Les zones de revitalisation des centres-villes, un dispositif méconnu
Prolongé pour trois ans, le dispositif des zones de revitalisation des centres-villes a vu son zonage fortement élargi par un arrêté du 22 décembre. Pourtant, cette possibilité offerte aux communes d'utiliser le levier des exonérations pour soutenir leurs commerces de proximité est mal connue. Vesoul en a fait bon usage pendant la crise du covid. Un outil parmi d'autres d'une politique de revitalisation tous azimuts.
Il existe à ce jour 1.306 zones de revitalisation de centre-ville (ZRCV) en France. Un dispositif instauré en 2020 mais resté très discret jusqu'ici. Certaines associations pourtant spécialisées dans les centres-villes n'en ont pas entendu parlé ! Des communes classées ne savent pas qu'elles le sont. D'autres, récemment déclassées, n'étaient pas au courant qu'elles figuraient dans le zonage… Et pourtant, le dispositif, qui permet aux collectivités de décider d'exonérations de taxes pour leurs commerces de centre-ville, vient d'être prolongé jusqu’en 2026 par la loi de finances pour 2024, afin d'épouser le calendrier de l’acte II du programme Action cœur de ville 2023-2026. Cette prolongation – le dispositif était censé s'éteindre fin 2023 – s'est accompagnée d'un changement d'échelle. Par un arrêté du 22 décembre 2023, 841 communes y sont entrées. Un bond remarquable : après une première sélection de 266 communes en 2020, leur nombre avait été porté successivement à 377 puis 475 en 2022 et 2023.
Sur 75 départements concernés par cette nouvelle salve, celui de la Dordogne est le mieux loti avec 43 communes entrantes, suivi du Gers (28), de la Manche (27), du Lot-et-Garonne (26)… Sachant que de nombreux départements ne comptent qu'une ou deux communes entrantes. C'est le cas des Bouches-du-Rhône avec Châteaurenard ou du Loir-et-Cher avec Veuzain-sur-Loire.
Dix communes sont sorties du zonage : Nantua (Ain), Segonzac (Charente), Boulleret et Saint-Satur (Cher), Brazey-en-Plaine (Côté d'Or), Castelnau-de-Médoc (Gironde), Voiron (Isère), Mende (Lozère), Perpignan (Pyrénées-Orientales), Rumilly (Haute-Savoie).
Un changement d'échelle lié aux signatures d'ORT
La création des ZRCV est venue compléter la loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (Elan) du 23 novembre 2018 qui a donné aux élus les moyens de revitaliser les centres-villes par la création d'un contrat intégrateur unique, l'opération de revitalisation de territoire (ORT). Afin de dynamiser les centres-villes, la loi de finances pour 2020 a instauré ces zones de revitalisation des centres-villes, qui permettent aux élus, par délibération, d’exonérer partiellement ou totalement de CFE, de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) et de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). Même si cette dernière ne concerne pas les commerces indépendants, comme le montre l'économiste Nadine Levratto (voir notre article du 2 février). Une des particularités des ZRCV est qu'elles ne comportent pas de critères de taille. Ainsi, dans le dernier classement, on trouve des communes comme Clermont-Ferrand, au côté de villages… Le changement d'échelle opéré par l'arrêté du 22 décembre ne doit rien à un choix politique ; il est le résultat automatique des critères de sélection. Pour être classées en ZRCV, les communes doivent répondre à deux critères cumulatifs : conclure une convention ORT avant le 1er octobre de l'année qui précède la première année d'application de l'exonération, présenter un revenu fiscal médian par unité de consommation inférieur à la médiane nationale des revenus fiscaux médians par unité de consommation. C'est donc la signature d'ORT (1.681 à ce jour) qui a fait automatiquement grimper le nombre de ZRCV. Et c'est l'augmentation du revenu fiscal médian qui a fait sortir certaines communes du zonage.
Mais une fois classées, très rares sont les communes qui ont utilisé le levier de ces exonérations, comme le relevait un rapport sénatorial en septembre 2022. "Aucune commune ne l'a utilisé en 2021 et un seul groupement à fiscalité propre a accordé une exonération de TFB pour 2.897 euros et trois exonérations de TFE pour 48.725 euros", pouvait-on y lire.
Une stratégie tous azimuts à Vesoul
Engagée depuis 2018 dans une stratégie tous azimuts pour revitaliser son centre-ville, Vesoul (Haute-Saône) s'est saisie du dispositif ZRCV en 2020 pendant la période de confinements. Le conseil municipal a délibéré en ce sens le 29 juin 2020, suivi de la communauté d'agglomération, dix jours plus tard, pour décider d'exonérations dans le périmètre de l'ORT. "On a pu faire bénéficier 40 commerces de ces exonérations, pour environ 13.000 euros d'économies. C'est 12% des commerces de l'ORT", se félicite Jean-Jacques Legay, adjoint au commerce de la ville de Vesoul. "Nous menons une politique extrêmement agressive et on n'hésite pas à utiliser tous les leviers à notre disposition", témoigne-t-il.
Vesoul est notamment engagée dans le programme Action coeur de ville depuis 2018. Au-delà des grosses opérations de réhabilitation, la ville a recruté une manageuse de centre-ville en 2019. La municipalité accorde des aides à l'installation, à la modernisation, à la digitalisation, a recours aux boutiques éphémères, participe à des concours comme "Mon centre-ville a un incroyable commerce"… Elle a aussi eu recours à la taxe sur les locaux commerciaux vacants. Toutes ces actions ont permis de faire chuter de moitié le taux de vacance commerciale du centre-ville, passé de 22% à 11% aujourd'hui. "On ne se repose pas sur nos lauriers, c'est un travail quotidien", souligne l'élu qui relève un "turnover important".
Absence de compensation
Seulement les ZRCV ont un principal inconvénient. Le manque à gagner pour la collectivité n'est pas compensé par l'Etat, comme le relevaient les sénateurs dans leur rapport. Ce qui fait une grosse différence avec un dispositif similaire : les Zorcomir (zones de revitalisation des commerces en milieu rural, aujourd'hui fondues dans la réforme des zones de revitalisation rurale, France revitalisation ruralité), pour lesquelles la participation de l'État s'élève à 33% du montant des exonérations. L'absence de compensation "ne favorise pas le recours à ces outils pour de nombreuses communes rurales", soulignaient les sénateurs. Alors que la disparition du Fisac est regrettée par de nombreux élus, ils proposaient de prolonger les ZRCV "jusqu'à la fin des programmes ACV (Action coeur de ville) et PVD (Petites Villes de demain)" – l'idée était également défendue par l'ancien directeur du programme ACV, Rollon Mouchel-Blaisot – mais ils demandaient dans le même temps une compensation des exonérations de 70%. "On peut toujours faire mieux, mais je suis un éternel optimiste : c'est déjà un moyen qui permet de soutenir le commerce", temporise Jean-Jacques Legay, qui reconnaît toutefois que "des communes aimeraient pouvoir utiliser ce levier mais ne le peuvent pas financièrement". Le jeu en vaudrait la chandelle. Pour l'élu, "les commerces de centre-ville sont à nouveau à la mode, les grandes enseignes réinvestissent le centre, l'avenir est dans le centre-ville. Mais si on n'impulse pas une dynamique positive, on va rater le coche."
Référence : arrêté du 22 décembre 2023 modifiant l'arrêté du 31 décembre 2020 constatant le classement de communes en zone de revitalisation des centres-villes, JO du 27 décembre 2023. |