Logement : Oxfam pointe des "inégalités à tous les étages"
Un rapport d’Oxfam France sur les conséquences de la crise du logement dans le creusement des inégalités publié ce 4 décembre alerte sur l’émergence de la financiarisation dans le secteur du logement, une fiscalité inadaptée et une absence problématique de régulation des acteurs privés. Autant de freins, selon l’ONG, dans l’accès à un logement abordable pour tous.
La société méritocratique tendrait depuis quelques années à s’effacer au profit d’une société faite de rente et d’héritage. Ce constat, fait par de nombreux économistes, pourrait tenir en une donnée chiffrée : aujourd’hui, le patrimoine hérité représenterait 60% du patrimoine des Français contre 35% au début des années 1970, d’après les chiffres du Conseil d’analyse économique. Une réalité que favorise la crise actuelle du logement, qualifiée de véritable "bombe sociale à retardement" par nombre d’observateurs. Alors que la réponse apportée à l’issue du Conseil national de la refondation consacré au logement s’est avérée insatisfaisante pour une majorité d’acteurs, selon Oxfam France, "son traitement technique et minimaliste marque l’absence de prise en compte du problème essentiel des inégalités dans la question du logement". C’est dans ce contexte que l’ONG s’est attachée à réaliser un rapport mettant en lumière l’explosion des inégalités dans le secteur.
Une course à la rentabilité
En premier lieu, l’étude pointe un "désengagement progressif de la puissance publique ces dernières décennies, laissant une plus grande place à des acteurs financiarisés et à une quête de rentabilité à tout prix". Ainsi, alors même que de nombreux spécialistes alertent sur la nécessité absolue de fournir une offre abordable pour les plus précaires (notamment les étudiants, dont seuls 7% peuvent se loger dans un Crous ou un logement social, et les personnes âgées, qui représentent 27% de la population pauvre de France), Oxfam France déplore la multiplication des programmes à l’approche financiarisée comme les résidences privées étudiantes et séniors. Un phénomène qu’encouragent des niches fiscales toujours plus nombreuses : "Trois niches fiscales ont coûté près de 11 milliards aux finances publiques en 12 ans alors que cela aurait pu financer la construction de plus de 70.000 logements sociaux", pointe le rapport.
Tandis qu’explose la demande de logements sociaux et que se loger relève pour beaucoup du parcours du combattant, la fiscalité s’avère avantageuse pour les multipropriétaires. "3,5% des ménages détiennent plus de 5 logements, soit 50% des logements mis en location par des particuliers en France", indique l’étude. Par ailleurs, entre 2013 et 2018, le taux de croissance annuel moyen du nombre de résidences secondaires a largement dépassé celui des résidences principales (1,7% contre 0,9%). La régulation d’acteurs privés type Airbnb apparaîtrait en outre comme un enjeu majeur, la location courte durée ayant un impact direct sur le prix et le nombre de logements disponibles en longue durée, quand elle ne participe pas à une pénurie dans certains territoires.
Les ménages français toujours plus endettés
Le troisième constat relevé par le rapport réside dans l’importance croissante de l’endettement des ménages. Celui-ci atteindrait en effet 22 ans en moyenne pour l’acquisition de leur résidence principale, contre 15,5 ans en 2000. Si une majorité de Français sont propriétaires de leur logement (plus de 57%), cette proportion décroît à mesure que les prix s’envolent : +160% depuis les années 2000. Or, les revenus ne suivent pas : à peine +29%. Une déconnexion qui exclut de fait les ménages les moins aisés.
En matière de rénovation, les Français ne sont pas davantage logés à la même enseigne : si les plus aisés parviennent à assurer les travaux énergétiques de leur patrimoine, les ménages modestes, eux, subissent de plein fouet la précarité énergétique et demeurent dans des logements mal isolés. Les jeunes entre 18 et 34 ans et les propriétaires occupants seraient entre 30% et 35% à subir cette précarité, contre 60% des locataires, affirme Oxfam, selon qui "le logement nécessite une réelle planification qui ira de pair avec la planification écologique".
Face à autant de problématiques, l’ONG propose une série de recommandations à destination des décideurs politiques en vue de réduire les inégalités de logement. En tête : constitutionnaliser le droit au logement, renforcer le service public du logement, restreindre les acteurs financiarisés dans le marché (voire les en exclure) ou encore interdire la mise en location pour une courte durée des résidences secondaires afin de limiter cette possibilité aux seules résidences principales.