Logistique : une stratégie nationale pour accélérer le verdissement
Le 3e Comité Interministériel de la Logistique (Cilog) qui s'est tenu ce 12 décembre a donné lieu à la présentation de la stratégie nationale de logistique qui dessine les grandes orientations proposées par l'Etat en la matière. Le verdissement de la filière est identifié comme un enjeu "primordial" alors que le transport de marchandises représente encore de l'ordre de 10% des émissions de CO2 en France.
Roland Lescure, ministère délégué chargé de l’Industrie, Clément Beaune, ministre délégué chargé de Transports et Anne-Marie Idrac, présidente de France Logistique ont tenu ce 12 décembre le 3e Comité Interministériel de la Logistique (Cilog), une structure qui réunit chaque année les décideurs publics et privés du secteur. Ce 3e Cilog a donné lieu à la présentation de la première "stratégie nationale de la logistique" dessinant les grandes orientations proposées par l’Etat en la matière. Une stratégie qui entend selon le gouvernement "faire de la France un leader international de la logistique durable au service des transitions écologique et économique".
Indispensable à toute l'économie et essentiel pour l'approvisionnement, ce secteur de poids, qui représente plus de 200 milliards d'euros de volume d'activités et emploie près de 2 millions de personnes sur tout le territoire, doit aussi relever le défi du "verdissement". Un enjeu "primordial" pour la filière, souligne le gouvernement, alors que le transport de marchandises représente environ 10% des émissions de CO2 françaises et le tiers des émissions totales des transports. Il s'agit notamment selon lui d'"accentuer les partenariats entre acteurs privés et avec les acteurs publics" sur les enjeux de sobriété des organisations logistiques (distances, report modal, massification…) et sur la transition énergétique des actifs (flottes de véhicules, bâtiments).
Une gouvernance déclinée au niveau local
Parmi les 8 objectifs et 23 actions figurant dans cette stratégie, plusieurs dispositions intéressent tout particulièrement les collectivités territoriales. En termes de gouvernance, tout d'abord, le Cilog sera complété par "des déclinaisons locales à deux niveaux". Des conférences régionales de la logistique (CRLog), qui organiseront des travaux en ateliers et pourront se tenir en séance plénière tous les deux ans, ont vocation à structurer "un dialogue public-privé au service de la mise en œuvre des stratégies régionales capitalisées notamment dans les Sraddet [Schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires], les SRDEII [Schémas régionaux de développement économique, d'innovation et d'internationalisation] et la politique de formation professionnelle." A l'échelon intercommunal, un comité technique de liaison de la logistique urbaine (CTLLU) des collectivités sera structuré autour du Groupement des autorités responsables de transport (Gart) et un comité technique de liaison de la logistique urbaine des professionnels le sera autour de France Logistique.
Pour mieux comprendre les tendances à l'œuvre et faciliter l'élaboration et le suivi des politiques publiques, un réseau d'observation va aussi être développé à l'échelle nationale et au niveau régional et métropolitain pour la logistique urbaine durable.
Il est par ailleurs prévu d'affirmer les ports maritimes comme "hubs de décarbonation et de réindustrialisation", notamment les trois points d'entrée qui concentrent 80% des trafics (Dunkerque, Haropa et Marseille) en développant pour cela une "offre logistique massifiée" et en améliorant les services numériques du passage portuaire. "En cohérence avec la stratégie nationale portuaire, les projets stratégiques des ports prévoient ainsi le développement des services ferroviaires et fluviaux pour accroître de 30% la part de ces modes à horizon 2030, indique le gouvernement. Ceci permettra de massifier et de décarboner les flux de conteneurs qui passent par nos ports."
Foncier logistique
La stratégie nationale logistique entend aussi utiliser le foncier pour "favoriser des chaînes logistiques plus écologiques". Il s'agit pour cela d'identifier des sites dans les territoires qui soient compatibles avec l'implantation d'activités logistiques. "La planification doit pouvoir se traduire par une connaissance partagée entre acteurs publics et privés d'un ensemble de sites ou territoires spécifiquement dédiés au foncier logistique résultant des dynamiques de développement territorial, des corridors logistiques et industriels, dans la continuité de la cartographie Territoires de logistique présentée au Cilog 2021, indique la nouvelle stratégie, qui veut accorder "une attention particulière" à la question des ports maritimes. Ceux-ci doivent en effet "composer avec la raréfaction rapide du foncier portuaire disponible pour y implanter les industries de demain, en particulier celles liées à la transition énergétique, souligne-t-elle. Sans disponibilité foncière suffisante, les ports ne pourront jouer à plein leur rôle de hub et d'accélérateur de la décarbonation de l'économie." "Le résultat de ces travaux, principalement alimentés par les conférences régionales de la logistique, sera l'identification de ces sites par la confrontation de l'offre et de la demande de foncier au niveau local, indique-t-elle. Pour accompagner ces travaux, un appel à proposition d'études pour identifier et sécuriser du foncier logistique utile à la décarbonation de la chaîne logistique sera lancé en 2023."
Autre action mise en avant sur le volet foncier de la stratégie : "fiabiliser les délais d'instruction" des dossiers relatifs aux projets d'entrepôts, avec des délais moyens d'instruction – pièces complémentaires comprises – de 5 mois pour l'enregistrement pour les dossiers sans aménagements et de 10 mois pour l'autorisation. "De manière générale, les acteurs publics veilleront à l'articulation des contraintes issues du cadre urbanistique (permis de construire, sobriété foncière, etc.) et du cadre environnemental (ICPE, étude d'impact, protection des zones humides, etc.), détaille le document. Ces enjeux doivent être pris en considération en même temps et en amont des projets, et non successivement de façon à trouver le meilleur équilibre entre les différents objectifs pour favoriser des implantations écologiques."
Augmenter l'utilisation des modes les plus écologiques
La stratégie a aussi pour ambition d'augmenter l'utilisation des modes les plus écologiques et d'articuler les différents modes de transport. Elle veut ainsi porter la part modale du fret ferroviaire à 18% en 2030, augmenter de 50% celle du fret fluvial (mesurée en tonnes-kilomètres) et de développer la cyclologistique dans les zones à faibles émissions (ZFE), avec l'objectif d'atteindre 5% de l'ensemble des trajets urbains avec transports de charge en vélo-cargo en 2027.
La stratégie prévoit également d'accélérer la décarbonation du mode routier du transport de marchandises en augmentant la part des véhicules fonctionnant avec des énergies autres que le diesel fossile – l'objectif est d'atteindre plus de 10% des immatriculations neuves de poids lourds en 2025 dans cette catégorie. Enfin, pour "soutenir des solutions locales pour une logistique du dernier kilomètre plus durable", la stratégie veut accélérer le déploiement des chartes d'engagement volontaires des agglomérations dans ce domaine. Un nouvel appel à programme du dispositif des certificats d'économies d'énergie intégrant un axe dédié à la logistique durable a été mis en place par le ministère de la Transition écologique en cette fin d'année pour soutenir de nouvelles initiatives et poursuivre la dynamique impulsée par le programme InTerLUD. Une dernière action en faveur de la logistique du dernier kilomètre va consister à déployer la numérisation des arrêtés de circulation et aires de livraison. Un cadre national de recueil des arrêtés de circulation et des aires de livraisons devant être pris en compte par les logiciels d'itinéraires poids lourds au 1er mars 2023.