Solidarités - L'Odas détaille ses propositions pour une "nouvelle citoyenneté"
"La fraternité, c'est l'affaire du local !" Dans un manifeste présenté le 1er mars, l'Observatoire national de l'action sociale décentralisée appelle à placer le thème de la cohésion sociale au centre des débats et à créer un cadre propice à la revitalisation des liens et des repères. Pour l'Odas, les collectivités, et en premier lieu les communes, devraient pouvoir se concentrer bien davantage sur cet enjeu.
L'Observatoire national de l'action sociale (Odas) estime que le thème de la cohésion sociale n'est pas suffisamment mis en avant dans la campagne présidentielle. Un mois après ses Rencontres ayant réuni quelque 600 personnes à Angers, en lien avec des associations d'élus (1) et des fédérations associatives (voir aussi notre interview de Christophe Béchu, maire d'Angers et président de l'Odas), l'Odas a rendu public le 1er mars 2017 son "manifeste pour une nouvelle citoyenneté". Dans un document qu'elle transmettra aux candidats à l'élection présidentielle, l'association appelle chacun, quelle que soit sa position - élu, professionnel, bénévole, habitant -, à s'engager pleinement dans "la restauration des liens sociaux et des repères". Et formule plusieurs "propositions de rénovation de la solidarité, de la citoyenneté et de la gouvernance susceptibles de rendre la société moins vulnérable".
Des permanences de travailleurs sociaux à l'école
Fil rouge de ce manifeste : une invitation à "réhabiliter le concept de fraternité", a précisé Jean-Louis Sanchez, Délégué général de l'Odas, lors d'une conférence de presse. Pour l'Observatoire, c'est d'abord à l'école que tout se joue, à condition qu'elle soit plus intégrée "dans son environnement institutionnel et humain". Les maires pourraient ainsi "favoriser la multiplication dans les écoles de réseaux de soutien à la parentalité, de clubs intergénérationnels, d’activités festives comme les repas de quartier par exemple". Quant aux départements, "dans le cadre de [leurs] missions de prévention du risque d’exclusion et de protection des enfants", ils pourraient dédier une partie du temps de travail de leurs travailleurs sociaux à des permanences dans les écoles et les collèges.
En outre, avec l'appui de bénévoles, "une multitude d'expériences prometteuses pourraient être généralisées", selon Jean-Louis Sanchez qui cite les démarches intergénérationnelles "L'outil en main" et "Lire et faire lire".
Développer le parrainage et le tutorat, généraliser la "journée citoyenne"
La nécessité de "renforcer la collaboration des âges" est d'ailleurs une autre orientation mise en avant. Pour l'Odas, la société gagnerait à davantage s'appuyer sur les aînés, en particulier vis-à-vis des enfants et jeunes les plus fragiles. Il s'agirait par exemple de développer les systèmes de parrainage dans le cadre de la protection de l'enfance ou le tutorat - du type de celui que propose l'association Solidarités nouvelles face au chômage - entre des adultes expérimentés et des jeunes en difficulté d'insertion. L'"objectif symbolique", c'est "de faire de chaque aîné un acteur éducatif" ; avec l'idée qu'une telle mobilisation "[redonnerait] du souffle à notre modèle d'intégration".
L'association appelle aussi à "généraliser 'la journée citoyenne'" pour "lutter contre l'indifférence". Avec l'appui de l'Odas, 800 communes auraient désormais rejoint cette démarche, née à Berrwiller (Haut-Rhin), qui consiste à mobiliser une journée par an les habitants d'une commune autour de chantiers d'amélioration du cadre de vie (voir notre article du 14 janvier 2016 "Une journée citoyenne pour changer la vie de la commune"). A Angers, première ville de plus de 100.000 habitants à avoir mis en place une journée citoyenne, "on ouvre les ateliers en fonction des désirs des associations partenaires", explique Christophe Béchu.
Et pour l'engagement tout au long de l'année, l'Odas invite les collectivités à se mobiliser fortement dans la promotion du bénévolat, voire à avoir un rôle d'organisation pour faciliter la rencontre entre l'offre et la demande.
Une "politique des villes" plutôt qu'une politique étatique de la ville
Autre proposition : "réorienter 'la politique de la ville', qui est en réalité une politique de l’Etat pour les villes, vers une 'politique des villes'". Si l'Observatoire reconnaît les avancées de la rénovation urbaine, il estime que "aucune autorité n’est plus légitime que le maire pour soutenir, promouvoir et coordonner les initiatives aptes à atténuer cette ségrégation territoriale qui gangrène le pacte républicain". L'Odas appelle donc à une "clarification des responsabilités" - en particulier lorsque les quartiers prioritaires se situent dans la seule commune-centre de l'agglomération, le pilotage intercommunal n'étant alors pas adapté - et à une simplification de l'attribution des moyens dédiés à la cohésion sociale.
Aujourd'hui, c'est une "usine à gaz pour aller chercher des crédits", estime Christophe Béchu, sénateur-maire d'Angers et président de l'Odas. "Il faut des mois entre le moment où vous demandez de l'argent et le moment où vous l'avez", poursuit-il, "à un moment donné est-ce qu'on ne peut pas hausser le niveau de confiance ?" En supprimant les autorisations préalables, pour le maire d'Angers, on reviendrait à l'esprit des premières lois de décentralisation, lorsqu'il a été décidé de substituer au contrôle a priori un contrôle a posteriori de l'action des collectivités.
Un "défenseur" de l'expérimentation qui lutterait contre la bureaucratie
L'une des propositions de l'Odas cible tout particulièrement cette question de la confiance entre l'Etat et les collectivités locales. Pour établir cette confiance, il s'agit de "reconnaître que le rôle des acteurs décentralisés est aussi décisif que celui de l’Etat dans la performance du pacte républicain". Pour Jean-Louis Sanchez, la répartition des rôles est claire : "la liberté et l'égalité, c'est l'affaire du national et la fraternité, c'est l'affaire du local !" Et l'Odas identifie trois conditions pour que les acteurs locaux puissent remplir leur mission : stabiliser l'environnement réglementaire, "cesser de faire financer la solidarité nationale par les ressources des collectivités locales" et limiter le poids des normes. Afin d'expérimenter et d'innover plus facilement, l'Observatoire suggère même qu'une "institution comparable à celle du Défenseur des droits" soit "chargée de recenser les obstacles bureaucratiques pour mieux les neutraliser".
La confiance doit se pratiquer à tous les niveaux, rappelle le maire d'Angers. "La logique des dépenses publiques, c'est la logique de l'abonnement", considère-t-il, "on connaît bien telle association, on demande trois ans d'existence avant de donner une subvention", etc. "Si on ne fait pas confiance à de nouveaux acteurs, on ne résoudra pas les problèmes."
(1) L'Association des maires de France, l'Assemblée des départements de France, l'Association des maires ruraux de France, France urbaine, Villes de France, Ville & Banlieue.