Les universités françaises alertent sur une crise budgétaire sans précédent

Les universités françaises sont en diffculté et le font savoir. À l'appel de France Universités, une journée nationale de mobilisation intitulée "Universités en danger" doit se tenir ce mardi 3 décembre. L'objectif : alerter l'opinion publique et le gouvernement sur la crise financière majeure qui "menace l'avenir des établissements d'enseignement supérieur". De nombreux établissements craignent désormais un déficit. Une première en plusieurs décennies. 

Face à des budgets 2025 jugés "impossibles à construire", les présidents d'université dénoncent une situation critique. "Le projet de loi de finances 2025, toujours plus contraint, plonge l'ensemble des universités dans une situation extrêmement grave d'un point de vue financier", alertent-ils dans un communiqué publié lundi 2 décembre 2024. Dans certaines universités, comme à Lille, les cours, les bibliothèques et les services administratifs devaient rester fermés toute cette journée. À travers des actions variées, les dirigeants espèrent provoquer une prise de conscience nationale sur les conséquences d'une telle crise pour l'avenir des étudiants et du pays.

Budget sous tension

La situation n'est pas nouvelle. Depuis le mois de septembre, les présidents d'université expriment leur inquiétude face à des perspectives budgétaires difficiles. Jeudi 21 novembre, plusieurs présidents d'université s'étaient rendus au ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, demandant notamment que l'Etat renonce à faire peser sur leurs institutions un prélèvement supplémentaire pour un fonds de solidarité lié au régime de retraite des fonctionnaires. "On nous demande de faire plus avec de moins en moins", avait alors déploré Dean Lewis, président de l'Université de Bordeaux et vice-président de France Universités. "Entre 2011 et 2021, nous avons accueilli 500.000 étudiants de plus, à moyens constants. Contrairement à ce que nous faisions il y a dix ans, une université doit investir dans la cybersécurité, être au top contre les violences sexuelles et sexistes, veiller à l'intégrité scientifique, s'impliquer dans les transitions environnementales etc.", avait-il ajouté. Le 28 novembre, c'était au tour de l'Université de Montpellier de se faire entendre (lire encadré). De nombreux établissements craignent désormais un déficit, une première en plusieurs décennies. 

Sans réponse rapide du gouvernement...

Sans réponse rapide du gouvernement, les universités prévoient des mesures drastiques : réduction des capacités d'accueil en licence et en master, fermeture de formations, suspension des recrutements, y compris pour les doctorants, fermeture de campus et baisse de la qualité des services, gel des investissements… Ces réductions compromettent directement les missions fondamentales des universités : la formation des étudiants et la recherche, piliers de l'innovation française.

"Renvoyer les établissements à leur trésorerie cumulée"

Malgré une rencontre avec le ministère de l'Enseignement supérieur le 21 novembre, les universités regrettent l'absence de solutions concrètes. La seule réponse, selon France Universités, consiste à "renvoyer les établissements à leur trésorerie cumulée", une ressource qu'ils jugent déjà insuffisante pour couvrir leurs besoins courants. Face à cette impasse, une lettre a été adressée au Premier ministre Michel Barnier pour l'alerter sur la gravité de la situation. Dans ce courrier, les présidents insistent sur l'urgence d'un engagement financier accru de l'État pour garantir l'avenir des universités et, à travers elles, celui de la jeunesse française.

Le modèle universitaire français en question

Cette mobilisation ne concerne pas seulement le simple fonctionnement des établissements, mais affirme vouloir défendre la pérennité du modèle universitaire français et à sa capacité à répondre aux défis économiques et sociaux de demain.
Le 29 novembre, le syndicat étudiant L'Union étudiante a appelé à une journée de mobilisation le 5 décembre, estimant que le "nouveau coup de rabot", conduira à des diminutions de "contrats doctoraux, à la fermeture de filières, au report de travaux de rénovation". Cette mobilisation fera suite au mouvement du mardi 3 décembre qui marquera peut-être un tournant dans un dialogue de plus en plus tendu entre l’État et l'Enseignement supérieur.

› "C'est un coup dur porté au rôle d'ascenseur social que sont les Universités"

L'Université de Montpellier a tiré la sonnette d'alarme dans un communiqué du 28 novembre, évoquant un total de 17 millions d'euros de charges non compensées par l'Etat en 2025. Elle estime que ce désengagement "porte un coup dur au rôle d'ascenseur social" des universités. "Ces charges non compensées par l'Etat mettent l'Université en difficulté", a souligné dans un communiqué publié jeudi soir Philippe Augé, président de l'une des institutions d'enseignement les plus renommées du Sud-Est de la France, qui compte 51.000 étudiants. 
Selon une enquête de l'Insee, un enfant d'ouvrier ou d'employé qualifié aura 12 fois plus de chance d'opérer une ascension sociale s'il poursuit ses études au moins jusqu'à bac +3. "A terme, c'est un coup dur porté à l'attractivité de l'enseignement supérieur et de la recherche en France", a-t-il poursuivi. Il rappelle que depuis plusieurs années, l'Etat demande aux universités de nouvelles missions sans compensation intégrale, tout en leur faisant porter le poids de mesures en ressources humaines (augmentation des points d'indice, forfait mobilité durable). "Un principe de bon sens est que le décideur (État) soit le payeur !", souligne Philippe Augé. "Jusqu'à présent, le niveau important de ressources propres, associé à une gestion rigoureuse, a permis d'amortir l'impact de ces dépenses supplémentaires imposées par l'Etat", mais puiser "massivement dans les réserves" peut conduire à une "asphyxie", a-t-il mis en garde.