Municipales : le scrutin de liste paritaire étendu aux communes de moins de 1.000 habitants

L'Assemblée nationale a adopté sans modifications, le 7 avril, la proposition de loi appliquant aux communes de moins de 1.000 habitants le scrutin de liste paritaire déjà en vigueur pour les autres communes. Définitivement adopté, le texte s'appliquera au scrutin de mars 2026. Le gouvernement a dû recourir à une seconde délibération pour décrocher ce résultat.

Les électeurs des communes de moins de 1.000 habitants éliront en mars 2026 leurs conseillers municipaux au scrutin de liste proportionnel, à l'instar des électeurs des autres communes. Ce qui fera notamment progresser la représentation des femmes au sein de leurs assemblées locales, où aujourd'hui celles-ci sont largement minoritaires (37,6 %). Ainsi en a décidé l'Assemblée nationale, en adoptant définitivement, le 7 avril, la proposition de loi déposée en 2021 par la députée (Modem) Élodie Jacquier-Laforge.

Au terme d'un débat houleux, émaillé de multiples suspensions et rappels au règlement, les députés ont adopté le texte par 206 voix contre 181, 25 députés s'abstenant. Les députés Ensemble pour la République et Démocrates ont joint leurs voix à celles de la gauche (La France insoumise, socialistes, écologistes et communistes) pour faire aboutir ce texte, tandis que le Rassemblement national et ses alliés ciotistes, la Droite républicaine, ainsi qu'une majorité du groupe Liot s'y sont opposés, le groupe Horizons choisissant l'abstention (voir le résultat du vote).

Le texte voté étant identique à celui qui était sorti du Sénat le mois dernier, la réforme a achevé son parcours parlementaire. Le gouvernement compte à présent saisir le Conseil constitutionnel, "comme il en est de coutume pour tout texte de droit électoral, afin d’apporter une sécurité juridique à nos élus", a indiqué la ministre chargée de la ruralité, Françoise Gatel. La loi sera ensuite publiée. 

"Calendes françaises"

Le sort de la réforme aurait pu être tout différent. Car vers 18h30 ce 7 avril, les députés ont adopté plusieurs amendements identiques prévoyant de reporter la mise en œuvre de la loi aux élections municipales de 2032, ou 2033. Leur adoption à une voix près (142 pour, 141 contre et une abstention) avait aussi pour conséquence de prolonger sans doute de plusieurs mois l'examen parlementaire de la proposition de loi, celle-ci devant alors retourner au Sénat. 

Les groupes à l'origine de ces amendements (Droite républicaine, Horizons et Gauche démocrate et républicaine) tombaient d'accord sur le fait que les règles électorales ne doivent pas être modifiées dans l'année précédant le scrutin. "La réflexion sur la constitution des futures équipes municipales a déjà débuté", a fait remarquer Vincent Descoeurs (Droite républicaine), tandis que son collègue Jean-Pierre Vigier a souligné qu'"il faut du temps pour convaincre des habitants de sengager et surtout pour constituer une équipe". "Nous sommes onze mois avant les élections municipales. C’est un délai raisonnable. (…) Les listes sont constituées à l’automne, nous sommes donc dans les temps", a objecté la rapporteure, Delphine Lingemann (Les Démocrates). "Vous inventez les calendes françaises", a protesté pour sa part la ministre de la Ruralité. En avançant aussi que, déjà en 2014, le mode de scrutin avait été changé seulement un an avant les élections municipales, pour les communes de 1.000 à 3.500 habitants, et qu'"aucun bouleversement catastrophique" n'avait été observé. 

La ministre a alors présenté un amendement de seconde délibération, qui a été adopté par une majorité de députés. Entre autres partisans de la mesure, les communistes, qui avaient voté initialement en faveur du report de la réforme de six ou sept ans. "Nous sommes farouchement opposés à toute modification d’un mode de scrutin à moins d’un an d’une élection", a expliqué Stéphane Peu, président du groupe Gauche démocrate et républicaine. Tout en considérant à ce moment-là qu'une exception devait être faite au sujet de la proposition de loi, puisqu'elle avait été déposée en 2021 et qu'elle était ensuite "restée bloquée".

"Tir aux pigeons"

Au-delà des questions de calendrier, les adversaires de la proposition de loi, tout en se déclarant favorable à la parité, se sont élevés contre les "quotas" qui rendront plus difficile la constitution des listes de candidats et ne répondraient pas aux véritables attentes exprimées par les maires ruraux. "La parité ne doit pas s’arrêter aux portes des grandes villes", a rétorqué la rapporteure. "Elle n'est pas une contrainte", mais "un progrès démocratique", a-t-elle ajouté. "Chaque fois que nous avons avancé vers l’égalité, des femmes ont pu s’engager et être élues", a pour sa part estimé la socialiste Colette Capdevielle.

Les députés ont également eu de vifs échanges sur la fin du panachage, système qui permet aux électeurs des communes de moins de 1.000 habitants de rayer le nom d’un candidat. Ses défenseurs ont soutenu "un mode de scrutin simple et souple, qui colle à la réalité locale" et présenté sa suppression comme du "mépris à l’encontre des électeurs, ainsi que des maires".  Mais cette pratique surnommée "tir aux pigeons", favorise une démarche "punitive" envers des sortants, selon ses opposants. Conséquence de la mise en place du scrutin de liste, sa disparition doit "permettre la constitution d'équipes municipales cohérentes et moins fragiles", selon Françoise Gatel. Cela "participera du bouclier de protection d'un élu" et permettra de faire en sorte que les élections municipales dans les petites communes portent comme ailleurs sur "un projet, une équipe", a-t-elle de même déclaré ce 8 avril lors de la présentation d'une enquête menée auprès des maires (sur laquelle Localtis reviendra dans sa prochaine édition).

Il y a un mois, la réforme avait déjà suscité beaucoup de débats au Sénat, avec des divisions importantes au sein même de chacun des deux groupes de l'alliance majoritaire, Les Républicains et l'Union centriste (voir notre article).

Pas de "fléchage" vers l'intercommunalité

Le texte finalement voté intègre des aménagements censés tenir compte des spécificités des communes de moins de 1.000 habitants. Ainsi, dans celles-ci, les listes seront "réputées complètes" même si elles comptent deux candidats de moins que le total légal. En outre, leurs conseillers municipaux continueront à être désignés au sein du conseil communautaire en suivant "l'ordre du tableau" (maire, adjoints, conseillers municipaux), alors que les communes de plus de 1.000 habitants appliquent le "fléchage", c'est-à-dire la présentation sur un même bulletin de vote de la liste des candidats au conseil municipal et, parmi eux, des candidats au conseil communautaire.

"Plus rien ne justifi[e] que les habitants des communes de moins de 1.000 habitants soient privés de l’élection directe de leurs représentants intercommunaux", a déploré l'association d'élus Intercommunalités de France, en se félicitant cependant de l'adoption de la proposition de loi. Et en appelant l’État à mener une "campagne d'information nationale" pour "renseigner tous les électeurs sur le fonctionnement des scrutins municipaux et intercommunaux" et ainsi "assure[r] la réussite de la réforme".

 

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