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Coopération - Les territoires transfrontaliers à l'heure de la "coopétition"

Avec l'Euromot, créé à Lille le 8 novembre, les territoires transfrontaliers d'Europe disposent d'un nouvel outil d'assistance technique pour les soutenir dans leur développement.

"Une lettre envoyée de Hendaye à Fontarabie, distantes de 200 mètres de part et d'autre de la frontière qui sépare le Pays basque français du Pays basque espagnol, doit passer par Paris puis Madrid, ce qui peut prendre plusieurs jours." Pour le député européen Alain Lamassoure, cette situation illustre les "zones grises" qui minent encore trop souvent les échanges des régions frontalières européennes. "Nous rencontrons des dizaines de tracasseries de ce type au quotidien, trop importantes pour être réglées par le préfet mais pas assez pour déranger un ministre", a-t-il insisté, jeudi 8 novembre, à l'occasion d'un colloque organisée par la Mission opérationnelle transfrontalière (MOT), à Lille, sur le thème "Les territoires transfrontaliers : l'Europe au quotidien". Ces zones tampons souvent tourmentées au cours de l'histoire, par les guerres, les restructurations, constituent aujourd'hui les charnières d'une Europe qui se rêve en espace unique. Pour effacer ces "cicatrices de l'histoire", les projets ne manquent pas, notamment grâce aux financements des programmes Interreg. Le pont de Oresund qui relie les villes de Malmö et Copenhague entre la Suède et le Danemark a valeur d'exemple. Peut-être plus symbolique encore est la route qui permet désormais de se rendre de Newry à Dundalk, deux villes jumelées du Nord et du Sud de l'Irlande. "Ce que nous voulons c'est créer un pont de confiance", a souligné Jim d'Arcy, le maire de Dundalk. Au-delà des images, les différences persistantes de régimes fiscaux, de salaires et de prix peuvent parfois constituer des atouts. Pour les entreprises, ce peut être le moyen de prendre ce qu'il y a de mieux de chaque côté.

 

L'eurométropole de Lille-Courtrai-Tournai

Ainsi, dans la province de Limbourg aux Pays-Bas, frontalière avec l'Allemagne, un incubateur de 120 entreprises a montré que le choix d'implantation pouvait se faire dans un sens comme dans l'autre. Mais l'équilibre est parfois difficile à trouver : sur la frontière Nord Lorraine-Luxembourg, la partie luxembourgeoise attire les emplois productifs, la partie française le commerce et l'habitat, avec un effet négatif sur les finances des collectivités françaises privées de taxe professionnelle. Même constat à la frontère belge : 15.000 "blouses blanches" travaillent outre-quiévrain, créant ainsi une pénurie de main-d'oeuvre qualifiée côté français. Selon, Jean Severjins, chef de projet "internationalisation" dans la province de Limbourg, "il est temps de passer de la compétition à la coopétition". Pour répondre à ces besoins de gouvernance qu'implique la "coopétition", mélange de concurrence et de complémentarité, l'Union européenne a mis en place un nouvel instrument juridique : le Gect (groupement européen de coopération territoriale), qui a vocation à devenir le support légal des autorités locales transfrontalières. Mais le recours au Gect, instauré en 2006, tarde à venir, ce qui provoque l'irritation de Bruxelles. L'eurométropole de Lille-Courtrai-Tournai sera ainsi la première à voir le jour sous cette forme dans les semaines à venir. "Après l'effondrement de notre industrie sidérurgique et textile, nous étions condamnés à devenir une morne plaine entre le triangle Londres-Bruxelles-Paris, a déclaré Pierre Mauroy, président de la MOT et de Lille Métropole, sur le ton du lyrisme. Mais cette région transfrontalière qui comprend deux millions d'habitants a dit non, nous n'acceptions pas le déclin, ce sera la marque de l'Europe."

 

Naissance de l'Euromot

L'eurométropole couronne ainsi plus de quinze ans de coopération entre ces territoires et entend servir de laboratoire à toute l'Europe. Elle travaillera dans de nombreux domaines comme la mobilité, les transports, l'éducation, la santé, l'emploi, l'harmonisation des dispositions fiscales et administratives, la sécurité, la gestion des ressources en eau ou encore l'environnement.
Le colloque de Lille aura également vu la naissance de l'Euromot, qui marque le passage de la MOT, créée il y a dix ans pour assister les zones transfrontalières de la France dans leurs projets, à la dimension européenne. L'Euromot regroupera dans un premier temps la MOT, Eixo Atlantico, un réseau de villes frontalières entre le Portugal et la Galice en Espagne, et City Twins, un réseau de villes jumelles impliquant l'Allemagne, la Pologne, l'Estonie, la Lettonie, la Suède, la Finlande et la Russie. Tous les sites transfrontaliers (eurocités, villes jumelles et eurodistricts) ont vocation à le rejoindre. Et pour son baptême, l'Euromot a passé, jeudi 8 novembre, une alliance avec l'Association des régions transfrontalières européennes (Arfe). "Ensemble, nous allons faire en sorte que le transfrontalier soit reconnu partout en Europe", a déclaré Pierre Mauroy, ajoutant qu'il ne s'agissait pas de créer des "ensembles extraterritoriaux" mais de faciliter "la coordination des actions qui répondent aux besoins des habitants". Mais d'aucuns voient encore plus loin. Ainsi de Stefan De Clerck, maire de Courtrai, pour qui "les Etats-nations ont du mal à trouver leur place dans le nouveau contexte européen et s'effacent au profit des autorités locales et de l'Europe en plein développement".

 

Michel Tendil, à Lille

 

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