Françoise Gatel veut "conforter" le plan France ruralités

Dans un contexte budgétaire contraint, la ministre déléguée chargée de la ruralité Françoise Gatel entend "conforter" le plan France ruralités qui arrive à mi-parcours en agissant sur trois priorités : la carte scolaire, le logement et "l'assignation à résidence" des jeunes.

Dans la ruralité, on n’a pas d’argent mais on a des "inventeurs de solutions". C’est un peu la version revisitée de "on n’a pas de pétrole mais on a des idées" adressée par la ministre déléguée à la ruralité Françoise Gatel à la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, mardi 8 avril. Délégation qu’elle présidait il y a six mois encore avant d’être nommée dans le gouvernement Barnier puis d’être reconduite dans celui de François Bayrou. Invitée par ses anciens collègues à présenter sa "feuille de route", l’ancienne sénatrice d’Ille-et-Vilaine n’a pas pris de détour pour évoquer la situation financière. "La guérison des maux de notre pays ne dépendra pas que de l'argent qu'on pourrait mettre (…) l’environnement international nous amène naturellement à revoir certaines priorités budgétaires" et à "évaluer chacune de nos politiques", a-t-elle expliqué. Face à des élus échaudés par l’expérience du budget 2025 (avec la cure de 5 milliards d’euros demandée aux collectivités finalement ramenée à 2 milliards), la ministre a indiqué que les grandes manœuvres commençaient dès à présent avec la "conférence sur le financement des collectivités locales" qui, selon elle, doit se tenir le 15 avril. Et que donc, il fallait se tenir prêt. "Ceux qui sont pincés, ce sont les départements (…), les départements sont aussi victimes de la baisse des recettes des droits de mutation, on est dans un cercle difficile", a-t-elle insisté, évoquant la situation particulièrement délicate du département de l’Aisne qui fait l’objet de toute l’attention de l’Etat.

Pour ce qui est du plan France ruralités lancé deux ans plus tôt, Françoise Gatel a bien dit qu’il devait être "conforté". Outre les déplacements qu’elle a effectués dans 30 départements pour s’assurer de sa mise en œuvre, ce plan de 32 mesures qui arrive à mi-parcours est actuellement passé au crible par plusieurs missions d’évaluation, dont une spécifiquement sur les Villages d’avenir. Une mesure "assez remarquable" qui "répond aux besoins d’ingénierie de toutes nos communes", a-t-elle loué, le programme ayant été récemment ouvert à 400 nouvelles communes, selon le principe "un sortant, un entrant" (voir notre article du 10 mars). Sans attendre ces évaluations, Françoise Gatel souhaite des améliorations du plan France ruralités dans plusieurs domaines comme la carte scolaire, le logement et les mobilités.

Assignation à résidence

La ministre veut ainsi revoir le fonctionnement des observatoires des dynamiques rurales, mesure phare du plan France ruralités qui prévoyait d’anticiper sur trois ans les ouvertures et fermetures de classes dans chaque département, grâce à un dialogue entre  le directeur académique des services de l'Éducation nationale (Dasen), le préfet et les maires.  Mais "il y a des départements où cela ne marche pas", a reconnu Françoise Gatel, à la suite des alertes lancées par l’Association des maires de France (AMF) et l’Association des maires ruraux de France (AMRF), au mois de février (voir nos articles du 14 février et du 18 février). "Quand vous êtes dans le rural, c’est quand même important de regarder le temps de transport des enfants, la cohérence avec les servies petite enfance. Vous ne pouvez pas raisonner simplement en termes de résultats de tableur", a-t-elle critiqué, indiquant qu’une convention allait être signée prochainement entre le gouvernement et les deux associations d’élus pour améliorer les choses.

En matière de logement, "34% des passoires thermiques sont dans la ruralité", a souligné Françoise Gatel, précisant travailler avec la ministre du Logement Valérie Létard sur ce sujet. Enfin, elle s’inquiète de "l’assignation à résidence des jeunes" qui "n’ont pas accès à la formation et à l’emploi", faute de moyen de transport. Elle veut travailler à la question du "premier kilomètre", permettant par exemple de rejoindre la gare la plus proche. Et de prendre pour exemple l’initiative du village de Chenevelles (Vienne) où elle s’est rendue courant mars. Cette commune de 440 habitants met deux véhicules sans permis à disposition des jeunes, en contrepartie de quoi ils doivent consacrer une partie de leur temps au service de la collectivité (jardinage, nettoyage…). Une initiative "remarquable" soutenue par l'Etat dans le cadre du plan France mobilités rurales et qui, d'après elle, va "sans doute" être généralisée par l’AMRF. La ministre promet aussi des "annonces d’ici quelques temps", avec sa collègue de l’Enseignement supérieur Elisabeth Borne : créations d’antennes universitaires de premier cycle dans les villes moyennes, campus connectés…

"La ruralité n'est pas un grenier"

Pour le reste, l'action de la ministre s'est surtout traduite ces derniers mois dans son soutien à des propositions de loi telles que celle donnant la possibilité aux communes qui le souhaitent de conserver leur compétence eau et assainissement définitivement adoptée le 1er avril, la proposition de loi "visant à instaurer une trajectoire de réduction de l’artificialisation concertée avec les élus locaux" dite Trace, adoptée par la Haute assemblée en mars ou encore celle sur le statut de l'élu local qu'elle avait portée en tant que sénatrice. Ces deux derniers textes étant actuellement en attente d'un créneau dans une Assemblée "embouteillée". La ministre espère voir le statut de l'élu local inscrit "avant l'été", les municipales de 2026 approchant à grands pas. La proposition de loi pourrait être complétée d'un volet sur les prises illégales d'intérêt issu du rapport Vigouroux (voir notre article du 26 mars).

Sans jamais vraiment dérouler de feuille de route, la ministre s’est livrée à un plaidoyer pour une "ruralité productive". "La ville n'a pas d'avenir si elle ne regarde pas en termes d'égalité, d'apport et de contribution, ce qu'est la ruralité. Et la ruralité, en ce sens, n'est pas un grenier à ressources ou à richesses", a-t-elle martelé, rappelant qu’elle accueille 30% de l’industrie française. A contrario, "il n'y aura pas d'avenir pour la ruralité, si la ruralité ne peut pas bénéficier de ce qu'on appelle une armature urbaine, avec des petites villes, comme les petites villes de demain, parce que c'est là où vous avez un collège, où vous avez des services". Pour la suite, il faudra compter sur les préconisations de la mission que le ministre de l'Aménagement du territoire François Rebsamen vient de confier à Dominique Faure en vue de "relancer la stratégie nationale d'aménagement du territoire pour les quinze prochaines années". Ses recommandations sont attendues "avant la fin de l'année 2025", indique la lettre de mission.

 

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