L’Institut des hautes études des mondes ruraux sur les fonts baptismaux
L’ancienne ministre des Collectivités territoriales et de la Ruralité Dominique Faure a officiellement lancé, mardi 8 avril, l’Institut des hautes études des mondes ruraux (IHEMRU) qu'elle préside, en présence de Françoise Gatel. La première promotion d'une trentaine d'auditeurs prendra ses quartiers à la rentrée. L'enjeu : "acculturer" les décideurs aux ruralités.

© Dominique Faure/ Olivier Sichel, Françoise Gatel et Dominique Faure
Après un faux départ l’an dernier, l’Institut des hautes études des mondes ruraux (IHEMRU) a été officiellement lancé mardi 8 avril dans les locaux de la Banque des Territoires. Créé à l’initiative du Parlement rural, et plus particulièrement des sénateurs de la Nièvre et du Cantal Patrice Joly et Bernard Delcros, successivement présidents de ce même parlement, l’IHEMRU se veut le pendant de l’Institut des hautes études des métropoles instauré en 2017. Il est présidé par l’ancienne ministre des Collectivités territoriales et de la Ruralité Dominique Faure, Patrice Joly assurant la présidence du conseil scientifique. "L’institut poursuit trois objectifs, explique Dominique Faure à Localtis. Transmettre l’état des sciences et des connaissances des territoires ruraux, que ce soit à des cadres dirigeants d’entreprises parapubliques ou privées, des hauts fonctionnaires, des fonctionnaires territoriaux ou des responsables politiques ; faire progresser cette recherche à travers des colloques, et permettre aux auditeurs de quitter la théorie en allant sur le terrain." Celle qui a été secrétaire d’État puis ministre de 2022 à 2024 reconnaît qu’il lui a fallu "apprendre en accéléré la complexité de la ruralité". L’institut permettra à cet égard "d’acculturer nos gouvernants aux ruralités", escompte-t-elle. Une trentaine d’auditeurs sont attendus pour cette première promotion dont les candidatures sont encore ouvertes. Ils suivront neuf modules de deux jours chacun entre octobre 2025 et juin 2026, sur les grands thèmes de la ruralité : défis démographiques, qualité de vie, accessibilité et services, aménagement et habitabilités rurales, représentation des ruralités, mutations économiques des territoires ruraux… Un déplacement à Bruxelles et dans un pays d’Europe sont prévus, ainsi qu’à Figeac. Titulaire de la qualification Qualipoli, l'IHEMRU permet de bénéficier d'une prise en charge par les opérateurs de compétences (Opco), sachant que les droits d'inscriptions varient en fonction du statut de l'auditeur (entre 6.000 et 12.000 euros).
"Aller au bout de cette déconstruction"
"Il faut croiser les regards, toutes les initiatives comme celle-ci sont extrêmement positives", a salué la ministre déléguée chargée de la ruralité, Françoise Gatel, venue soutenir ce lancement. "On a beaucoup métropolisé, on pensait que, dans un contexte de compétitivité internationale, les métropoles allaient nous aider à jouer à armes égales. Mais le monde a changé, nous sommes dans le monde du développement durable. La ville sera étouffée si elle n’a pas cet apport de la ruralité." "La ruralité n’est pas un grenier, ni un silo, ce n’est pas une ruralité récréative, c’est un territoire qui a des ressources et des richesses, un territoire complémentaire de la ville", a-t-elle ajouté, rappelant que 30% de l'industrie se situe dans la ruralité.
Cette journée inaugurale qui avait pour grand témoin l’académicien Erik Orsenna a vu se succéder linguistes, écrivains, chercheurs, journalistes autour du thème "les mots qui façonnent l’identité rurale". Pour Patrice Joly, "dans un rapport de domination culturelle et sociale, la métropolisation a imposé sa représentation : le rural renvoie au rustique et au rustre, quand l’urbain renvoie à l’urbanité, au civilisé. Le métropolitain, c’est l’habitant de la cité métropolitaine par rapport aux colonies. Tout est dit. Et le sommet, c’est le Parisien, la dignité suprême". "Il faut aller au bout de cette déconstruction, c’est fondamental si on veut aller au bout de la cohésion des territoires", a-t-il martelé. En tout cas, depuis la crise des gilets jaunes et le Covid, l'intérêt pour la ruralité semble avoir changé. Dans les rédactions, "c'est devenu le sujet tendance par excellence", témoigne Agathe Beaudouin, journaliste au Monde, lauréate du prix spécial "presse quotidienne nationale" du Prix médias et ruralités décerné par le Parlement rural.