Les villes moyennes, "figures de proue" des politiques d’aménagement et de la relance
Les villes moyennes devraient être bien servies par le plan de relance et le financement de nouveaux dispositifs du programme Action cœur de ville, comme la création de 100 foncières commerciales. Un moyen de relancer l'investissement public rapidement, avec 1.200 projets prêts à démarrer, mais aussi de préserver les efforts réalisés depuis deux ans et demi et qui commençaient à porter leurs fruits. La troisième rencontre nationale Action cœur de ville, qui s'est tenue à Paris mardi 8 septembre, a été l'occasion de faire le point.
Curieusement en retrait lors de la présentation de France Relance la semaine dernière, la ministre de la Cohésion des territoires, Jacqueline Gourault, revient sur le devant de scène pour défendre le volet territorial de ce plan de 100 milliards d’euros. "Non seulement les villes dites moyennes ne sont plus les oubliées des politiques d’aménagement et de cohésion, mais elles en sont les figures de proue", a-t-elle affirmé mardi 8 septembre, en clôturant la troisième rencontre nationale Action cœur de ville, à la Cité de l’architecture et du patrimoine, à Paris. Ce programme lancé en 2018 pour revitaliser les centres de 222 villes moyennes "dispose de l’ensemble des atouts pour être un accélérateur du plan de relance", a-t-elle également martelé.
La ministre y voit une nouvelle vision de "l’aménagement du territoire" qui s’incarne également dans les Territoires d’industrie, les maisons de services au public France services, ou France très haut débit. Cette rencontre a été l’occasion de dresser le bilan d’Action cœur de ville dans cette période chamboulée par la crise. Sur les cinq milliards programmés sur l’ensemble du quinquennat, 1,5 milliard a déjà été "mobilisé", a indiqué Jacqueline Gourault, que ce soit par l’État ou les trois principaux partenaires : l’Agence nationale de l’habitat (Anah), Action logement et la Banque des Territoires.
Regain d'attractivité
Dans la droite ligne de la feuille de route arrêté lors d’un comité interministériel du 14 mai, Action cœur de ville va s’affirmer comme un "moteur de la relance territoriale et écologique", explique-t-on dans l’entourage de la ministre. "Dès la fin mars, nous avions alerté les collectivités pour avoir des projets prêts à démarrer." Ainsi, ce sont plus de 1.200 projets qui sont prêts, représentant un montant d’investissements d’1,5 milliard d’euros. L’enjeu est de relancer l’investissement public au plus vite, mais aussi de préserver tous les efforts accomplis depuis 2,5 ans alors que les villes moyennes connaissent un regain d’attractivité confirmé par le deuxième baromètre des territoires (voir notre article). Un attrait qui se confirme dans le marché immobilier qui a connu une hausse supérieure à 5% dans 148 villes du programme, selon le 1er baromètre de l’immobilier des villes moyennes, réalisé par l’Agence nationale de la cohésion des territoires et le Conseil supérieur du notariat.
Pour le commerce, la situation est plus compliquée. La vacance commerciale avait commencé à se replier avant la crise mais les responsables du programme Action cœur de villes se préparent à une hausse.
Chute de 30% de l'activité commerciale
L’activité commerciale a chuté de 30% durant les mois de confinement, a indiqué Pascal Madry, le directeur de l’Institut de la ville pour le commerce. "Heureusement, la consommation a l’air de repartir mais elle ne se répartit pas comme elle était ; on n'est plus du tout sur la même géographique économique d’avant le Covid", a développé l’urbaniste. Ainsi, 5% du chiffre d’affaire du commerce physique a basculé sur les ventes en lignes au cours des derniers mois. "Jamais on n'a connu une telle progression, c’est une mauvaise nouvelle pour les boutiques", a développé Pascal Madry. Quant aux commerces qui ont tiré leur épingle du jeu, ce sont plutôt les grandes surfaces de l’électroménager, du sport, du bricolage, alors que l’équipement à la personne (habillement, chaussures…) et la restauration sont en repli. "Le principal moteur du centre-ville marchand est touché."
100 foncières commerciales
Difficile de repérer dans toutes les mesures du plan de relance les lignes qui bénéficieront plus particulièrement aux villes moyennes. Le ministère de la Cohésion des territoires reconnaît lui-même se livrer en ce moment à l’exercice, notamment pour tout ce qui touche à la rénovation thermique des bâtiments publics ou au déploiement du numérique. Mais on sait déjà, par exemple, que la Banque des Territoires sera aux premières loges avec un investissement de 300 millions d’euros en fonds propres pour créer 100 foncières afin de mener de grosses opérations de restructurations commerciales en centre-ville (sur la participation de la Banque des Territoires au plan de relance, voir notre article). C’est 100 millions d’euros de plus que ce qui était prévu initialement dans le programme Action cœur de ville. L’ambition est de restructurer 6.000 commerces d’ici à 2025. Pour ce faire, "il était hors de question de créer une foncière nationale", a insisté Olivier Sichel, le directeur de la Banque des Territoires, mais de partir de l’existant - SEM, établissements publics fonciers, etc. -et d’y injecter des fonds pour augmenter leurs capacités d’intervention. Les foncières pourront ainsi agir sur l’ensemble de la chaîne : de l’acquisition du foncier à la cession finale.
Subventions d'équilibre
Le plan prévoit en outre une mesure importante pour combler le déficit entre le coût de la rénovation et celui de la revalorisation (compris généralement entre 15 et 50% sur ce type d’opérations) : l’État pourra verser des "subventions d’équilibre" puisées dans le "fonds friches" de 300 millions d’euros que le gouvernement entend créer. Ces subventions pourront être abondées par les partenaires, notamment les collectivités.
Pus que jamais, le débat sur le commerce de périphérie est d’actualité, même s’il est aujourd’hui violemment télescopé par l’essor du commerce en ligne et des entrepôts d’Amazon… La ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili, et sa ministre déléguée, Emmanuelle Wargon, ont annoncé à cet égard le lancement cet automne d’un appel à manifestation d’intérêt (AMI) pour encourager les villes à plus de "sobriété foncière" et à s’engager vers un objectif de "zéro artificialisation nette" (voir notre article).
"On va aussi mettre en place des ORT (opérations de revitalisation du territoire) vertes", a aussi indiqué Emmanuelle Wargon, dans une vidéo diffusée lors de la rencontre.
Petites Villes de demain
Les ORT sont l’outil phare de la loi Elan en matière de revitalisation des centres-villes. 174 ont été signées à ce jour, indique le ministère de la Cohésion des territoires, dont 143 par des villes du programme d’Action cœur de ville. Plus de 200 devraient l’être d’ici la fin de l’année. Dans ces ORT, les élus peuvent demander aux préfets de suspendre les projets commerciaux de périphérie. Plusieurs projets ont ainsi pu être stoppés. "Le financement par l’État est conditionné au fait que la philosophie du programme est parfaitement respectée. Le message passe très bien", assure-t-on au ministère.
Au-delà du plan de relance, les villes moyennes bénéficieront en outre de la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) adoptée dans la troisième loi de finances rectificative.
"Les villes moyennes vont mieux mais ce n’est pas encore l’Eldorado", a toutefois prévenu Philippe Buisson, maire PS de Libourne (Gironde). Les regards se tournent à présent vers le "petit frère" d’Action cœur de ville, le programme Petites Villes de demain annoncé pour les "prochaines semaines", qui ciblera les communes de moins de 20.000 habitants exerçant une fonction de centralité. Jacqueline Gourault se dit déjà "persuadée qu’il est promis à la même réussite".