Couverture numérique : l'accélération annoncée se fait attendre
Si les avancées commencent à se concrétiser sur la couverture mobile, les nuages s’accumulent sur la fibre. Aux difficultés opérationnelles de déploiement s’ajoutent les retards pris dans le conventionnement dans les zones denses.
Le secrétaire d’Etat auprès du ministre de la Cohésion des territoires, Julien Denormandie, a réaffirmé devant les collectivités réunies par l’Avicca le 29 mai à Paris l’objectif du très haut débit pour tous en 2025 et du "bon débit" dès 2020. Des échéances peu en phase avec les réalités du terrain.
Une mission "mobile" sein de l’Agence du numérique
En matière de couverture mobile, le président de l’Avicca, Patrick Chaize, a salué la méthode mais demandé davantage de transparence sur l’accord signé avec les opérateurs le 14 janvier dernier. "Je ne peux que dire bravo au gouvernement d’avoir saisi l’opportunité du renouvellement des licences de téléphonie mobile pour en faire un levier d’aménagement du territoire" s’est-il félicité. Pour mémoire, l’accord prévoit une prolongation des licences des opérateurs en échange du financement de 5.000 nouveaux sites par opérateur et du passage de 10.000 communes à la 4G d’ici fin 2020. L’élu a cependant regretté que les détails de l’accord n’aient pas été rendus publics. "La liste des communes sera publiée avant la fin juin et concernera les communes en zone blanche" a assuré le secrétaire d’Etat. Les dossiers seront traités par France mobile, nouveau service créé au sein de l’Agence du numérique et dirigé par un ancien de l’Arcep, Zacharia Alahyane. L’ambition du gouvernement est d’ouvrir "600 à 800 sites mobiles 4G" par an, une carte publiée en ligne permettant de suivre la progression du chantier. Pour tenir le rythme, le gouvernement compte sur la loi Elan qui prévoit de réduire les délais et de limiter les obstacles administratifs pour ouvrir de nouveaux sites. Les dossiers d’implantation d’antennes pourront ainsi se passer d’un avis "conforme" de l’architecte des bâtiments de France.
Le risque du transitoire qui dure
Les inquiétudes de l’Avicca se concentrent désormais sur le respect des échéances pour la couverture de l’intégralité du territoire en fibre optique qui bute toujours sur de nombreuses difficultés opérationnelles : manque de main-d’œuvre qualifiée, difficulté des opérateurs à se fournir en fibre optique, réticences des grands opérateurs à "monter" sur les réseaux d’initiative publique… avec à la clé des retards qui s’accumulent. "Il ne faudrait pas cependant que l’on croie possible une substitution des technologies hertziennes à la fibre optique" a mis en garde Patrick Chaize. L’Avicca invite du reste ses membres à refuser de financer la mise en œuvre de technologies alternatives et à se concentrer sur la seule technologie pérenne : la fibre optique. Et si le scénario de l’abandon du 100% fibre venait à se produire, le sénateur a suggéré au gouvernement de voir plus loin que la 4G : "Il faudrait dès à présent aborder la couverture 5G pour que la France ne soit pas une fois de plus à la traîne et imposer aux opérateurs des obligations de 5G fixe dès l’octroi des licences !" Un scénario jugé totalement prématuré par le secrétaire d’Etat qui a estimé que la 5G n’était pas encore mature et qu’il n’y avait pas lieu d’opposer les technologies les unes aux autres.
La concrétisation des engagements dans le fixe à la peine
Autre sujet brûlant, celui de la fiabilisation des engagements des opérateurs dans les zones denses. Dans les zones Amii (préemptées par les opérateurs en 2011), en mai 2017, à peine 104 conventions de programmation et de suivi des déploiements avaient été signées, représentant la moitié (55,6%) des locaux et 7,95 millions d’habitants de la zone Amii. Les dernières conventions signées sont en outre loin d’être satisfaisantes pour l’association. "Non seulement elles prévoient une complétude à échéance de 2021 voire 2022 (au lieu de 2020) mais elles intègrent 8% de logements 'raccordables à terme', ce qui laisse présager qu’ils ne seront raccordés effectivement que si les collectivités apportent une subvention" pointe-t-on à l’Avicca. Quant à obtenir des opérateurs un calendrier de déploiement à l’échelle du quartier, cela relève de l’exploit. La ligne de partage entre intervention publique et privée devait par ailleurs bouger avec "l’appel à manifestation d’engagements locaux" (Amel) annoncé fin 2017. Il prévoyait une négociation collectivités-opérateurs au printemps, l’Arcep formalisant des engagements "opposables" avant l’été. Or la mécanique de cette consultation se met à peine en place et les négociations ne sont véritablement engagées que dans une trentaine de départements. Autant de délais qui pèsent in fine sur le démarrage effectif des travaux.