécessitent un besoin de réviser le document d’urbanisme et les procédures d’évolution prennent quelques années", explique le ministère. "Les surfaces autorisées chaque année diminuent peu et la vacance a fortement augmenté dans tous les territoires, passant de 7% en 2012 à plus de 13% en 2021", constate-il. En cause, "le manque d’efficience" de la procédure actuelle d’autorisation d’exploitation commerciale, faute de pouvoir réguler la concurrence à l’échelon local. Les porteurs de projet doivent solliciter au minimum deux autorisations distinctes - autorisation d’urbanisme et autorisation d’exploitation commerciale - auprès d’autorités compétentes différentes, et ce "alors que les enjeux qu’elles sanctionnent se recouvrent largement".
Cette expérimentation - qui s’étalera sur une durée de six ans - poursuit donc un triple objectif : améliorer la prise en compte des enjeux liés à l’aménagement commercial dans les documents d’urbanisme (SCoT et PLU) ; structurer une stratégie et une gouvernance locale du commerce qui assure un développement équilibré de l’offre pour éviter la vacance, encourager le recyclage des locaux et zones commerciales existantes vacantes et mettre fin aux concurrences communales ; enfin, simplifier les procédures pour les porteurs de projet en supprimant l’avis de la Cdac (l’autorisation ne relèvera que d’une seule autorité compétente) et accélérer l’implantation de commerces où le besoin est justifié.
Des conditions cumulatives pour le feu vert à l’expérimentation
Cette expérimentation pourra être menée au sein des territoires ayant signé une convention d’ORT. Les communautés urbaines, les métropoles, la métropole d'Aix-Marseille-Provence, la métropole de Lyon et la métropole du Grand Paris ne sont toutefois pas tenues de conclure une ORT pour y participer. L’EPCI devra par ailleurs répondre à des conditions cumulatives. Et en premier lieu, être couvert par un ScoT (comportant un document d’aménagement artisanal, commercial et logistique-DAACL) et un plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi). Ces documents d'urbanisme auront été modifiés pour déterminer les conditions d'implantation des équipements commerciaux en prenant en compte une batterie de critères fixés à l’article L. 752-6 (I) du code de commerce.
Une délibération de l’EPCI (après avis des communes qui en sont membres) suivie d’un arrêté du préfet pris cette fois sur avis conforme de la Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) au regard de la stratégie d'aménagement commercial du territoire, prévue dans le DAACL et déclinée dans les PLU, constituent le préalable à l’engagement de l’expérimentation. La délibération du syndicat de ScoT est également prévue sur cette décision d’expérimentation. Une complexité qui pourrait bien contrarier l’objectif de simplification initialement poursuivi…
Le projet de décret en précise davantage les contours. Il revient avec force détails sur la procédure de saisine pour avis des communes et de leurs groupements concernés, organise la consultation pour avis conforme de la CNAC et liste les pièces constituant la demande d’expérimentation. Il prévoit en particulier un délai maximal de 3 mois pour que les communes et l’établissement public compétent en matière de SCoT délibèrent sur l’expérimentation.
Des critères d’appréciations pour délivrer l'AEC
Concrètement, l’autorisation d’urbanisme tiendra lieu d’autorisation d’exploitation commerciale (AEC). On retrouve par ailleurs dans cette partie du projet de décret grosso modo la même mécanique que celle qui entoure les conditions de l’expérimentation. La délivrance de l’AEC devra ainsi prendre en considération les critères d’appréciation visés à l’article L 752-6 (I) du code de commerce, à savoir :
- les flux de transports et l'accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émissions de dioxyde de carbone et les coûts indirects supportés par la collectivité, notamment en matière d'infrastructures et de transports ;
- la préservation ou la revitalisation du tissu commercial du centre-ville de la commune d'implantation, des communes limitrophes et de l’EPCI à fiscalité propre dont la commune d'implantation est membre ;
- la variété de l'offre proposée par le projet et son effet sur la vacance commerciale ;
- les risques naturels, miniers et autres auxquels peut être exposé le site d'implantation du projet, ainsi que les mesures propres à assurer la sécurité des consommateurs.
L’autorisation devra également "être conforme au PLU de la commune d’implantation et compatible au SCoT, qui auront été modifiés pour déterminer les conditions d’implantation des équipements commerciaux, et non plus seulement compatible avec le SCoT", souligne la notice de présentation. Autre garde-fou : si le projet doit engendrer une artificialisation des sols, "il ne pourra être autorisé que dans les conditions du droit commun déterminées par l’article L.752-6 (V) du code du commerce (notamment avec l’accord du préfet pour les projets portant sur plus de 3.000 m2 de surface de vente), après avis conforme de la CDAC", ajoute la note. En outre, si la compétence pour délivrer les autorisations d’urbanisme n’a pas été déléguée à l’EPCI, l’AEC ne pourra être accordée sans l’avis conforme du président de cet établissement qui disposera ainsi "d’un droit de véto".
Notons enfin, que le projet de décret organise le recours contentieux des décisions d’urbanisme en matière d'AEC prises au titre de l’expérimentation : "dans cette seule hypothèse, le recours préalable obligatoire prévu au troisième alinéa de l’article L.425-4 du code de l’urbanisme et au troisième alinéa de l’article L.752-17 du code de commerce n’est pas requis à peine d’irrecevabilité du recours contentieux qui serait alors engagé", précise le ministère.