Logement social : vers un arbitrage entre réhabilitation et construction
Dans le cadre d'une projection à 40 ans de la situation financière du secteur du logement social, la Banque des Territoires estime que, compte tenu du contexte économique d'inflation, maintenir les ambitions de rénovation énergétique du parc jusqu'en 2030 supposerait "un renoncement en termes de construction".
"Le secteur n’est plus en capacité financière de soutenir le plan d’investissement présenté en 2022, qui prévoyait 100.000 constructions de nouveaux logements par an sur le long terme." Bien que sensible aux hypothèses économiques retenues, le constat établi dans le dixième numéro de "Perspectives", publié par la Banque des Territoires le 21 septembre, semble sans appel. Ce document présente le patrimoine des bailleurs sociaux en 2021, analyse leurs comptes consolidés entre 2016 et 2021 et propose une projection à 40 ans de la situation financière du secteur du logement social.
Fin 2021, le parc social comprenait 5,6 millions de logements, gérés essentiellement par des offices publics de l'habitat (OPH) et des entreprises sociales pour l'habitat (ESH). La construction de logements sociaux, dont la Banque des Territoires est le financeur de référence, s'opère de plus en plus par l’intermédiaire de la vente en l'état futur d'achèvement (VEFA), rendant le secteur du logement social "plus sensible à l’évolution du marché de l’immobilier privé", en crise depuis fin 2022, indique l'institution, .
Si l’autofinancement locatif des bailleurs sociaux baisse légèrement en 2021, l’autofinancement global reste dans sa trajectoire haussière, se portant à 19,3% des loyers en 2021 grâce au dynamisme de l’activité de vente HLM. Malgré un encours de dette qui repart à la hausse après deux ans de baisse, la situation financière des bailleurs demeure donc "nettement favorable" en 2021. Une situation financière qui va être confrontée aux "défis majeurs à court et moyen terme" du secteur, est-il indiqué dans "Perspectives".
En effet, la Banque des Territoires considère que "le contexte inflationniste initié en 2022 et le programme patrimonial induit par la loi Climat et Résilience vont impacter considérablement les équilibres financiers du secteur dans les années à venir." Pour répondre aux enjeux de la Stratégie nationale bas carbone (SNBC), les bailleurs doivent en effet tenir un rythme atteignant un pic de 125.000 réhabilitations par an en 2026 et 2027, avant de le réduire autour de 80.000.
Hausse des coûts et des taux
"Si on veut prioriser la rénovation du parc, mécaniquement, il faudra réduire la construction de logements", a expliqué à l'AFP Kosta Kastrinidis, directeur des prêts de la Banque des Territoires. Depuis 2022, le choc inflationniste a conduit à une forte augmentation des coûts de construction et de rénovation qui impacte les organismes. Or, la hausse des taux d’intérêt, dont celui du livret A, "augmente notamment la charge de la dette des bailleurs et dégrade leurs résultats comptables à court terme". Un effet de ciseau qui conduit à des recettes qui ne progressent pas aussi vite que les dépenses.
Selon les projections de l'institution financière, le secteur pourrait de ce fait être en mesure de mettre en chantier entre 70.000 et 80.000 nouveaux logements chaque année entre 2022 et 2028, soit bien moins que l'objectif de 100.000 nécessaires pour répondre aux besoins. Cet ajustement de l’investissement en construction neuve à la baisse permettrait de "maintenir leurs équilibres financiers à un niveau soutenable", note la Banque des Territoires. Une analyse globale qui ne reflète toutefois pas l’hétérogénéité des situations financières des différents bailleurs qui pourraient adopter des stratégies différentes.
A plus long terme, le retour à la situation antérieure de taux d’intérêt exceptionnellement bas après le choc inflationniste n'est pas envisagé. "À plans de financement constants, cela impacterait les équilibres des opérations nouvelles, dégradant le potentiel financier au fil du temps", remarque l'institution. Les trajectoires d’objectifs d’investissements précédemment élaborées seraient "difficilement atteignables à moyen et long terme, à politiques publiques constantes", ajoute-t-elle. La situation financière du secteur ne pourrait donc être maintenue qu'"au prix d’un repli de la production de logements à long terme et d’une baisse des volumes de réhabilitations après 2030".