Aménagement numérique - L'extinction du cuivre se prépare à Palaiseau, ville laboratoire du 100% fibre
Le PDG de France Télécom, Stéphane Richard, ainsi que les ministres Fleur Pellerin et François Lamy, ont donné ce jeudi 10 octobre à Palaiseau le coup d'envoi du premier projet de ville 100% connectée à la fibre optique. Cette sous-préfecture de l'Essonne de 30.000 habitants a en effet été choisie pour tester la procédure d'extinction du réseau cuivre utilisé jusqu'à présent pour le téléphone et internet. On sait que les technologies xDSL sur le cuivre concurrencent la fibre et freinent sensiblement son déploiement. C'est la raison pour laquelle ce projet en vraie grandeur revêt une importance particulière : il doit donner de la visibilité sur les processus à mettre en oeuvre pour opérer la transition et, surtout, en mesurer les effets.
Avant cette bascule, prévue fin 2014, plusieurs étapes intermédiaires sont nécessaires. France Télécom doit d'abord achever le fibrage de la totalité des 15.000 logements, des 4.500 pavillons et des 2.000 entreprises et professionnels situés sur le périmètre de la commune, afin de ne pas créer de dysfonctionnements. Cette "livraison" va permettre ensuite aux 26 opérateurs présents sur la boucle locale de cuivre, et notamment aux opérateurs intégrés, tels que Bouygues Télécom, Free et SFR, de lancer leurs offres commerciales.
"L'expérience sera riche d'enseignements. Nous allons pouvoir observer et étudier les modalités de cette bascule avec l'ensemble du secteur et faire de Palaiseau un laboratoire d'évolution des usages et de développement économique auquel tous serons tous attentifs", a souligné le PDG de France Télécom. Le maire de Palaiseau, Claire Robillard, voit aussi dans cette opportunité "à l'avant-garde de la technologie numérique", le moyen d'envisager de nouveaux services et de réduire la fracture numérique. "Nous avons anticipé en équipant nos classes de tableaux numériques interactifs et préparons les étapes suivantes. Mais le fait que tous les citoyens puissent accéder au réseau nous intéresse et nous rassure", a t elle souligné.
Une zone à faible éligibilité ADSL
Le choix de Palaiseau, pour cette première initiative, ne doit rien au hasard. Située au coeur d'un pôle scientifique réputé, qui représente 13% de la recherche française, la ville offre un contexte économique intéressant et innovant. Sa taille moyenne, les équilibres entre habitat ancien, habitat collectif et pavillonnaire et le fait de se situer dans une zone à faible éligibilité ADSL, en font également un terrain très favorable à l'expérimentation. Sur le plan commercial, elle devrait en outre bénéficier de la synergie avec la DSP de l'agglomération du plateau de Saclay (Caps) dont France Télécom est le titulaire. Celui-ci prévoit de porter sur huit autres communes limitrophes le taux de couverture fibre optique à 90% d'ici fin 2013*. Enfin, et ce n'est pas l'un des moindres arguments, le projet bénéficie d'un fort engagement des élus locaux qui ont compris l'enjeu : "Le contraste entre une zone scientifique et universitaire exceptionnelle dotée de réseaux performants et d'une population ne disposant que d'accès ADSL à 512 Kbps devenait insupportable, aussi l'idée d'un réseau très haut débit nous a paru séduisante", rappelle François Lamy, ancien maire de Palaiseau, aujourd'hui ministre délégué chargé de la politique de la ville.
Sur le plan tarifaire, rien ne sera modifié
A l'époque, le ministre avait fortement soutenu le projet et depuis, la ville n'a pas relâché ses efforts. Aujourd'hui, le déploiement semble bien s'effectuer dans un contexte assez favorable, il est vrai avec près d'une centaine d'intervenants sur le chantier. La ville s'est notamment appliquée à convaincre les copropriétaires de signer rapidement des accords de déploiement de la fibre dans les immeubles. Une efficacité confirmée par Patrick Roussel, directeur de la stratégie et du développement chez Orange, qui reconnaît que cette étape délicate est menée plus rapidement qu'ailleurs. Quant aux clients d'Orange (en attendant de connaître les intentions des autres opérateurs), ils ne devraient pas être trop perturbés par le passage du cuivre à la fibre. En effet, sur le plan tarifaire, rien ne sera modifié. "Les meilleures conditions d'adhésion des usagers sont à ce prix", estime Patrick Roussel. Ainsi, le couple de retraités n'utilisant que le téléphone pourra conserver son terminal et ses tarifs abonnés anciens. Sur les accès internet, les gains seront spectaculaires et pourront atteindre, dans certains endroits mal desservis, près de 200 fois les performances du réseau actuel.
La commercialisation reste l'inconnue
Le déploiement ne signifie pas encore commercialisation. Et le comportement des consommateurs reste toujours la grande inconnue. Comment réagiront-ils au nouveau contexte ? Quel sera l'impact de la fibre sur les entreprises ? Comment évolueront les usages ? Peut-on déjà envisager des services inédits ? La ville laboratoire finira par livrer des réponses naturellement très attendues par les acteurs privés et publics.
Stéphane Richard a tempéré la portée de l'initiative. "Cette page qui se tourne à Palaiseau est fortement symbolique. Mais soyons clairs, nous n'annonçons pas l'extinction généralisée du réseau de cuivre dans notre pays." Il faudra sans doute d'autres Palaiseau et une bonne dose de volontarisme pour y parvenir comme, l'a rappelé la ministre en charge de l'économie numérique, Fleur Pellerin, qui a néanmoins conclu son intervention sur une note optimiste : "Cette expérimentation va donner un véritable élan. Elle permet d'envisager la réalité en très haut débit dans un cadre où le cuivre s'efface. Pour les usagers comme pour les entrepreneurs de Palaiseau, le futur c'est déjà maintenant."
Philippe Parmantier / EVS
* L'agglomération de Saclay (Caps) compte dix communes. Huit sont situées dans le périmètre de la DSP sur laquelle la Caps, avec le soutien de la région Ile-de-France et du conseil général de l'Essonne, mobilisent 22,4 millions d'euros d'investissement. Les deux dernières communes, Palaiseau et Orsay, situées en zone moyennement denses, dites zones AMII, sont fibrées par France Télécom Orange sur fonds propre. L'investissement à Palaiseau représenterait à lui seul "13 millions d'euros y compris le raccordement", selon Patrick Roussel directeur de la stratégie et du développement chez Orange, dans une déclaration faite à l'AFP.