Mobilité - L'innovation à la conquête des territoires
La billettique et l’information voyageur sur mobile séduisent de plus en plus de territoires. Conforter ces innovations, faire émerger de nouveaux modèles, telle est l’ambition de French Mobility. Un programme qui entend aussi faire évoluer la réglementation.
A Verdun, il est désormais possible de payer ses tickets de bus par SMS. Un système qui n’exige aucun changement dans l’infrastructure billettique de l’agglomération, ni renseignement de sa carte bancaire, le paiement passant par la facture de l’opérateur mobile. A Arcachon, ce sont des QRcode apposés sur les bus qui permettent aux voyageurs occasionnels de régler leur titre de transport. A Tulle, les habitants sont informés du passage du bus grâce à une application mobile. Le suivi des véhicules repose sur un smartphone installé dans le bus, qui calcule les temps de parcours en croisant en temps réel les coordonnées GPS du bus et les horaires théoriques. A La Roche-sur-Yon, l’agglomération propose un calculateur d’itinéraire multimodal pour comparer les différents modes de transports, y compris la marche et le vélo. Autant de nouveaux services qui montrent que la "smart mobilité" n’est pas réservée aux grandes métropoles mais commence à investir des territoires peu denses et concerner des autorités organisatrices ne gérant que quelques lignes de transport. Ces services, dont certains étaient présentés lors du Salon européen de la mobilité la semaine dernière, sont conçus par des start-up dont le nom est Atsuké (Verdun), MyBus (Arcachon), Pysae (Tulle) ou encore Instant system (La Roche-sur-Yon).
Complexité de la commande publique
Rapides à mettre en œuvre, peu gourmands en investissement et en fonctionnement, ces services ont beaucoup d’atouts pour séduire les collectivités territoriales. Force est cependant de constater qu’ils n’impactent les services de transports qu’à la marge : billettique pour les occasionnels, information voyageur, algorithme de traitement des données… L’alliance avec les grands opérateurs de transport - Keolis, Transdev et RATP Dev… - reste quasi incontournable pour pouvoir intégrer leur offre à une délégation de service public… sous réserve que l’appel d’offres intègre la possibilité d’offrir des services innovants. Quant aux partenariats d’innovation, leur complexité est telle que peu de start-up sont prêtes à s’engager dans un processus long, complexe et peu adapté à leur modèle d’affaire. La piste la plus exploitée aujourd’hui est de proposer des offres en dessous du seuil de 25.000 euros. "Le problème est que beaucoup des solutions proposées n’ont pas d’équivalent sur le marché. Les collectivités, dont les services juridiques ont souvent chacune leur interprétation des textes, hésitent énormément avant de choisir un candidat unique", explique Enis Mansour, responsable de la stratégie chez Klaxit, dont la start-up participe au groupe de réflexion sur la commande publique lancé par les gouvernent.
Accélérer "le passage à l’échelle"
Accélérer l’innovation et faire émerger des acteurs des services de mobilité intégrant l’ensemble des moyens de déplacement exige en effet de faire bouger les lignes, les pratiques comme la réglementation. C’est la mission de French Mobility, lancée le 13 juin dernier par la ministre des Transports, Elisabeth Borne. Dans la lignée des Assises de la mobilité, elle a annoncé la mise en place de "cadres expérimentaux adaptés" et le "développement d’un écosystème efficace et collaboratif" avec pour ambition de "rendre utiles les innovations pour les Français dans tous les territoires". Et concrètement, la ministre a d’ores et déjà annoncé vouloir relever à 100.000 euros le seuil d’obligation de mise en concurrence "pour acquérir des services innovants auprès des PME et start-up". French Mobility a aussi vocation à devenir guichet unique pour tous les innovateurs et à favoriser "le passage à l’échelle" via une plateforme d’échange d’expériences. En matière de financement, un appel à manifestation d’intérêt French Mobility (dont la dotation n’a pas été révélée) sera prochainement lancé venant compléter les financements "centre bourgs" et l’appel à projet Territoires d’innovation de grande ambition.
Ouvrir les DSP existantes aux start-up
Ces annonces constituent un premier pas intéressant mais les attentes des (petits) acteurs se focalisent sur la loi d’orientation des mobilités (LOM) pour donner un coup de pouce réglementaire aux mobilités alternatives. Le souhait des start-up est ainsi que le versement transport puisse être affecté au financement du covoiturage (une expérimentation en ce sens a eu lieu à Orléans) et que les aides mobilité versées par les entreprises aux salariés bénéficient aux mobilités douces. Autre proposition "disruptive" des groupes de travail French Mobility : ouvrir les contrats actuels aux services connexes à l’objet du contrat sans attendre leur renouvellement, pour une durée de trois ans (de 2019 à 2021) et jusqu’à 30% du montant du contrat. "Une proposition qui vise à favoriser le passage à l’échelle des services innovants et à éviter que les start-up aient à attendre le renouvellement des DSP – trois ans, c’est une éternité à l’échelle d’une start-up !- pour pouvoir proposer leurs services", explique Marie-Xavière Wauquiez, responsable du Rolling Lab de Paris and co qui a participé au groupe de travail sur le passage à l’échelle.
Il faudra maintenant attendre la discussion de la LOM pour savoir si ces propositions ont été entendues.