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Avenir de la politique de cohésion - Les villes pourraient être les grandes gagnantes

En visite à Paris, mercredi, le commissaire à la Politique régionale, Johannes Hahn, a donné des garanties sur le maintien d'une politique de cohésion forte après 2013 avec une orientation nette vers les métropoles.

Le volet urbain de la politique régionale "va être renforcé", a assuré le commissaire à la Politique régionale, Johannes Hahn, mercredi 8 septembre, lors d'un point presse organisé au Conseil régional Ile-de-France. En tournée dans les régions d'Europe pour préparer l'après 2013, le commissaire s'est montré confiant dans l'avenir de la politique de cohésion (ou politique régionale) quelques mois après la polémique suscitée par un document interne de la Commission qui pouvait laisser présager des coupes claires voire une renationalisation. Aujourd'hui, avec 308 milliards d'euros sur la période 2007-2013, la politique de cohésion constitue le second poste de dépenses de l'Union européenne après la Politique agricole commune (PAC). Son objectif ? Réduire  les écarts de développement entre les différentes régions d'Europe.  "Le système actuel doit être préservé, je n'ai pas de doute que José-Manuel Barroso partage ces vues", a déclaré Johannes Hahn, rappelant qu'une réunion s'était tenue au début de l'été en présence de représentants des régions, au cours de laquelle le président de la Commission s'était engagé à préserver une politique de cohésion forte. "Cette politique régionale doit être maintenue dans toutes les régions d'Europe, être une véritable politique d'investissement dans les régions. Mais avec 80% de la population européenne qui vit en milieu urbain, les villes doivent jouer un rôle très important", a encore souligné le commissaire. L'effort doit être porté, selon lui, sur l'efficacité énergétique, l'amélioration de l'habitat ou les transports.
Le président de la région Ile-de-France, Jean-Paul Huchon, qui recevait le commissaire a souligné l'intérêt pour les régions "riches" de continuer à percevoir des subsides européens. "Nous lui avons fait part de notre souhait que soit maintenue une politique de cohésion sociale et urbaine dans l'esprit de Lisbonne", a-t-il déclaré. Selon lui, "il faut passer de la vision d'une politique régionale stricte en direction des pays les plus pauvres à une politique mieux répartie qui tienne compte des grandes métropoles". "En période de restrictions budgétaires de l'Etat, voire des collectivités locales, les fonds européens constituent une sorte d'assurance pour que des projets puissent continuer à se développer", a poursuivi le président de la région.

 

200.000 emplois créés entre 2000 et 2006

Rendez-vous manqué ? Les principales associations d'élus locaux français (AMF, ADF, AMGVF, FMVM, APVF), qui tenaient une conférence de presse le même jour pour manifester leur volonté de participer aux négociations en cours sur l'avenir de la politique de cohésion, n'ont pas rencontré le commissaire de passage à Paris. Réunies au sein de la Maison européenne des pouvoirs locaux français (MEPLF) depuis fin 2005, elles auront toutefois quelques bonnes raisons de se satisfaire des garanties apportées par le commissaire. Car Jacques Pélissard, le président de l'Association des maires de France (AMF) n'a pas caché ses craintes que la politique régionale soit "remise en question par certains pays qui souhaitent qu'elle ne s'applique qu'aux plus pauvres". Il a également rappelé, qu'en France, elle a permis la création de 200.000 emplois entre 2000 et 2006, pour un volume d'aide de 14 milliards d'euros.
L'orientation de plus en plus marquée vers les politiques urbaines devrait également être du goût du député-maire de Grenoble, Michel Destot, président de l'Association des maires de grandes villes de France (AMGVF) qui a encouragé à aller vers une "politique sociale et territoriale urbaine". "En vingt ans, on a assisté à une évolution fondamentale de la carte de la pauvreté en France. Aujourd'hui la pauvreté touche des jeunes qui vivent en ville, d'origine souvent étrangère, des familles monoparentales, s'il n'y a pas de réponse qui soit à la fois sociale et urbaine, on va dans le mur", a insisté l'élu, appelant à un renforcement du programme Urbact (sur le sujet voir ci-contre l'article du 7 septembre 2010 : "Le programme Urbact, instrument de développement durable").
 

Un "cadre stratégique commun"

Pour autant, les enjeux pour les territoires ruraux demeurent criants. Dans une photographie intitulée "Pauvreté, précarité, solidarité en milieu rural", l'Igas et le Conseil général de l'agriculture, de l'alimentation et des espaces ruraux (CGAAER), alertaient en début d'année sur les handicaps cumulés dans certains territoires ruraux : population plus âgée (27% de plus de 60 ans contre 21% dans les zones urbaines), prédominance d'emplois faiblement qualifiés (32% d'ouvriers, 27% d'employés contre seulement 7% de cadres), et surtout, un taux de pauvreté  de 13,7%, soit presque deux points de plus qu'en milieu urbain... Johannes Hahn a insisté sur la nécessité de maintenir à niveau les efforts en direction des territoires ruraux. "C'est un autre défi qui se présente à nous : il ne faut pas oublier d'avoir une interface plus forte entre les régions rurales et urbaines." Quant à l'idée avancée par les régions françaises de rattacher le volet de développement rural du second pilier de la PAC à la politique de cohésion, il s'est montré réservé. "Je suis favorable à l'amélioration de la coopération entre les deux fonds (Feder et Feader, ndlr), il faut renforcer le partage d'expérience, éviter les doublons, ce qui m'intéresse c'est le contenu mais je ne m'engage pas sur le terrain des compétences", a-t-il dit.
Le manque de coordination entre les différents fonds est une critique récurrente des porteurs de projets. Or, autre bonne nouvelle, le 31 août, Johannes Hahn et quatre de ses collègues – Maria Damanaki (Affaires sociales), Laszlo Andor (Affaires maritimes et pêches) et Dacian Ciolos (Agriculture) – avaient écrit à José-Manuel Barroso pour lui recommander la création d'un "cadre stratégique commun". L'objectif : faciliter les passerelles entre les principaux fonds (Feder, FSE, Feader et FEP). "C'est le genre de proposition que le CCRE attendait depuis des années car elle permettrait d'optimiser le développement local et régional", a déclaré Frédéric Vallier, le secrétaire général du CCRE (Conseil des communes et régions d'Europe), dans un communiqué de presse, il y a deux jours.

Il reste maintenant un peu plus de six mois à la Commission pour fournir ses propositions chiffrées. Les négociations s'annoncent âpres entre les Etats membres. "Nous défendrons les intérêts des collectivités territoriales le plus en amont possible", a assuré Bruno Bourg-Broc (UMP), président de la MEPLF et de la Fédération des maires des villes moyennes (FMVM).

 

Michel Tendil