Les villes moyennes, des "pôles de stabilité" risquant d'être fragilisés
Se présentant comme des "pôles de stabilité" dans un pays fracturé, les villes moyennes "tiennent le choc" mais ne pourront pas tenir encore longtemps, ont alerté les représentants de Villes de France, lors de leurs vœux ce mercredi 15 janvier. Des vœux marqués par le climat d'incertitude politique actuel.
Après son bref passage au ministère des Sports de la Jeunesse et de la vie associative sous le gouvernement Barnier, Gil Avérous a repris les rênes de l'association Villes de France, toujours secondé par Jean-François Debat, qui assurait jusqu'ici l'intérim. À l'entame de la dernière année de plein exercice du mandat municipal, le tandem à la tête des villes moyennes a présenté ses vœux, mercredi 15 janvier, dans les locaux de la Fédération nationale des Caisses d'épargne, dans un climat pour le moins morose. Il y a un "besoin de rassurer", a martelé le maire de Châteauroux (Indre), sentant les élus "un peu usés", dont bon nombre se disent prêts à jeter l'éponge en 2026. Faute de candidats, "c'est le niveau qui baisse", a-t-il ajouté, appelant à reprendre en urgence les travaux sur le statut de l'élu…
Au lendemain de la déclaration de politique générale du Premier ministre, François Bayou, devant l'Assemblée (voir notre article du 14 janvier), les élus attendent, au même titre que les forces vives (entreprises, artisans…), "des règles, des objectifs, un cadre dont tout le pays a besoin" et des "compromis réciproques", a soutenu Jean-François Debat, voyant ces villes moyennes comme des "pôles de stabilité" dans un pays travaillé par les "fracturations". "Nous tenons le choc", mais "nous ne le pourrons pas sans limite", a mis en garde le maire de Bourg-en-Bresse (Ain), plaçant au sommet de la pile des sujets à traiter la question des finances, alors que l'examen du projet de loi de finances pour 2025 interrompu par la censure du gouvernement Barnier, devait reprendre ce mercredi soir au Sénat, là où il s'était arrêté...
Budget : une répartition "injuste" de l'effort demandé
Certes, la volonté du Premier ministre de ramener de 5 à 2,2 milliards d'euros l'effort demandé aux collectivités est appréciée, mais, a fait remarquer Jean-François Debat en conférence de presse, si l'on prend en compte les coupes budgétaires dans les aides, comme celles du fonds vert, l'effort de départ était plutôt de 9 milliards, et il reste à environ 6 milliards d'euros… De plus, derrière la baisse de l'effort, c'est bien la question de la "répartition" qui se pose. Illustration avec le fonds de réserve, le nouveau mécanisme de péréquation introduit dans le PLF 2025. Les deux élus plaident pour un élargissement de la base et "un retour à l'euro près à l'expéditeur", c'est-à-dire pour les 450 collectivités contributrices. Pour Jean-François Debat, la répartition de l'effort budgétaire demandé aux collectivités est "injuste" et "insupportable". Il a appelé à un "meilleur partage et à un peu de visibilité pour l'avenir".
"Les signaux ne sont pas favorables"
Gil Avérous a profité de cette cérémonie pour rendre un hommage appuyé au nouveau ministre de l'Économie, Éric Lombard, l'ancien directeur de la Caisse des Dépôts, qui lui donne "l'espoir d'une bonne connaissance de nos collectivités" et de leur impact sur l'activité économique et l'investissement. Si les villes moyennes ont retrouvé de l'attractivité, comme en témoignent les dernières données démographiques de l'Insee, notamment grâce au programme Action cœur de ville (ACV), elles restent fragiles : difficultés de logement, un accès aux soins qui continue de se dégrader et une vacance commerciale qui, dans certaines villes, repart à la hausse, comme l'ont montré les dernière Rencontres cœurs de ville organisées par la Banque des Territoires à Chartres (voir notre article du 11 décembre 2024). "Les signaux ne sont pas favorables, notamment pour les enseignes de distribution et de vêtements. (…) Il faut mettre la surmultipliée sur ce sujet, sans quoi, c'est une partie des efforts accomplis grâce à ACV qui pourraient être compromis", a alerté le vice-président de l'association. "Je pense qu'il y aura un ACV 3 pour arriver à une situation qui permette d'être confiant", a abondé Gil Avérous. L'association plaide pour la mise en œuvre d'une véritable "stratégie nationale de territorialisation du commerce" et préconise une "boîte à outils" au service des maires pour "mieux maîtriser le foncier et l'immobilier commercial". "Certains propriétaires préfèrent parfois ne pas relouer et on a des locaux qui ne trouvent pas preneurs car les exigences du propriétaire ne sont pas abordables", a expliqué Jean-François Debat, devant la presse. "Il faut que l'État nous donne les moyens fiscaux [d'agir]", a insisté Gil Avérous, défendant l'idée d'une surtaxe sur les friches, qui pourrait alimenter un fonds spécial.
ZAN : des assouplissements pour les projets industriels
Les deux élus ont également évoqué la réindustrialisation et la question du ZAN. L'association défend "un volet industriel à traiter spécifiquement". Fin 2024, Michel Barnier était allé jusqu'à proposer d'exclure les projets industriels du décompte du ZAN et d'exempter ces mêmes projets du champ de la commission nationale du débat public (voir notre article du 29 novembre 2024). Une piste qui semble avoir l'appui du ministre de l'Industrie et de l'Énergie, Marc Ferracci, reconduit dans ses fonctions. "Je sais que cette thématique est particulièrement chère à un grand nombre d'entre vous, et je vais rencontrer prochainement les sénateurs Jean-Baptiste Blanc et Guislain Cambier pour échanger à ce sujet", a-t-il indiqué aux sénateurs mardi soir, lors d'un débat sur les Territoires d'industrie. Les représentants de Villes de France ne sont pas aussi catégoriques et réclament simplement un "assouplissement". "Nous ne plaidons pas pour une exception générale sur l'industrie. Mais dans le cas d'un gros projet industriel de relocalisation, il faut qu'on puisse justifier un ajustement du Scot", a nuancé Jean-François Debat, se présentant comme "un militant du ZAN". L'élu a aussi remis en cause "le caractère prescriptif du Sraddet" et la légitimité de la région à imposer ses choix dans ce domaine.
Les polices municipales ne doivent pas être une "force de substitution"
Enfin, Villes de France s'est montrée fortement inquiète du rapport de la Cour des comptes publié lundi appelant à une refonte de la carte des zones de police et de gendarmerie en prenant en compte les effectifs de polices municipales (voir notre article du 13 janvier). Une perspective "inacceptable" pour Jean-François Debat. Le message de la rue Cambon sous-entend que "plus vous avez de policiers municipaux, moins on en mettra au niveau national", a retenu Gil Avérous pour qui les polices municipales ne doivent pas apparaître comme une "force de substitution". Alors que le gouvernement a confirmé que les travaux du "Beauvau des polices municipales" allaient reprendre, notamment sur la question des nouvelles prérogatives de police judiciaire, le maire de Châteauroux a indiqué que le sujet ne faisait "pas l'unanimité" chez les élus : "Peut-être que la solution est de laisser à chacun la possibilité d'actionner une solution prise dans une boîte à outil nationale." À l'instar du choix d'armer ou non sa police municipale.